Montherlant, Henri de

La Reine morte

« Ce qui est effrayant dans la mort de l'être cher, ce n'est pas sa mort, c'est comme on s'en console. »

Lycée
Amour

Le Démon du Bien

“Selon Costals, tel qui fait quelque chose dont il n'a pas envie, pour la seule raison qu'il peut le faire gratis, est jugé.”

Sur le même thème, dans Les Lépreuses :

“Faire quelque chose dont on n'a pas envie, parce qu'on peut le faire gratis, utiliser un objet dont on n'a pas le goût, parce qu'on l'a eu pour rien, et cela quand on est dans la grande aisance : signe caractéristique - et qui ne trompe jamais - de l'individu de médiocre qualité.”

2007-01
Société Préjugés/dogmatisme

Le Démon du Bien

Pourquoi devrait-on aimer beaucoup d'êtres ? Une poignée d'affections suffit. Quatre ou cinq êtres, qui sont les pilotis sur lesquels on a bâti son bungalow. Qu'au-dessous rôde et hurle la jungle, on est sur ces pilotis, en sécurité. […] Mais pourquoi une “poignée” d'affections ? Moins encore : une seule affection suffit : une seule affection, qu'on a, vous justifierait de vivre, si vivre a besoin d'être justifié. Un seul être, qu'on aime toujours de plus en plus, dont on tire des musiques - de sa chair et de son âme - toujours de plus en plus profondes, comme le violon du maître qui devient toujours meilleur à mesure qu'on en joue d'avantage.

2007-01
Amour Autres_(les) Vie/Bonheur

Le Démon du bien

” Autre chose, une des raisons pour lesquelles, aujourd'hui, je ne ferais pas un fils, c'est que je crois que dans le monde où nous vivons, je n'aurais pu avoir un fils qui fût tel que je l'aurais voulu. Il aurait bien fallu qu'à un moment l'ignominie du siècle déteignit sur lui. Et qu'aurais-je fait, alors devant ce fils qu'il eût fallu mépriser ? Je l'aurais haï, d'une haine incroyable. Je n'ai pas voulu risquer cela.

C'était vrai qu'à vingt ans, lorsqu'il avait eu Philippe, il n'avait pas d'oeuvres, nom plus qu'assez d'expérience, ni de rigueur peut-être, pour être arrêté par les risques qu'il courait. Le hasard avait voulu que Philippe tournât bien. Mais il ne faut pas jouer avec le miracle.”

2007-01
Parents-enfants

Le Démon du bien

Il était si bien mithridatisé par l'habitude que, lorsqu'elle se promenait à demi nue par l'appartement, il ne levait même plus les yeux pour la regarder, elle si jolie, si faite pour jouer les “Miss France”. N'importe quelle inconnue, quelconque, plutôt que le plus beau corps du monde, mais qu'on a chaque nuit !

2007-01
Amour Sexe

Le Démon du bien

(Madame Dandillot :) Une petite discipline vous ferait-elle peur ? Vous avez toujours été votre maître, obéi à vos caprices, il faut tout de même un jour suivre la loi commune. Si vous ne vous mariez pas, vous finirez par avoir la nostalgie du foyer ! Voyant un soir rentrer chez lui un brave petit employé, qui va retrouver femme et enfants, et la soupe chaude, vous soupirerez : ah ! N'être que cela !

Costals songeait au mot de Schieler (dans Jeanne d'Arc) : “Les Dieux eux-mêmes combattent vainement contre la bêtise”.

2007-01
Préjugés/dogmatisme Société

Le Démon du bien

“Je supporterai mille fois plus d'un bâtard non reconnu que d'un enfant légitime, d'une maîtresse que d'une épouse parce que c'est le caractère légal, obligatoire du lien qui me rend fou.”

2007-01
Amour Parents-enfants Liberté Société

Les jeunes filles

« Bossuet a écrit fortement : « on fait un tort irréparable à la personne que l'on aime trop ». C'est presque ce que j'ai écrit moi-même : « vouloir aimer sans être aimé, c'est faire plus de mal que de bien. ». La conséquence est dans La Rochefoucauld : « Nous sommes plus prêts d'aimer ceux qui nous haïssent, que ceux qui nous aiment plus que nous ne voulons ». Et votre serviteur de conclure : on ne devrait jamais dire à quelqu'un qu'on l'aime sans lui en demander pardon. »

1997
Amour

Les jeunes filles

« A leurs yeux, le bonheur est un état négatif, insipide au sens littéral du mot, dont ne prend conscience que par un malheur caractérisé ; le bonheur s'obtient en n'y pensant pas. Un jour, on fait réflexion sur soi-même, on se rend compte qu'on a pas trop d'ennuis : on se dit alors qu'on est heureux. Et on dresse en règle de conduite ce fameux poncif, que le bonheur ne s'obtient qu'à la condition de ne le rechercher pas. »

1997
Vie/Bonheur

Les jeunes filles

« “Ce qui m'importe par-dessus tout, c'est d'aimer”. Mais il ne s'agit jamais d'amour. Il s'agit d'un composé d'affection et de désir qui n'est pas de l'amour. »

ScPo
Amour

Les lépreuses

L'Hamour, c'est l'amour-tel-que-l'entendent-les-femmes : niaiserie, jalousie, goût du drame, “voyons, où en sommes-nous ?”, anxiété féminine, dont la femme contamine l'homme, besoin d'être aimé en retour, aptitude à se changer en indifférence, aptitude à ce changer en haine, inepte scolastique dont l'objet devient si tenu qu'on arrive à se dire : “mais enfin de quoi s'agit-il ?”. Bref, un des plus ignobles produits de l'être humain, mille fois plus impur, plus vulgaire et plus malfaisant que l'acte sexuel dans sa simplicité, et le principal refuge de la femme et de l'homme contre la raison et contre la conscience. L'Hamour, le mal européen, la grande hystérie occidentale.

