DOSTOIEVSKI, Fédor

Crime et Châtiment

Roman. Etudiant misérable, la tête pleine de folles théories, Raskolnikov tue une vieille usurière et sa soeur, moins pour les voler que pour savoir s'il est ou non l'un de ses grands hommes qui, selon lui, ont le droit de tuer (cf. Napoléon). Son crime l'éloigne des hommes. Le contact de son ami Rasoumikhine, de sa soeur Dounia, et de sa mère Pulchérie Alexandrovna, lui sont désagréables. Il prend cependant soin d'empêcher sa soeur d'épouser le vil Loujine. Le hasard le fait entrer en contact avec la famille d'un ivrogne, Marmeladov, dont la femme, Catherine Ivanovna est à moitié folle, et dont la fille Sonia se prostitue pour nourrir les siens. Il avoue son crime à Sonia, et sa conversation est entendue par Svidrigaïlov. Celui-ci, ancien employeur de Dounia, et qui la poursuit de ses assiduités, tente d'utiliser ce qu'il sait pour contraindre la jeune femme à lui céder. Il l'épargne finalement, et se suicide, après avoir soustrait Sonia à la prostitution. Les pressions de Dounia et de Sonia, ainsi que les méthodes “psychologiques” du juge d'instruction Porphyre Petrovitch, qui, sans avoir de preuve, a identifié le coupable, contraignent Raskolnikov a avoué. Il est envoyé au bagne, en Sibérie, pour environ 8 ans. Sonia l'accompagne, tandis que Dounia épouse le fidèle Rasoumikhine. Au contact de Sonia, Raskolnikov finit par sortir de sa neurasthénie. Amoureux de la jeune fille, il commence à se régénérer.


