CUNNINGHAM, Michael

La Maison du bout du monde

Roman empruntant la forme de récits alternés de quatre personnages : Jonathan, sa mère Alice, Bobby et Clare. Bobby et Jonathan grandissent à Cleveland, ville sans avenir des USA, dans les années 70. L'enfance de Bobby est marqué par la mort de son frère Carlton (qui l'avait initié très tôt aux joies de la drogue), la dérive et la mort de sa mère puis, plus tard, celles de son père. Se liant d'amitié avec Jonathan, il cherche refuge auprès des parents de ce dernier, Alice et Ned. Jonathan découvre quant à lui auprès du léthargique Bobby la marijuana, le rock et son homosexualité. Alice, la mère de Jonathan, qui trouvait chez son fils une compensation à sa vie conjugale peu satisfaisante, lutte pour l'empêcher de s'éloigner (très beaux passages sur la douleur d'une mère qui sent son enfant lui échapper) sans y parvenir. Elle conquiert en revanche Bobby, aussi léthargique qu'assoiffé d'affection et de sécurité, qui devient sous sa férule un très bon cuisinier.

Quelques année plus tard, Jonathan part faire ses études à New-York. Il s'installe avec Clare, avec laquelle il vit une chaste amitié amoureuse et intellectuelle, tandis qu'il satisfait ses besoins sexuels auprès d'Erich, qui échoue comme lui à construire une relation amoureuse classique. Clare, d'une dizaine d'années plus âgée, a vécu plusieurs histoires compliquées (hétérosexuelles et lesbiennes). Quant à Bobby, il reste chez Ned et Alice, jusqu'à ce que ceux-ci, en déménageant vers le sud pour répondre aux problèmes de santé de Ned, le poussent à prendre enfin son envol. Il s'installe alors à New-York avec Clare et Jonathan. Entre eux commencent une étrange relation à trois, Clare dépucelant Bobby, dont la sexualité semble fluctuer en fonction de ses partenaires, Jonathan tentant de fuir leur trio sans y parvenir. Finalement, après la mort de Ned - confrontation poignantes et violentes entre Alice et Clare ainsi qu'entre Alice et son fils, avant qu'Alice dotée d'un nouvel amant, trouve enfin une vie qui lui plaît - le trio quitte New-York pour s'installer à la campagne, afin d'élever à trois l'enfant de Clare et Bobby, tout en lançant avec succès un restaurant. Ils accueillent également Erich qui se meurt du sida. Ce fragile équilibre se rompt quand Clare part en emportant son bébé pour se construire une vie à elle, en tête à tête avec sa fille. Bobby, heureux de son foyer, la laisse partir avec une résignation sereine qui caractérise son attitude face à la vie. Jonathan, dont à la dépendance vis-à-vis de la petite fille était intense, continue pour sa part à rechercher à ses côtés un équilibre nécessairement plus difficile et précaire.

Beau livre sur la quête de soi. Intéressante exploration des rapports parents-enfants, qui confirme qu'on ne fait un enfant que pour soi…

2007-01

Le livre des jours

Trois histoires, à trois époques différentes, emplies de correspondances, à commencer par le prénom des personnages (Simon, Luke et Catherine), le lieu (New-York) et l'oeuvre de Walt Whitman qui les hante. Chaque histoire est centrée sur un personnage différent : d'abord Luke, puis Catherine et enfin Simon.

La première histoire se déroule au XIXe siècle, dans les quartiers populaires. Elle met en scène une jeune femme (Catherine) dont le futur époux (Simon) a été broyée par une machine et un jeune garçon (Luke) qui va remplacer son frère à l'usine pour nourrir sa famille. Celui-ci développe un étrange rapport à la poésie de Whitman, aux machines et est habité d'étranges prémonitions relatives à Catherine. A travers Luke, la dénonciation de l'exploitation liée à l'industrialisation devient à la fois plus poétique, plus cruelle et plus inquiétante, avec une espèce d'autonomie de la machine qui parle à l'homme pour le séduire et le détruire.

La seconde histoire se déroule dans un New-York très contemporain, post 11 septembre. Catherine est une femme, noire, cultivée, qui travaille dans une cellule psychologique de la police, chargée de recevoir les appels de déséquilibrés menaçant de commettre un crime. Amoureuse d'un trader nommé Simon (le blanc parfait riche, pas raciste, gentil) dont elle reste néanmoins séparée par une limite impalpable (celle de sa sensibilité, qu'il ne faut pas montrer, de son passé douloureux - elle a perdu un fils appelé Luke et s'en ai toujours sentie coupable), elle est confrontée à des enfants terroristes, menés par une vieille femme qui les a recueillis et nourris à la poésie de Whitman, leur laissant croire qu'en tuant avec amour (en embrassant la victime avant de se faire exploser avec elle), ils ne sont pas coupables. Un des garçons s'attache à Catherine, qui au lieu de le dénoncer, fuit avec lui après l'avoir désarmé, devinant qu'il la tuera peut-être un jour, mais choisissant de l'aimer en attendant. Excellent témoignage sur le rapport des NYkais aux terroristes, le statut d'une femme noire, qui sans être confronté à un racisme brutal, doit encaisser jour après jour des regards, des gestes, des interrogations muettes qui ne seraient pas destinées à une blanche.

La dernière histoire relève de la science-fiction. Elle se situe dans une Amérique ayant subi une catastrophe nucléaire. Le vieux New-York est devenu une attraction touristique où clochards, agresseurs, junkies et autres sont des acteurs, où des touristes paient pour se faire agresser dans Central Park par des jeunes gens ou des humanoïdes (sorte de nouvelle prostitution). Simon est un robot presque humain, en quête de ce qui le rendrait vraiment humain (sensibilité) et travaille dans le business des agressions. Catareen est une extra-terrestre (nadienne) déportée de sa planète pour s'être révoltée et qui, comme bcp de nadiens, occupe un emploi subalterne (nounou). La police (assurée par des drones à la gachette facile) commençant à s'intéresser à lui, Simon fuit, aidée par Catareen qui part avec lui. Sur leur route, vers l'ouest, ils rencontrent Luke, un gamin victime de malformations dues à des substances absorbées par sa mère. Il fuit avec eux une secte religieuse chrétienne. Tous trois arrivent à Denver, où habite le fabricant de Simon. Luke part avec ce dernier et sa famille dans l'espace, à la recherche d'un monde meilleur. Simon reste sur terre pour assister Catareen dans son agonie (il a appris qu'elle était centenaire et que les nadiens déclinent d'un coup), avant de partir seul vers l'ouest. Les thèmes centraux sont cette fois la bio-éthique, l'immigration (les réfugiés politiques, le racisme, la sous-humanisation) et les dérives policières, touristiques et autres du futur.

2007-06

 
litterature/fiches/cunninghammichael.txt · Dernière modification: 2007/12/20 22:44 (édition externe)     Haut de page