PAASILINNA, Arto

Prisonniers du paradis

Un avion transportant du personnel de l'ONU (infirmières, sages-femmes, exploitants forestiers et bûcherons) et un journaliste s'écrase en mer. Alors que tout le monde croit les passagers disparus, une cinquantaine de survivants a pu s'éjecter de l'appareil et rejoindre une île indonésienne proche et déserte sur la portion où ils accostent. Si les premiers jours sont difficiles, une fois la survie assurée, il s'établit une sorte de petite communauté démocratique, sans hiérarchie, libre de moeurs (on a réussi à repêcher une boîte de stérilets dans la carlingue), où le droit de propriété est limité à son strict minimum. Tandis que cette communauté entreprend de défricher un sos géant dans la forêt, repérable par satellite, certains commencent à réaliser qu'ils sont mieux ici qu'ailleurs, que leurs familles ont déjà fait leur deuil et qu'il est envisageable de rester. Cependant, la majorité souhaite rentrer. Le projet SOS suit donc son cours et réussit. Lorsque l'armée américaine, missionnée pour récupérer les survivants, se heurte à la résistance de ceux qui refusent de quitter l'île, elle les traque impitoyablement pour les ramener pieds et poings liés à leur vie antérieure. Un seul reviendra vivre là, sans sa famille. Pour les autres, c'est la fin de l'utopie.

Moins drôle et féroce qu'un Homme heureux, Prisonniers du paradis parvient cependant à donner la nostalgie de cette île où le communisme semble pour la première fois se réaliser, sans dictature (un des personnages le constate avec amusement), où l'intérêt public se fait en communion avec les intérêts privés, où les besoins essentiels sont assurés, sans notion de croissance. Pour cela des conditions exceptionnelles : un petit nombre d'individus majoritairement très instruits, issus de pays où la sociale-démocratie est plutôt plus avancé qu'ailleurs. Malheureusement, ils ne sont pas assez conscients de leur bonheur pour accepter de rester prisonniers de ce paradis trop simple. Un songe de doux rêveur.

2008-05

Un homme heureux

L'ingénieur Jaatinen est envoyé par l'Etat finlandais pour construire un pont dans la petite ville provinciale de Kuusmäki, à l'esprit fermé et détestablement étroit (réjouissant portrait d'une campagne arriérée opposée à la modernité citadine). Son intelligence pragmatique, sa liberté de moeurs, ses méthodes de travail, son refus de composer choquent les habitants, peu habitués à tolérer les étrangers. L'élite locale, envieuse et mesquine, lui joue des mauvais tours et finit par lui faire perdre son travail. Mais Jaatinen ne s'avoue pas vaincu. Il rumine sa vengeance, revient comme entrepreneur, prospère, élimine par ruse tous ses ennemis, s'empare du pouvoir local et parvient même à réunir sous son toit, en parfaite harmonie, les deux femmes qu'il convoitait.

Derrière l'ingénieur victime se profile peu à peu un homme diabolique, efficace, sans scrupule, qui n'hésite pas à manipuler la presse et les institutions en sa faveur, mais qui reste sympathique, car il use raisonnablement de son pouvoir, uniquement pour abattre, non sans ménagements, les plus mesquins et les plus vils.

Jaatinen ne défend que sa liberté d'être et d'agir, sans principes ni théories. S'il s'oppose au pasteur et aux villageois, ce n'est pas par rejet de la religion - non-croyant, il est prêt à faire baptiser ses enfants pour complaire à sa compagne - ou de la bourgeoisie provinciale en général, mais parce que ce pasteur-là et ces provinciaux-là nuisent à sa puissance d'agir. La victoire de Jaatinen est celle d'un pragmatisme généreux et joyeux contre la bêtise dogmatique.

2007

 
litterature/fiches/paasilinnaarto.txt · Dernière modification: 2008/05/26 14:21 (édition externe)     Haut de page