Les frères Karamazov

Fiodor Pavlovitch est un père indigne, débauché et bouffon. De son premier mariage est né Dmitri ou Mitia, du second Ivan et Alexei (Aliocha). Il a eu un dernier fils, Smerdiakov, d'une “puante”, c'est-à-dire d'une mendiante un peu simplette. Ces trois fils légitimes ont été élevés par des étrangers et ne sont revenus vers lui qu'à l'âge adulte, l'un pour lui réclamer la part d'héritage dont il a été floué (Mitia), l'autre pour demander l'autorisation d'aller dans un monastère (Aliocha) et le dernier sans trop de raison. Quant à Smerdiakov, il a été élevé par le fidèle domestique de Fiodor, Grigori, mais a rapidement présenté des particularismes (esprit vif, épilepsie). Fiodor le prend néanmoins à son service et Smerdiakov devient son homme de confiance.
Le début du roman se focalise sur le monastère où Aliocha est novice, et sur le starets qui le dirige, Zosime. Aliocha est fasciné par la personnalité presque sainte du Starets, incarnation d'une religion humaine et tolérante, qui n'est pas appréciée de tous dans le monastère. Lorsque celui-ci décède, après avoir vainement tenté d'arbitrer les querelles de la famille Karamazov, un scandale a lieu : le corps, dont on espérait des miracles, se décompose plus rapidement que prévu et “sent”, ce qui passe vite, aux yeux des ennemis du starets et de la populace, pour la preuve d'un vice caché. Aliocha, auquel Zosime avait commandé de retourner dans le monde, quitte le monastère.
La suite du roman se focalise plus sur Mitia. Celui-ci est en conflit avec son père, non seulement pour des questions d'héritage, mais également parce qu'ils convoitent la même femme, la cruelle Grouchegnka, qui les nargue tous les deux, sans être la maîtresse d'aucun. Cependant, avant d'être séduit par Grouchegnka, Mitia avait été le fiancé de Katia (Catherine Ivanovna), noble jeune fille à l'incommensurable orgueil, dont Ivan est également amoureux, quoique ses sentiments, comme ceux de Katia à son égard, sont d'une totale ambiguïté, que le pauvre Aliocha est bien en peine de saisir. Mitia doit à Katia trois mille roubles qu'elle lui avait confiés, qu'il lui a volés et dont il a dépensé la moitié dans une fête tapageuse avec Grouchegnka (en prétendant avoir dépensé la totalité alors qu'il souhaiterait avoir la force d'âme de rendre ce qui reste). Il espère récupérer cette somme auprès de son père, qui la tient prête pour l'offrir à Grouchegnka si elle accepte de venir chez lui et de l'épouser. Dans cette situation tendue, alors que Mitia ne cesse de brailler dans son ivresse qu'il va tuer son père, Grouchegnka part dans une ville voisine retrouver un ancien amant dont elle se croit toujours amoureuse. Mitia, qui ne la trouve pas, la croit chez son père. Il y court, fou de rage, armé d'un pilon pris sans but déterminé sous les yeux d'un témoin ; alors qu'il est en position de tuer son père, il comprend que sa belle n'est pas là, mais au moment où il renonce à tuer, il est rattrapé par le domestique Grigori, qui sans avoir rien vu le traite d'emblée de parricide. Mitia assomme Grigori d'un coup de pilon, qu'il jette ensanglanté dans l'herbe. Pris de remords, il essuie les plaies du vieillard avant de s'enfuir persuadé de l'avoir tué. Songeant à se suicider pour son crime, il veut d'abord rejoindre Grouchegnka, lui montrer qu'il accepte son choix, et dépenser avec elle le reste de l'argent volé à Katia, dans une dernière fête. Rien ne se passe évidemment comme prévu. Après avoir traversé la ville et s'être montré ensanglanté à tous, qui plus est riche d'un argent dont tous le croyaient dépourvus, il rejoint bien son aimée. Mais celle-ci, déçue par ses retrouvailles, lui offre son amour. Au moment où Mitia s'est lui-même condamné, le voilà déchiré entre sa volonté de se tuer et son désir de vivre avec Grouchegnka. Son arrestation résoud le problème. Il est en effet arrêté, non pour le meurtre de Grigori, qui a survécu, mais pour celui de son père. Celui-ci a en effet été tué par Smerdiakov, qui guettait cette occasion : ayant simulé une crise d'épilepsie le jour même, il est hors de soupçon ; alors que Grigori est inconscient, il tue Fiodor et vole les trois mille roubles que tous pensent avoir vu dans les mains de Mitia.
Mitia se défend mal, tout et tous l'accusent, Aliocha et Grouchegnka exceptés. Ivan et Katia, qui sont incapables d'admettre qu'ils s'aiment l'un l'autre, sont au fond persuadés de sa culpabilité et remplis de haine à son égard. Cependant, Ivan est torturé par le doute : la veille de son départ pour Moscou, Smerdiakov lui a conseillé de partir et lui a annoncé sa fausse crise d'épilepsie. Ivan est parti en laissant sciemment le champ libre à son frère ou au valet. Un entretien avec Smerdiakov lui permet de comprendre ce qu'il n'avait pas voulu voir : Smerdiakov a vu dans son départ une permission de tuer, sinon une demande implicite, car au fond, Ivan lui aussi haïssait son père. L'esprit déjà dérangé par ses propres théories - le “sans Dieu tout est permis” qu'il expose devant le starets et dont Smerdiakov se fait l'apôtre, la fable du grand inquisiteur qu'il présente à Aliocha - Ivan devient tout à fait fou, victime d'hallucinations durant lesquels il est visité par le diable. Lorsqu'au procès de Mitia, il tente de dire la vérité, personne ne le croit et Smerdiakov, qui s'est entretemps suicidé, n'est plus là pour confirmer.
Le roman s'achève sur un Ivan mourant de fièvre, soigné par une Katia folle de douleur - elle a de plus grandement contribué à perdre Mitia -, sur un Mitia plein de projets d'évasion et sur un Aliocha qui tout en partageant les souffrances des uns et des autres, semble rester calme, droit et maître de lui dans la tempête.

Il ne s'agit là, bien entendu, que de la trame principale de ce splendide roman. Mitia, l'âme russe par excellence, par sa fougue et son impulsivité est avec Aliocha le seul personnage réellement attachant. Ivan, comme Katia ou encore le personnage secondaire de Lise, fait partie de ses personnages dont l'excessive complexité lasse, dans la mesure où, à certains égards, elle paraît tout aussi gratuite que les élucubrations du jeune homme. Ivan représente l'orgueil intellectuel de l'homme qui tente de penser la morale sans Dieu et qui, de ce fait, verse inévitablement dans l'immoralisme et la folie, par opposition au sage à Aliocha, préservé par sa croyance des excès propres au terrible tempérament des Karamazov, malgré sa totale impuissance à prévenir ou réparer quelque catastrophe que ce soit. Je ne puis croire à la réalité du déchirement spirituel d'Ivan Karamazov (pas plus que je ne puis croire en ceux de Lise ou aux sentiments de Catherine Ivanovna). Est-ce parce que je suis trop agacée par le traitement que Dostoïevski réserve à ce thème qui m'est cher par ailleurs ? Est-ce parce que la partialité de Dostoïevski nuit à l'un des trois frères ? Pas moyen de croire au drame d'Ivan Karamazov alors même que celui de son fère est si tangible et si magnifiquement écrit. Il m'en reste donc un soupçon de déception.

2009-04

 
litterature/fiches/dostoievskifdor.txt · Dernière modification: 2009/04/23 12:45 (édition externe)     Haut de page