PAGE, Martin
Comment je suis devenu stupide
Antoine est un jeune garçon qui souffre de son intelligence. Il faut comprendre intelligence au sens d'aptitude intellectuelle à comprendre des choses complexes, mais également intelligence émotionnelle, conscience et lucidité aigues, par là même, douloureuses. En essayant de vivre selon sa conscience, Antoine est complètement inadapté à la société dans laquelle il vit. Quatre amis pour toute vie sociale, pas de boulot fixe, et une vraie douleur de vivre. Il tente tour à tour de devenir alcoolique et de se suicider, échouant dans les deux cas. Il décide alors de devenir stupide, en s'aidant pour cela de Prozac. Fermant la porte de sa conscience, il va en salle de muscu, achète une télé, trouve un boulot dans le courtage, achète des tas de choses dont il ne sert pas (un énorme frigo américain, une voiture… ) et des beaux vêtements. Mais sa conscience vient le triturer (des réminiscences de la correspondance de Flaubert) et ses anciens amis se liguent pour le désenvoûter. Fin de l'histoire : Antoine arrive à concilier son intelligence avec la vie, et rencontre l'amour dans un être aussi singulier que lui. Beaucoup de bonnes idées. Trop de clichés peut-être pour un héros qui les dénigre. Trop d'exagérations, de facilités. Plus un conte moral qu'un roman. Le même thème aurait pu être exploité plus finement. Mais c'est tout de même fort sympathique.
Une parfaite journée parfaite
Le narrateur, dévoré intérieurement par un requin, se suicide plusieurs fois par jour. Il mène une vie normale de célibataire et de cadre dynamique, mais derrière la façade s'agite un profond désespoir, l'incapacité à s'adapter à cette vie, l'incapacité à communiquer dans les cadres établis de la relation à autrui. Ses seuls soulagements sont la poésie d'Emily Dickinson et un quatuor de mariachis qui lui apparaît de temps à autre pour lui jouer de la musique. Fantaisie et désarroi se mêlent pour critiquer le caractère factice des relations entre voisins, collègues, du travail salarié, de la plupart des loisirs, du conformisme en tout genre, de l'indifférence que nous témoignons pour notre prochain. Malgré la justesse des observations et la drôlerie de certains passages, la vision trop caricaturale des choses agace parfois. N'y a-t-il pas aussi un certain snobisme dans tout ce dédain désemparé ?