2007-01
Amour Société

Les lépreuses

Et cependant, si le non-amour est la liberté de l'âme et de l'esprit, cette inquiétude quand on aime peut être quelquefois un des soutiens de l'âme et de l'esprit. L'attention à la santé, au bonheur, et à la valeur d'un être, non pas permanente, mais toujours retrouvée au sortir de ce qui n'est pas elle, cette attention est une sorte de ciment qui se glisse dans tous les interstices d'une vie, en lie les éléments plus ou moins disparates, lui donne la cohésion et par suite la solidité. Elle fait l'unité de tant de vies dispersées comme elle en fait la plénitude.

2007-01
Amour Vie/Bonheur

Les lépreuses

Quelques maux graves de l'Occident moderne

L'irréalisme. — Les œillères. La peur de la réalité, soit par lâcheté, soit par niaiserie idéaliste. Alors que c'est par la réalité qu'on se lave l'âme. « Je jette au panier les documents que les militaires m'envoient sans cesse sur les armements allemands. » (Briand à Streseman, à Thoiry.)
Le dolorisme. — L'Apôtre dit que celui qui n'est pas affligé est bâtard et non enfant légitime. Les affligés se frottent les mains : sus aux heureux ! Les affligés professent qu'on doit souffrir, comme les auteurs sans style professent qu'un roman doit être mal écrit : il s'agit d'avoir raison. La souffrance morale sera censée approfondir, alors que ce n'est pas elle qui approfondit, mais la crise : ce n'est pas la même chose. Elle sera un titre à la considération, aux petits soins, au pardon, un des éléments soi-disant indispensables de la qualité intérieure et du génie. Un homme ne pourra pas dire qu'il est heureux sans être tenu soit pour un simple d'esprit, soit pour un grossier, soit pour un imposteur qui veut qu'on l'envie, soit pour un insulteur de la misère du genre humain. D'où l'universelle pose à la souffrance, à l' « inquiétude », etc. : on sait bien que c'est la souffrance qui paye. Alors que la souffrance morale est presque toujours signe soit d'infériorité physiologique (c'est le faible qui se fait du souci), soit d'infériorité intellectuelle (quelqu'un d'intelligent sait comment réduire en soi la plupart des souffrances morales).
Le vouloir-plaire. — Il ne s'agit pas de dire ce qui est ni ce qu'on pense, mais ce qu'on croit qui plaira. Le désir d'approbation est le dénominateur commun de tous les individus de toutes les bourgeoisies.
Le grégarisme. — La peur et la haine de la pensée personnelle, et l'autosuggestion collective. Le monde est rongé par le lieu commun comme la vigne par le phylloxera. Tous pensent de la même manière, au même moment, comme les pantins auxquels l'opérateur fait faire en même temps le même geste.
Le sentimentalisme. — Qui se substitue à la raison et à la justice. Le moralisme petit luxe et le faux sublime (l'opéra de quat' sous) de la religion, de l'école et de la presse.

2007-01
Société Préjugés/dogmatisme Monde/Humanité

Pitié pour les femmes

« Il avait érigé en politique de vie d'aimer (et de pouvoir) autant que toute chose son contraire. Ainsi la destinée, qu'elle lui donnât le oui ou le non, le satisfaisait-elle également. Et il jouait toujours sur du velours, ce qui lui était bien agréable, et même à sa raison, tenant qu'il n'y a que les esprits bêtes, et les faux philosophes, pour considérer la vie comme un combat. »

1997
Vie/Bonheur

Pitié pour les femmes

« Il avait d'ailleurs, de tout temps, trouvé normal que les vieillards fussent égoïstes (…) Comment diable pourrait-on aimer le monde, après l'avoir expérimenté durant toute une vie. »


1997
Monde/Humanité Expérience

Pitié pour les femmes

“Presque toute vie d'homme est corrompue par le besoin qu'il a de justifier son existence.”

2007-01
Vie/Bonheur Expérience

Pitié pour les femmes

Allons, ma chère, vous êtes en plein dans la réaction 227 bis.
[…]
La réaction 227 bis est la réaction, toute classique, par laquelle une femme, parce qu'elle est malheureuse, veut convaincre l'homme qu'elle aime que lui aussi il est malheureux. Non seulement parce qu'elle veut le consoler, être “maternelle”, mais parce qu'elle est exaspérée de voir que l'homme est heureux, et heureux sans tirer son bonheur d'elle.
[…]
Enfin presque tous les catholiques, hommes ou femmes, ont eux aussi cette réaction : vouloir prouver aux mécréants qu'ils sont désespérés.

2007-01
Amour Dieu/Religion Autres_(les)

 
litterature/citations/montherlanthenride.txt · Dernière modification: 2007/12/22 18:52 (édition externe)     Haut de page