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Index | Peinture religieuse Baudelaire |
Paolo Véronèse
(1528-1588)
Or il y avait là six jarres de pierre, pour
les purifications des Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux
serviteurs : " Remplissez deau ces jarres ." Ils les
remplirent jusquau bord. Il leur dit : " Puisez maintenant et
portez-en au maître dhôtel. " Ils lui en portèrent. Quand le maître
dhôtel eut goûté leau devenue du vin - il en ignorait la provenance, mais
les serveurs la savaient, eux qui avait puisé leau - il appelle le marié et lui
dit : " Tout le monde sert dabord le bon vin et, quand les gens sont
ivres, alors le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusquà
présent ."
Tel fut le commencement des signes de Jésus ; cétait à Cana de galilée. Il
manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. " (Evangile selon Saint
Jean, 2,1-11).
Fils dun tailleur de pierre (ce qui
explique son goût pour larchitecture), Véronèse (1528-1588) est, bien quil
soit originaire de Vérone, un peintre vénitien, lun des plus grands avec Le Titien
et Le Tintoret. Il sinstalle dans la lagune en 1557. Il reçoit sa première grande
commande du Conseil des 10, pour décorer le palais des doges. Il peint par la suite de
nombreuses toiles pour des congrégations bénédictines dont plusieurs ont pour thème le
banquet biblique. En 1573, lInquisition le condamne pour les licences quil
prend dans le traitement des scènes religieuses (notamment le Repas chez Levi).
Cependant cette condamnation ne concerne pas Les noces de Cana.
Les noces de Cana sont peintes pour le réfectoire des bénédictins de Saint Giorgio
(en face du palais des doges) en 1563, alors que Véronèse à 35 ans. Le couvent est un
haut lieu intellectuel disposant de gros moyens financiers. Le tableau est commandé dans
le cadre dune reconstruction de le couvent. Dans le réfectoire, il surplombait la
chaire doù labbé faisait la lecture pendant le repas, ce qui obligeait les
regard à converger vers lui. Il est peint sur toiles car les fresques se conservait très
mal à Venise en raison du haut degré de salinité. La représentation dun banquet
semble tout à fait logique dans le cadre dun réfectoire.
La scène se tient dans un espace étrange, une sorte de terrasse surplombée par une balustrade et une esplanade où sélèvent différents monuments. Plusieurs types architecturaux se succèdent : colonnes doriques, puis corinthiennes, enfin composites. Une tour à plan carré intervient pour briser une symétrie qui sans elle serait trop écrasante. Les points de fuite sont multiples pour éviter la sensation déloignement qui résulterait dune réduction trop rapide autour dune ligne unique. Le pavement est semblable à celui du réfectoire qui devait accueillir le tableau. Sur cette terrasse est dressée un grande table. La mise en scène est probablement inspiré par lArétin, qui rédigea en 1535 les Quatre livres de lhumanité du Christ, ouvrage de vulgarisation de lhistoire sainte. Il y signale un grand nombre de convives aux noces de Cana (détail absent chez Saint Jean) ce qua représenté Véronèse : il y a 132 convives, un véritable ballet de serviteurs.
Le Christ est assis au centre (à la place que devrait occuper les mariés). Sur sa droite, on trouve la Vierge et Pierre. La Vierge prote un voile noir, signe du deuil à venir. Sa main dessine le contour dun verre absent, ce qui illustre la phrase " Ils nont pas de vin ". Pierre lève le doigt. Par ce geste, il rappelle son rôle de fondateur de lEglise. Sur la gauche du Christ se tiennent André, Philippe et Barthélemy, en habit de pèlerins. Tous ces personnages sont habillés à lantique, alors que les autres portent des costumes dépoque. Parmi eux, on distingue les mariés (en bout de table à gauche), un bénédictin reconnaissable à son costume noir (coin de table à droite). Ce dernier a été rajouté au tableau après son achèvement : il sagit probablement du nouvel abbé du monastère. On aperçoit un deuxième moine au niveau de la balustrade supérieure (tout en haut à gauche, au-dessus du chien). De manière générale, les hommes dEglise (qui nappartiennent pas à un ordre régulier) sont à droite du Christ, les laïcs à gauche. Tous sont vêtus de façon luxueuse. Les femmes sont toutes coiffées de la même façon, excepté la mariée qui porte une petite couronne. On peut noter de nombreux vêtements orientaux (lintendant en vert au premier plan ; lhomme à côté de la mariée avec une coiffe jaune montante (coin de table gauche). Le tapis persan posé sur la balustrade constitue un autre élément exotique. Le costume de léchanson est également très riche, avec des tulipes ouvertes et des diamants taillés en pointe.
Parmi les serviteurs, on remarque des petits nains ou encore des bouffons (avec des bonnets à grelots). On trouve également au centre un groupe de six musiciens (deux joueurs de viole, un violon, une contrebasse, un trombone et un joueur de cornet). Tous ces personnages étaient chargés danimer les fêtes vénitiennes. Les autres sont occupés à faire le service. On peut distinguer le petit serviteur noir qui tend une coupe aux mariés (la mode voulait quon ait quelques serviteurs de couleur), le serviteur à costume rayé (à droite, près de la balustrade) qui porte les couleurs de son maître. Deux serviteurs, pieds nus, sont en train dexécuter lordre du Christ (un de dos à gauche, lautre de face à droite). Les six jarres de pierre quils doivent utiliser sont toutes représentées. Enfin des " écuyers tranchants " munis de bâtons rouges contrôle le bon déroulement du repas.
Les animaux sont très nombreux. On trouve là un perroquet, un chat en train de se faire les griffes sur lune des jarres et surtout plusieurs chiens : un petit épagneul sur les genoux du marié, deux lévriers attachés lun à lautre (symbole de fidelité) et qui se disputent un os (symbole de mort), un minuscule chien sur la table à droite, un dernier qui passe la tête à travers la balustrade supérieure (tout en haut à gauche).
La balustrade, qui correspond à la ligne médiane du tableau, marque la séparation entre le régime céleste et le régime terrestre. On y découpe lagneau, symbole du sacrifice du Christ. Sous lanimal, une gourde est suspendue pour recueillir le sang (au-dessus de la tête du Christ).
La vaisselle est finement détaillée. Sur la table on trouve des disques plats ou tranchoirs. On distingue aussi de petites confiseries, souvent servies en fin de repas. Les tables vénitiennes sont en avance sur les autres tables européennes : les couverts sont individualisés, la fourchette fait son apparition. On trouve aussi des verres incolores, anticipant sur nos coupes de champagne. Les plats les plus riches sont du le dressoir (à gauche, entre les colonnes doriques et corinthiennes). Deux serviteurs détachent des assiettes.
Lensemble est foisonnant, très coloré, surtout dans la moitié inférieure du tableau.
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Le calvaire Il s'agit d'une crucifixion de petit format. On est ici dans la dernière phase
de l'art de Véronèse, où celui-ci se rapproche du maniérisme. La diagonale qui
déséquilibre la composition laisse sur sa droite un ciel d'orage complètement vide.
Cela accentue l'émotion, le désespoir liés à mort du Christ. |