BARBUSSE, Henri
L'Enfer
L'enfer
L'intrigue est des plus simples : un homme vient à Paris pour prendre un poste dans une banque. Il emménage provisoirement dans une pension de famille. Rapidement, il constate qu'il y a au plafond de sa chambre une petite ouverture qui donne sur la chambre du dessus, sans que l'on puisse s'en apercevoir d'en haut. Il se met alors à épier, jusqu'à la limite de ses forces, les gens qui défilent dans cette chambre pour les surprendre dans leur vérité. Se succèdent alors une série de tableaux presque allégoriques : l'amour (et son échec), la naissance, la mort, la religion, la science… Le narrateur est subjugué par ce qu'il découvre, ce qu'il reçoit comme un don extraordinaire. Lorsqu'il sort de la chambre, qu'il entend parler des littérateurs, ou qu'il voit jouer une pièce, il mesure à quel point tous ces gens sont loin de la vérité que lui entrevoit. Lorsqu'il quitte la pension, exténué, il est lourd d'un secret qui doit l'aider à vivre et à penser.
Le récit a quelque chose de très solennel, parfois trop. Lourds de sens, souvent poétiques, les dialogues sont loin de tout réalisme. L'auteur affiche une vision tragique de la vie humaine, sans cynisme ni nihilisme, avec au contraire un grand souffle humaniste. Hormis le dialogue entre les deux médecins, la société, son empreinte sur l'homme, sont peu abordés. Ce sont les êtres en eux-mêmes - leurs sentiments, leurs illusions, leur approche de la vie et de la mort - qui fascinent le narrateur. C'est aussi un des rares romans que j'ai lus à aborder de manière aussi purement philosophique (et donc peu romanesque) la question du rapport du sujet au monde, à la réalité, à la vérité. En somme, voilà un livre extrêmement dense, riche d'une superbe prose, d'un splendide lyrisme philosophique, mais qui, par son mode de narration même, incite fort peu à l'empathie.
2008-03