Les dernières années

Ingres, qui prend soudainement conscience de son âge, s'occupe désormais de rester dans les mémoires : en témoignent les dons faits au musée de Montauban, l'abandon de la direction de l'Académie des Beaux-Arts (Ingres devient recteur), l'exécution d'un recueil de gravures reproduisant son œuvre. Le peintre continue ensuite son œuvre de portraitiste. C'est en 1852 que se produit pour l'artiste un nouveau bouleversement, à savoir son mariage avec Delphine Ramel, rencontrée grâce à la complicité des amis du peintre. Ayant à nouveau quelqu'un pour veiller sur lui, Ingres retrouve un certain équilibre, que l'avènement de l'Empire ne vient pas remettre en question.
 

Le peintre connaissait depuis quelques années le prince Napoléon, premier commanditaire du Bain Turc. Il a donc déjà un protecteur au sein du nouveau régime, qui lui commande en 1853 l'Apothéose de Napoléon Ier, œuvre quelque peu militante, où l'on trouve l'inscription in nepote redivivus, indiquant clairement Napoléon III comme le digne successeur de son oncle. Ingres, déjà âgé, s'entoure de nombreux collaborateurs pour réaliser la toile, que le couple impérial vient ensuite admirer chez lui. Le couronnement de la carrière d'Ingres est peut-être l'exposition universelle de 1855. Pour compléter son succès, Napoléon III le fait grand officier de la légion d'honneur. En 1862, l'artiste est admis au Sénat, arrivant ainsi au faîte des honneurs. 

Napoléon Ier sur le trône impérial
(portrait réalisé pour le Salon de 1806)

Dans le domaine artistique, Ingres si âgé soit-il, a entrepris d'ajouter, depuis 1848, une pièce maîtresse à son œuvre, Le Bain Turc, dont nous reparlerons. Il s'agit là de sa dernière grande création, ne se chargeant ensuite que de retoucher ses anciennes pièces, dans le cadre d'une perpétuelle recherche de la perfection.
 

Ingres prépare également son testament, dont les legs sont essentiellement destinés à sa femme et à sa ville natale. Le peintre s'éteint le 14 janvier 1867.

Acte de décès d'Ingres

L'existence d'Ingres semble avoir été globalement assez tranquille : pas de remous sentimentaux, pas de relations excessivement orageuses avec son entourage... Sa vie s'est trouvée animée seulement par son œuvre, ponctuée par ses échecs et ses succès. Son art est également dépourvu de soubresauts, suivant au contraire un cheminement continu. Ingres apparaît avant tout comme un homme fidèle, à ses amis, sa famille, ses inspirateurs, sa propre peinture. Même si son caractère orgueilleux, susceptible, a parfois rendu l'homme antipathique, on ne peut pas oublier la sollicitude apportée à ses élèves et l'âme sensible, aux larmes presque faciles, qu'on découvre facilement derrière le masque classique qu'ont revêtu à la fois l'homme et sa peinture.