Les Orientales, Victor Hugo
(extraits)
 

Sara la baigneuse

Sara, belle d'indolence
Se balance
Dans un hamac, au dessus
du bassin d'une fontaine
D'eau puisée à l'Ilyssus (...)

L'au sur son corps qu'elle essuie
Roule en pluie,
Comme un peuplier;
Comme si, gouttes à gouttes,
Tombaient toutes
Les perles de son collier.

Mais Sara la nonchalante
Est bien lente
A finir ses doux ébats;
Toujours elle se balance
En silence,
Et va murmurant tout bas:

Oh! Si j'étais capitaine,
Ou sultane,
Je prendrais des bains ambrés,
Dans un bain de marbre jeune,
Près d'un trône,
Entre deux griffons dorés!

J'aurais le hamac de soie
Qui se plois
Sous le corps prêt à se pâmer;
J'aurais la molle ottomane
Dont émane
Un parfum qui fait tant aimer.

Je pourrais fôlatrer nue
Sous la nue,
Dans le ruisseau du jardin
Sans crainte de voir dans l'ombre
Du bois sombre
Deux yeux s'allumer soudain.

Il faudrait risquer sa tête
Inquiète,
Et tout braver pour me voir,
Le sabre nu de l'heyduque,
Et l'eunuque
Aux dents blanches, au front noir!

Puis je pourrais sans qu'on presse
Ma paresse
Laisser mes habits
Traîner sur les larges dalles
Mes sandales
De drap brodé de rubis
(...)


Les têtes du sérail

"Où suis-je ... ? Mon brûlot ! à la voile ! à la rame !
Frères, Missolonghi fumante nous réclame
Les Turcs ont investi ses remparts généreux
Renvoyons leurs vaisseux à leurs villes lointaines
Et que ma torche, ô capitaine !
Soit un phare pour vous, soit une foudre pour eux
(...)

Missolonghi ! - Les Turcs ! - Chassons ô camarades,
Leurs canons de ses forts, leur flotte de ses rades.
Brûlons le capitan sous son triple canon.
Allons ! Que des brûlots se préparent l'ongle ardent
Sur sa nef, si je m'en empare,
C'est en lettres de feu que j'écrirai mon nom.