MAHFOUZ, Naguib
Impasse des deux palais
Roman. Ahmed est un père craint par ses enfants et sa femme (Amina), qu'il maintient sous la férule de la religion musulmane la plus traditionaliste. Ce qui ne l'empêche pas de sortir chaque soir pour profiter de l'amour, des chants et du vin, et surtout, de l'amitié qu'il tient pour sacré. La vie de la famille est successivement bouleversée par le mariage des deux filles, Aïsha, la belle cadette, et Khadiga, l'aînée au grand nez, par celui de Yasine (fils d'un premier lit), suivi d'assez près de son divorce (à cause de son inconduite sexuelle) et par la révolution nationaliste, dans laquelle s'engage un autre fils, Fahmi. Celui-ci meurt sous les balles lors d'une manifestation pacifique. Amina ne conserve auprès d'elle qu'un seul de ses enfants, le petit Kamal.
La belle du Caire
1930, Le Caire. Pour poursuivre à l'abri d'un éventuel scandale sa relation avec la belle et pauvre Ishane, le riche Qasim bey Fahmi, ministre, trouve à sa maîtresse un mari dont il fait son secrétaire puis son directeur de cabinet, Maghoub Abd al-Dayim. Pauvre étudiant, décidé à renier toute morale pour essayer de trouver le bonheur, Maghoub finira, comme Ishane, par succomber au scandale. Mise au courant par un rival de Maghoub, la femme de Qasim bey Fahmi révèle au grand jour ce qui aurait dû rester secret. Le ministre tombe, et Maghoub perd son honneur et sa situation.
Le Palais du désir
Roman (2e de la trilogie cairote). On retrouve Yasine, toujours aussi débauché, qui commence par épouser une voisine détestée d'Amina, Maryam, ce qui l'oblige à quitter la maison familiale. Rapidement lassé, il divorce et finit par épouser une luthiste, Zannouba, qui fut aussi la maîtresse de son père et à laquelle il fait un enfant. Amina, amère depuis la mort de Fahmi, est laissée beaucoup plus libre par son mari, pour compenser la perte éprouvée. Ahmed, entouré de ses petits-enfants, est quant à lui vieillissant. Désireux de posséder Zannouba, il résiste avec difficulté à la tentation de l'épouser, laissant sans le savoir à son fils Yasine le soin de le faire. Il doit renoncer aux soirées, l'alcool provoquant des hausses de tension qui lui font frôler la mort. Mais le personnage principal est Kamal, déchiré par son amour impuissant pour la cruelle Aïda, la soeur de son riche ami Hussein (d'où le titre). Son idolatrie cesse peu à peu après le mariage de celle-ci, l'idole redescendant sur terre. Dévoré par la soif de sciences et d'idéal, il renonce à la religion et cherche la vérité, tout en découvrant l'alcool et les femmes. Ce second volet s'achève sur la mort probable de deux des enfants d'Aïsha et de son mari, et sur le décès certain du héros de Kamal, le leader nationaliste Saad.
Le jardin du passé
Suite et fin de la trilogie. Tandis qu'Aïsha a vécu comme une ombre au côté de sa fille Naïma, les enfants de Khadiga, Abd-el-Monem et Ahmed, deux étudiants prometteurs, sont devenus respectivement Frère musulman et communiste. Kamal, chez qui le doute a rongé toutes les croyances et les espoirs possibles, est resté célibataire. Yasine a eu un fils et une fille de Zannouba. Abd-el-Monem épouse Naïma qui meure en couche, laissant sa mère à un désespoir plus profond que jamais. Ridwane, le fils de Yasine, devient l'étoile d'un jour au bénéfice d'une victoire d'une dissidence wafdiste. Il est homosexuel, à l'insu de tous. Abd-el-Monem se remarie avec Karima, fille de Yasine, tandis que son frère épouse une communiste méprisée par sa mère et se lance dans le journalisme. Tous deux sont arrêtés pour opposition au gouvernement. Au-delà des évolutions politiques du pays, notamment pendant la seconde guerre mondiale, ce dernier volume voit surtout la vieillesse et la mort d'Ahmed Abd el-Gawwad. Il s'achève sur la mort d'Amina.
Miramar
Roman, narration à 5 voix. A Alexandrie, cinq pensionnaires masculins se rencontrent à la pension Miramar, tenue par Marianna, une beauté ruinée par la vieillesse et la Révolution. Ils viennent d'horizons différents : Amer, un ancien journaliste qui a traversé tous les courants nationalistes ; Thoqa, un ancien notable dont les biens ont été mis sous séquestre ; Hosni Allem, un propriétaire terrien en quête de projet commercial ; Mansu, un journaliste hanté par une trahison qui le rend fou ; Sahran, un jeune opportuniste qui tente de tirer profit de la révolution. Au milieu d'eux, une fière et belle fallalah, Zohra, qui a fui son village, suscite l'admiration de tous. Séduite puis abandonnée par Sahran, qui se suicide après l'échec d'un coup crapuleux, elle doit quitter la pension, sous le regard attristé et nostalgique de Amer.
Vienne la nuit
La famille Kamel Ali se trouve sans ressource à la mort du père, petit fonctionnaire. Sous l'impulsion sévère de la mère, ils parviennent à s'organiser pour survivre, ravalant leur orgueil lorsqu'il faut vendre les meubles ou accepter que la soeur, Nafissa, devienne couturière, tandis que les deux frères cadets, Hussein et Hassanein poursuivent leurs études. Hassan, le fils aîné, devenu voyou, fait parfois profiter la famille de sa bonne fortune occasionnelle. Ayant obtenu le baccalauréat, Hussein se sacrifie et prend un petit emploi plutôt que de poursuivre ses études. Lorsqu'Hassanein l'obtient à son tour, il met à contribution toute la famille pour pouvoir devenir officier. Mais lorsqu'il obtient cette dignité, la préservation de son honneur, nécessaire à la réussite de ses ambitions, l'obsède plus que tout. Il rompt une promesse de mariage vieille de trois ans parce que la fiancée ne lui paraît plus digne de lui, accueille du bout des lèvres son frère Hassan, blessé et traqué par la police. Enfin, lorsqu'il apprend que sa soeur s'est fait arrêtée dans un hôtel de passes, il ne va la délivrer que pour la contraindre au suicide. Mais, pris de remords, il s'apprête lui aussi à se suicider lorsque le roman s'achève, laissant seule sa mère abrutie de malheur.