Peintre classique ?


Ceci nous amène donc, contre l'avis même du maître, à remettre en question l'idée qui consiste à étiqueter l'œuvre d'Ingres comme celle d'un peintre classique. Gautier, alors qu'il évoquait les multiples genres auxquels s'était frotté Ingres, eu d'ailleurs à ce propos une remarque très juste : "Ingres quoiqu'il puisse sembler classique à l'observateur superficiel, ne l'est nullement." Si les romantiques ont défendu Ingres, ce n'est pas par pure bonté d'âme. C'est tout simplement parce qu'ils se reconnaissaient - en partie seulement, bien sûr - dans ses tableaux, dans les dérogations que s'accordait Ingres vis-à-vis du classicisme, notamment en ce qui concerne la représentation du corps humain, ce sur quoi nous reviendrons tout à l'heure. D'autres faits tendent à montrer que, malgré lui Ingres n'était pas qu'un classique. Par exemple, le fait que David ait retiré sa protection à cet élève têtu qui persistait à s'éloigner quelque peu de son école, jusqu'à rivaliser avec son maître au Salon de 1806. Ou encore le fait qu'il y ait dans l'héritage ingriste les noms de Seurat, Matisse, Picasso, peintres auxquels le qualificatif de "classique" convient on ne peut plus mal. Certes, la succession d'Ingres comprend également des peintres académiques. C'est d'ailleurs dans le constat de cette divergence entre les deux lignées d'artistes inspirés par Ingres, qu'on peut percevoir l'ambiguïté de son œuvre. Tout comme on trouvait, derrière l'homme d'ordre, un homme sensible, on découvre sous la volonté classique un pinceau qui y échappe souvent.