COETZEE, John Maxwell
En attendant les barbares
Cadre : dans les marches d'un empire indéfini, une colonie fictive, oasis dans un désert peuplé de nomades. La colonie, dirigée par un magistrat, un patricien qui s'efforce d'être juste, semble vivre hors du temps, en paix. Une fois l'an, les nomades - appelés barbares - viennent faire du troc, roulés et méprisés par la population civilisée du fort, au grand dam du magistrat qui les respecte, conscient qu'ils sont eux aussi dépositaires d'une forme de civilisation. Survient le colonel Joll, envoyé par le pouvoir central, qui semble incarner une race d'hommes différente, moderne et inhumaine. Cet émissaire vient dans le seul but de préparer la guerre contre les barbares car ceux-ci sont soudainement considérés une menace pour l'empire, menace invisible aux yeux du magistrat mais dont l'ombre, alimentée par une vaste propagande, suffit à terroriser la population. La barbarie de Joll, qui torture d'innocents nomades, renverse aux yeux du magistrat le rapport barbares/civilisés. Après le départ du tortionnaire, il découvre une jeune nomade qui, blessée, n'a pas pu suivre ses compagnons lorsqu'ils ont été relâchés. Il entame avec elle une relation étrange, dont la composante érotique (il ne lui fait cependant pas l'amour) est importante sans être unique : fasciné par les marques de tortures, inquiet de ce qui le rapproche et le distingue de Joll aux yeux de la fille et à ses propres yeux, il ne sait pas ce qu'il cherche en elle. Finalement, il décide de la ramener à ces compagnons, dans le désert. A son retour, les tortionnaires sont revenus et ont pris sa place, pour lancer la campagne contre les barbares. Emprisonné, il est torturé à son tour, humilié aux yeux d'une population qui consent à ce spectacle et parfois y participe. S'il prend douloureusement conscience de son corps et de son animalité, il semble ne jamais perdre totalement la droiture de sa pensée (profondément relativiste et curieuse de l'homme, et notamment de la psychologie du tortionnaire). Enfin, après avoir poursuivi dans le désert des barbares qui se sont défilés jusqu'à épuiser leur adversaire, l'armée revient défaite, exsangue. Soldats et tortionnaires s'en vont. Le magistrat reprend sa place dans une ville à demi désertée par ceux qui ont fui devant des barbares qui ne sont jamais venus.
2006