Héloïse

 

 

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Les sources : regards croisés

Héloïse appartient à la haute aristocratie d’Ile de France. On la connaît notamment grâce à sa correspondance avec Abélard et par plusieurs lettres. L’une d’entre elle, écrite par l’abbé de Cluny en 1142, après la mort d’Abélard, présente Héloïse comme une abbesse exemplaire, qui a mis son extraordinaire culture au service du Christ et qui a piétiné le démon. Elle nous apprend également qu’Héloïse et Abélard ont été auparavant unis par un acte charnel, et que leur lien a ensuite été resserré par leur commun amour de Dieu. Deux autres lettres, adressées à Abélard, présentent les choses sous un jour sensiblement différent : l’une invective Abélard pour avoir dévoyé la nièce du chanoine Fulbert (c’est lui qui ordonnera la castration d’Abélard) ; l’autre le console après la castration, en lui présentant ce châtiment comme un moyen de sauver son âme.

 

L’histoire probable d’Héloïse et Abélard

L’histoire, telle qu’on peut la définir d’après ces documents et les échanges épistolaires des deux amants, serait la suivante. Abélard, avant sa rencontre avec Héloïse, est un homme relativement chaste. C’est un professeur d’université reconnu et célèbre. Le chanoine Fulbert lui confie donc l’éducation de sa nièce. Abélard est séduit tout autant par l’esprit que par le corps de la jeune fille. Il s’ensuit une véritable passion. Héloïse tombe enceinte. Abélard l’enlève et l’emmène en Angleterre. Il accepte de l’épouser secrètement à la demande du chanoine. Héloïse, qui rejette l’idée du mariage, préférant rester la putain d’Abélard, est contrainte de céder. Abélard la place alors au couvent d’Argenteuil pour sauvegarder sa réputation. C’est alors que le chanoine, mécontent, le fait châtrer (ses agresseurs seront condamnés à subir le même sort). Abélard se fait alors moine et oblige Héloïse à prendre le voile (elle devient prieure de l’abbaye de femmes d’Argenteuil puis abbesse d’un nouveau monastère, le Paraclet). Elle accepte par amour mais reproche à Abélard de ne plus lui prêter attention après sa castration. Toujours amoureuse (et non débarrassée du désir), elle lui demande de l’aider à se rapprocher de Dieu. Abélard souhaite qu’elle apprenne à se passer de lui car il craint de mourir. Devant la révolte d’Héloïse à cette idée, Abélard lui recommande d’être une fidèle épouse du Christ, lui promettant qu’ils seront unis au ciel. Héloïse décide alors à ensevelir une fois pour toutes ses désirs et souvenirs de volupté.

 

Authenticité de la correspondance ?

La correspondance d’Héloïse et Abélard semble être reconstituée littérairement dans une sorte de roman dont le personnage central serait Abélard, bien qu'Héloïse y occupe une place non négligeable. Même si Héloïse est réellement l’auteur des lettres, il ne faut pas oublier que le genre épistolaire était avant tout un exercice de style et un étalage de culture. Ici la correspondance tient surtout lieu d’exemplum : il s’agit du récit d’une double conversion, à l’intention pédagogique évidente.

 

Les leçons de l’histoire

Les faiblesses féminines

L’histoire d’Héloïse montre avant tout que la femme est faible. C’est l’abbesse elle-même qui confie les faiblesses féminines. Le corps de la femme est imprégné d’une sensualité exigeante, qui représente un péril pour l’homme. De plus, la femme est indocile : même mariée elle reste un boulet pour l’homme (Héloïse retarde Abélard dans son cheminement vers Dieu). Toute la révolte que nous trouvons aujourd’hui admirable est assimilée à un péché lié à la féminité.

 

L’éloge du mariage

Puisque la femme est faible, il lui faut donc un mari. Néanmoins le mariage est mauvais s’il n’y a pas consentement mutuel, ou s’il est simplement inspiré par le désir charnel. S’il est bon, et si l’épouse est soumise (comme l’est finalement Héloïse) le mariage permet ensuite le progrès spirituel. En fait cet exemplum permet avant tout de régler la question du monachisme féminin : comme dans la relation conjugale, les monastères de femmes doivent être placés sous l’autorité d’un homme.

 

Définition du bon amour

L’histoire d’Héloïse et Abélard voit l’appétit charnel succéder à l’amour courtois. Mais le mariage est ensuite le creuset où la concupiscence devient amour spirituel. C’est ce type d’amour qui est seul acceptable.