KUNDERA, Milan

L'ignorance

La Tchécoslovaquie vient d'être délivrée du joug soviétique. Aux émigrés se pose la question du retour. Tous leurs amis bien pensants les y poussent, considérant comme naturel qu'ils désirent plus que tout retourner dans leur patrie. Cela paraît naturel aussi aux tchèques restés sur place. Pourtant Irena n'a pas envie de retourner à Prague. Parce qu'à Prague, elle a laissé une mère dominatrice dont elle ne veut plus connaître le son joug. Parce qu'elle a construit sa vie ailleurs sans en être mécontente. Mais son ami suédois, Gustaf, qui ne la satisfait pas, la pousse au retour, comme tous les autres. Lors d'un séjour à Prague, elle retrouve la ville qu'elle aime mais aussi des amies qui se fichent de savoir ce qu'elle a vécu pendant 20 ans et qui cherchent à la renouer à son passé, en l'amputant de toute une tranche de sa vie. Pour Josef, c'est la même chose. Après le décès de son épouse danoise, qui l'a poussé au voyage, il retrouve le pays natal, des rancoeurs ineffacées, un passé en grande partie oublié et l'incompréhension des tchèques pour son attachement à une autre vie. Josef et Irena se rencontrent, comme ils se sont rencontrés jadis. Seule Irena s'en souvient mais Josef lui laisse penser qu'il s'en souvient lui aussi. Ils couchent ensemble, torridement. Mais Irena s'aperçoit qu'elle est une inconnue pour lui et il fuit vers le Danemark. Pendant ce temps, mais elle l'ignore, Gustaf a couché avec sa mère.
Kundera laisse peu d'espoir et de joie à ces émigrés dont il décrit admirablement la situation. Une idée intéressante parmi d'autres : de nombreuses façons de pensée seraient transformées si on vivait 100 ans de plus. Pour un émigré ayant passé 20 ans à l'étranger, il n'y aurait pas de Retour, mais un méandre d'une vie plus longue, parce que les 20 ans n'auraient plus la même échelle et le temps de vie restant non plus. On parlerait moins facilement d'amour unique. Peut-être le sexe lasserait-il avant que le vieillissement physiologique ne s'en mêle.


L'insoutenable légèreté de l'être

Roman. Tomas et Tereza s'aiment mais Tereza souffre des constantes infidélités de Tomas (curiosité quasi médicale qui le pousse à saisir la spécificité de chaque femme dans l'acte sexuel). A cause d'elles, elle se sent aimée par compassion, elle le quitte et rentre en Tchécoslovaquie (ils avaient migré à Zurich après l'invasion russe). Tomas la rejoint. Un article lui vaut de perdre son métier de médecin (il devient laveur de carreau). Puis ils partent à la campagne, où Tomas ne trompe plus Tereza. Ils assistent à la mort du chien (Karénine) qui a accompagné toute leur vie. Ils meurent dans un accident de camion. Ils sont la pesanteur, poids noble (et triste) de l'amour. Sabina, une ancienne maîtresse de Tomas, qui n'est jamais revenue en Tchécoslovaquie, va de trahison en trahison, elle est la légèreté, douloureusement vide. Plusieurs théories : einmal ist keinmal (on ne vit qu'une fois, on ne saura jamais si les choix que l'on a fait étaient les bons) ; le kitsch (l'adhésion à un être universel, accompagné de la volonté d'ignorer la merde) ; le “es muss sein” qui n'existe pas…Poétique, touffus, indispensable.


La valse aux adieux

Roman. L'infirmière Ruzena travaille dans une morne ville d'eaux. Elle est l'amante aimée de Franzisek, un jeune homme qui incarne pour elle la banalité, la monotonie de son milieu. Elle tente de s'attacher le célèbre trompettiste Klima en prétendant que l'enfant qu'elle attend est de lui, alors qu'ils n'ont passé ensemble qu'une nuit. Klima cherche à lui échapper (avortement) parce qu'il est éperdument amoureux de sa femme, Kamila, qu'il ne cesse pourtant de tromper, malgré l'extrême jalousie de celle-ci. Finalement, Ruzena est séduite par Bertlef, un riche américain, un saint qui recherche avant tout l'admiration. Alors qu'elle commence à vivre, elle absorbe un poison que lui a plus ou moins volontairement laissé Jakub (ancien détenu politique). Klima est débarrassé mais Kamila prend conscience qu'il n'est pas le seul homme au monde. Jakub se sent une âme d'assassin sans savoir si l'infirmière est morte. Franzisek croit que Ruzena s'est tuée à cause de son insistance. Kundera ajoute à cela un dernier ingrédient, le projet eugénique du docteur Skréta, qui fertilise les femmes dites stériles avec son propre sperme. Galerie de portait sur fond de dictature tchécoslovaque en dérive, bourreaux et victimes se confondent souvent, entre Histoire et vie privée.


La vie est ailleurs

Roman. Jaromil est poète, sa mère l'a décrété. Un poète qui vit mal, engluée dans l'amour maternel : la sexualité l'effraie, les femmes encore plus ; il est complexé, jaloux. Il tente désespérément d'être un homme, essayant d'acquérir une place dans son époque, travestissant sa poésie pour qu'elle réponde aux critères du réalisme socialisme. Les femmes, la politique, tout n'est que fuite devant la mère. Mais c'est cette dernière qui l'emporte, récupérant son petit, lorsque celui-ci, atteint d'une pneumonie, s'apprête à mourir. “Innocence avec un sourire sanglant”. Dilemme du poète face à la vie, de l'homme face à son époque. Distanciation par rapport à la révolution communiste. L'Histoire vue par la lorgnette du drame privé. Pour Kundera, l'Histoire n'est peut-être qu'une plaisanterie.


Risibles amours

Nouvelles. Comme dans la Plaisanterie, Kundera évoque le thème du comique de chaque tragédie qui se noue dans une vie, à travers des amours qui naissent ou qui s'achèvent sur des malentendus, des mensonges joyeux de gens pas sérieux, pris au sérieux par des gens sérieux, des jeux ambigus. On y trouve beaucoup de personnages de coureurs de jupons (le docteur Havel, par exemple), de femmes offertes contrastant avec des femmes simples (et plus ou moins “pures”). On ne peut se consoler de l'absurdité de nos petits drames qu'en les trouvant comiques.


 
litterature/fiches/kunderamilan.txt · Dernière modification: 2007/12/20 22:44 (édition externe)     Haut de page