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Le Titien

(~1488-1576)


Biographie

Comme chez tous les grands maîtres italiens (Raphaël, Michel-Ange…), c'est le prénom du peintre qui a été retenu pour le dénommer et non son nom de famille. Le Titien est né à côté de Venise (sur la terre ferme et non dans la lagune), autour de 1488 (la date exacte est ignorée). Il est mort à environ 90 ans. Sa carrière est indissociable de la ville de Venise, alors à son apogée.
Issu d'une famille de notables, il reçoit tout d'abord une formation chez un mosaïste. Il entre ensuite dans l'atelier des Bellini. Le père, Jacopo, est un peintre et théoricien, qui a introduit à Venise la perspective découverte à Florence. L'atelier appartient à son fils aîné, Gentile, mais Titien s'inspire surtout du plus talentueux des trois fils, Giovanni, qui accorde, dans sa peinture, la primauté à la couleur. Enfin, le Titien reçoit une dernière influence, celle de Giorgione (mort en 1510), qui établit dans ses œuvres une sorte de synthèse entre les clair-obscur de Vinci et la couleur de Bellini.

cf. Le concert campagnard

Mise au tombeau

Cette mise au tombeau est directement inspirée d'un tableau de Raphaël (1507). La composition a été simplifiée, le nombre de personnages diminués. Le Christ est porté par Nicodème. La Vierge, qui intériorise sa douleur, est soutenue par Marie-Madeleine. Saint Jean est également présent. L'idée de descente liée à la mise au tombeau est indiquée par la diagonale formée par Marie-Madeleine, le bras de Nicodème, et le linceul. Le Titien reprendra le même thème de façon plus théâtrale 25 ans plus tard.

 

Portrait de l'homme au gant

Dans ce portrait, le Titien s'affranchit de Giorgione (suppression du parapet) et du modèle classique. Au XVe siècle, le portrait classique est en buste, avec la tête complètement de profil. Dans la seconde moitié du siècle, il est fait de trois quarts. Titien rénove le portrait en le cadrant plus bas, et en adoptant un format plus large. Il insiste aussi sur la transcription picturale de la dimension psychologique des personnages. Pour cela, il réduit la palette de couleur du fond, et utilise pour le visage des couleurs plus chaudes qui le mettent en valeur. La collerette au poignet est également une invention du Titien, destinée à valoriser les mains.

 

L'homme au gant n'a pas été identifié. La pose, accoudée, lui confère une carrure plus large. Les gants sont l'attribut d'un gentilhomme. De même, le médaillon en or permet de situer le personnage sociologiquement. On pense qu'il peut s'agir d'un double portrait de mariage dont la seconde moitié aurait disparu.

Jeune fille au miroir

Il s'agit d'un des premiers portraits du Titien. Il ne s'y est pas encore affranchi de l'héritage de ses maîtres (présence d'un parapet hérité du Giorgione au premier plan). Néanmoins, il y fait déjà preuve d'originalité en cadrant le portrait assez bas, ce qui restera une caractéristique de sa pratique du portrait.
Le thème représenté pourrait être celui de la vanité ou celui de la bella. On peut également concevoir qu'il s'agisse d'un thème pétrarquiste. En effet, l'un des poèmes de Pétrarque, intitulé "Mon Ennemi ", place le miroir en rival de l'amant. Ici, l'amant est exclu du champ de vision de la belle, uniquement occupée à se contempler dans les deux miroirs qui l'encadrent.

On remarque que la composition comporte une série d'ovales (miroirs, tête) contredit un triangle de points lumineux (miroir, tempe, flacon). Les couleurs (froides pour la jeune fille, chaudes pour l'amant) rappellent une autre caractéristique du Titien, l'éclairage de l'ombre par des couleurs chaudes. On peut noter, enfin, le caractère tactile de la peinture vénitienne : la vaste gamme de gris, l'usage important des empâtements, donnent au textile, qui accroche mieux la lumière, une qualité particulière.

Portrait de François Ier (1538-39)

Le Titien, qui n'a jamais vu le roi, a réalisé son portrait d'après une médaille, qui explique d'ailleurs la pose retenue pour peindre le roi (le profil, au XVIe, est un archaïsme). Alors que les portraits réalisés par Clouet sont froids (l'intérêt pour la psychologie des sujets n'a pas encore pénétré la peinture française), il ressort du visage peint par le Titien une certaine bonhomie, liée à la réputation du souverain.


Allégorie conjugale

La première version de ce tableau comportait une femme sans globe de verre mais avec une perle irrégulière. Hormis le couple formé par la figure principale et l'homme en armure, deux autres personnages étaient présents : la figure avec le faisceau de flèches (symbole de l'amour), et celle avec la couronne de myrte (symbole de la fidélité). Il s'agissait alors d'un portrait de mariage allégorique, où les futurs époux étaient représentés sous les traits de Mars et Vénus.
L'ajout du globe (la sphère est symbole d'harmonie) de verre (fragilité), et de la troisième figure, qui, les yeux au ciel, représente l'espérance, laisse penser que l'épouse est morte avant que le portrait ne soit achevé.

La représentation de la scène dans un espace à demi fermé est généralement une caractéristique des conversations religieuses, que l'on retrouve dans plusieurs œuvres du Titien (et de Bellini).

Vierge au lapin

Il s'agit d'une Vierge à l'enfant, accompagnée de Sainte Catherine d'Alexandrie, dont là composition asymétrique évoque l'influence du Corrège. Le berger qui caresse une brebis noire constitue peut-être un rappel de l'antiquité païenne. Le renouveau de la nature est foisonnant de symbole. Le lapin incarne la pureté mariale (plusieurs lapins constitueraient au contraire un symbole érotique). Les fruits de la corbeille évoquent le péché (pomme) et la Rédemption (raisin).

Les couleurs des vêtements des personnages et du paysage se répondent (bleu et orange du ciel et de la tenue de Sainte Catherine).

Jésus et les pèlerins d'Emmaüs

Le tableau est très clairement inspiré de la Cène de Léonard de Vinci. Saint Luc, à gauche, a le même geste que Judas. Les disciples manifestent ici leur étonnement : contrairement aux aubergistes, ils ont reconnu le geste du Christ lorsqu'il rompt le pain.
De nouveau, l'espace est à moitié ouvert. La vivacité des couleurs, à gauche, vient compenser l'ouverture, à droite.

La symbolique est là encore très présente : les violettes sont le symbole de la Passion et de l'humilité ; le chien évoque les nourritures terrestres par opposition aux nourritures célestes, le chat la tentation démoniaque.
Enfin, on peut remarquer la richesse des textiles : le tapis "Holbein " et la nappe, tellement impressionnante de réalisme qu'une copie de ce tableau a été appelée La Nappe.

Portrait d'Alfonso d'Avalos (1533)

A la suite d'une rencontre avec Charles Quint, le Titien est devenu l'un des peintres officiels de l'Empereur, ce qui lui a conféré une dimension internationale. C'est lui qui a peint pour l'Empereur le premier portrait en buste et en armure, dont se sont ensuite inspirés tous les peintres de vainqueurs. De même, c'est lui qui a peint le premier portrait équestre des temps modernes.
Ici, il s'agit du portrait du général en chef des troupes de Charles Quint. Comme pour le portrait de l'Empereur, la toison d'or est peinte au ras du cou. Tout confère à ce personnage réputé peu sympathique de la froideur, malgré le mi-corps qui indique une certaine proximité : la diagonale instaure une dynamique propre à nous éloigner, le regard est tourné vers l'extérieur. Alfonso d'Avalos ne jette même pas un regard au petit page qui lui tend son casque.