Ingres et Delacroix



 

La Mort de Sardanapale 

Un autre préjugé consiste à opposer farouchement le classique Ingres et le romantique Delacroix. Les deux artistes se heurtent pour la première fois l'un à l'autre au Salon de 1827. Delacroix, avec La Mort de Sardanapale vole alors la vedette à l'Apothéose d'Homère. Là débute la fameuse inimitié entre les deux peintres, largement amplifiée par leurs entourages, aujourd'hui on ajouterait "médiatisée". En fait Delacroix a souvent porté sur son rival des jugements très positifs - notamment sur l'Apothéose d'Homère en 1827 - ce qui est aussi le cas de nombreux romantiques, parfois seuls défenseurs du peintre à divers Salons.

C'est qu'en fait l'opposition entre Ingres et Delacroix repose en grande partie sur une caricature. On attribue généralement à Delacroix la lumière, à Ingres la ligne - nous nous sommes déjà prononcés sur ce sujet ; au premier une peinture moderne et rebelle, au second un classicisme quasi académique. Ingres lui-même semble faire partie du complot. Il s'est affirmé comme le champion du classicisme, le revendiquant principalement dans ces sujets historiques, méprisant la peinture nouvelle. Lui-même ne paraît pas s'être aperçu de la modernité de ses propres toiles, qui avaient cependant procuré aux critiques une désagréable surprise, lors du salon de 1806. Ceux-ci avaient en effet été déroutés par l'originalité des toiles présentées, originalité qui s'est conservée dans toute l'œuvre de Ingres, même lorsque celui-ci par souci de plaire, à donner à son pinceau plus de gravité qu'il n'en possédait naturellement.