Kundera, Milan

L'insoutenable légèreté de l'être

“Mais, tout au fond d'elle-même, elle ajouta encore ceci : Franz est fort mais sa force est uniquement tournée vers l'extérieur. Avec les gens avec qui il vit, avec ceux qu'il aime, il est faible. La faiblesse de Franz s'appelle la bonté. Franz ne donnerait jamais d'ordre à Sabina. Il ne lui commanderait jamais, comme Tomas autrefois, de poser le miroir par terre et d'aller et venir dessus toute nue. Non qu'il manque de sensualité, mais il n'a pas la force de commander. Il est des choses qu'on ne peut accomplir que par la violence. L'amour physique est impensable sans violence.

[…]

Sabina poursuivaient ses réflexions mélancoliques. Et si elle avait eu un homme qui lui aurait donné des ordres ? Qui aurait voulu la dominer ? Combien de temps l'eût-elle supporté ? Pas cinq minutes ! D'où il découlait qu'aucun homme ne lui convenait. Ni fort, ni faible.

Elle dit : « Et pourquoi ne te sers-tu pas de ta force contre moi de temps en temps ?

- Parce qu'aimer c'est renoncer à la force » dit Franz doucement.

Sabina comprit deux choses : premièrement, que cette phrase était belle et vraie. Deuxièment, qu'avec cette phrase Franz venait de se disqualifier dans sa vie érotique.”

2007-01
Amour Sexe

L'insoutenable légèreté de l'être

“Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les uns cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur idée subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s'emparer de l'infinie diversité du monde féminin objectif.

L'obsession des premiers est une obsession romantique : ce qu'ils cherchent chez les femmes, c'est eux-mêmes, c'est leur idéal, et ils sont toujours et continuellement déçus parce que l'idéal, comme nous le savons, c'est ce qu'il n'est jamais possible de trouver. Comme la déception qui les pousse de femme en femme donne à leur inconstance une sorte d'excuse mélodramatique, bien des dames sentimentales trouvent émouvante leur opiniâtre polygamie.

L'autre obsession est une obsession libertine, et les femmes n'y voient rien d'émouvant : du fait que l'homme ne projette pas sur les femmes un idéal subjectif, tout l'intéresse et rien ne peut le décevoir. Et précisément cette inaptitude à la déception a en soi quelque chose de scandaleux. Aux yeux du monde, l'obsession du baiseur libertin est sans rémission (parce qu'elle n'est pas rachetée par la déception).”

2007-01
Amour Expérience Sexe

Le livre du rire et de l'oubli

« La femme qu'il a le plus aimée au monde lui disait (il était presque désespéré en entendant çà) qu'elle ne tenait à la vie que par un très mince fil. Oui, elle voulait vivre, la vie lui procurait une immense joie, mais elle savait en même temps que ce je veux vivre était tissé avec les fils d'une toile d'araignée. Il suffisait de si peu, de si infiniment peu, pour se retrouver de l'autre côté de la frontière au-delà de laquelle plus rien n'avait de sens : l'amour, les convictions, la foi, l'histoire. Tout le mystère de la vie humaine tenait au fait qu'elle se déroule à proximité immédiate et même en contact direct avec cette frontière, qu'elle n'en est pas séparée par des kilomètres, mais à peine par un millimètre. »

Lycée
Vie/Bonheur

 
litterature/citations/kunderamilan.txt · Dernière modification: 2007/12/22 18:52 (édition externe)     Haut de page