II. De la difficulté de juger d'une œuvre


Ceux qui n'ont pas étudié Ingres de près ont souvent sur lui toute une série de préjugés, que les positions du peintre sur sa propre méthode n'ont rien fait pour dissiper.

Dessinateur et peintre


L'un de ces préjugés consiste à dire que Ingres n'a pas su exploiter les couleurs, qu'il n'est qu'un dessinateur. Cette idée est en grande partie corroborée par les préceptes de l'artiste, pour qui le dessin fait "la probité de l'art". La ligne est en effet primordiale dans la peinture ingresque. Pour en être convaincu, il suffit d'observer, dans la réalisation d'une œuvre d'Ingres, la part de temps accordée respectivement au dessin et à la peinture elle-même. Les multiples dessins préparatoires accaparent bien plus l'artiste que le fait de peindre. Faut-il pour autant en conclure qu'Ingres néglige les couleurs ? Conclure ainsi serait trop hâtif.
 

Si certaines toiles, telles Virgile lisant l'Enéïde, ont des couleurs un peu éteintes, d'autres, et notamment de nombreux portraits (La Belle Zélie), sont à ce sujet irréprochables. Les thèmes choisis par le peintre témoignent eux aussi du soin attaché à la couleur, surtout en ce qui concerne les sujets d'inspiration orientaliste. Même si Ingres n'a peut-être réussi à jouer avec les couleurs à la manière d'un Delacroix, il serait donc absurde de prétendre qu'il ne savait pas les manier.

La belle Zélie