Présentation synthétique des oeuvres
Synthèse réalisée à partir de Spinoza et le spinozisme, P.-F. Moreau, PUF, coll. QSJ
Le Traité de la réforme de l'entendement (TRE)
Pour troquer les faux biens de la vie ordinaire contre un vrai bien assurant une joie suprême et continue, il faut réformer l'entendement. Spinoza fait une typologie des modes de perception (il y en a quatre, alors qu'il n'y en aura plus que trois dans l'Ethique), déterminant que le seul qui soit adéquat est celui qui permet de percevoir une chose par son essence ou par sa cause. Ceci acquis, il définit une méthode pour parvenir à ce type de connaissance. C'est à partir d'idées vraies premières que l'on peut travailler et améliorer l'entendement. Spinoza tente de définir l'idée vraie en la comparant à l'idée fausse et l'idée fictive. Puis il explore les moyens d'augmenter la puissance de l'entendement. Oeuvre inachevée, ce traité emprunte encore beaucoup le vocabulaire cartésien. On y retrouve des thèmes qui seront abordés dans l'Ethique, mais sous d'autres angles et avec d'importantes évolutions.
Le Court Traité (CT)
Ce texte a été découvert au XIXe siècle. Il s'agit probablement de la traduction néerlandaise d'un texte latin de Spinoza, postérieur au TRE, car plus proche du système définitif. La première partie traite de Dieu (existence, essence, attributs). La typologie des attributs distingue les attributs qui permettent de connaître l'essence divine (étendue, pensée), ceux qui sont propres à Dieu mais ne permettent pas de connaître son essence (la providence - comprise comme le fait que toute chose tende à se conserver dans son être) et la prédestination - comprise comme le fait que tout soit causé nécessairement) et ceux qui ne le concernent pas (bonté, miséricorde). Il esquisse ainsi un principe premier, cause immanente dont tout procède. La seconde partie traite de l'homme, en dressant une typologie des genres de connaissances, une analyse des passions et des conditions de la vraie liberté, dans l'union de l'entendement avec Dieu. On y trouve deux dialogues, seuls exemples de cette forme chez Spinoza.
Les principes de la philosophie de Descartes et les Pensées métaphysiques
Exposé de la philosophie de Descartes, dont Spinoza se démarque et acclimatation du vocabulaire cartésien dans le lexique spinoziste.
Le Traité théologico-politique
Il s'agit d'un plaidoyer en faveur de la liberté de philosopher. Spinoza tend à prouver qu'elle n'est nuisible ni à la piété (1ere partie) - en analysant les sources de celle-ci (révélation, écriture, miracle) - ni à la paix et à la sécurité de l'Etat (2e partie) - en étudiant le pacte social et son application concrète et en déterminant la place respective des institutions religieuses et de l'Etat.
L'Ethique
La première partie est intitulée “De Dieu” : elle explique que Dieu est l'unique substance, constituée d'une infinité d'attributs (qui permettent à l'entendement de connaître la substance, mais qui n'en sont pas distinct : en connaissant les attributs, on connaît la substance, il n'y a pas de transcendance, d'en soi inaccessible à la connaissance) et que toute chose n'est qu'un mode de cette substance. Il s'agit d'un Dieu immanent (il ne transcende pas un monde qu'il aurait créé par libre-arbitre), qui produit nécessairement un infinité d'effets - son essence est puissance - de même que chaque chose en produit également (parce qu'elle est une certaine quantité de cette puissance divine). Toute chose est cause d'autre chose. Deux illusions empêchent les hommes de comprendre ceci : celle du libre-arbitre et celle de la finalité.
La deuxième partie est intitulé “De la nature et de l'origine de l'âme” : l'homme est, comme Dieu et comme toute autre chose, étendue et pensée (deux attributs). Les deux attributs appartenant à une même substance, ils fonctionnent de paire. L'âme humaine est une idée dont l'objet est le corps et elle perçoit (pas toujours adéquatement) ce qui affecte ce corps. L'idée dépendant de la nature de son objet, sa complexité varie en fonction des aptitudes celui-ci. Pour comprendre l'âme humaine et la distinguer du reste, il faut donc déterminer ce que peut un corps humain, comparativement aux autres corps. Le corps humain se distingue par sa plus grande complexité, par la plus grande richesse de ces rapports avec l'extérieur (affecter et être affecté), et par une composition fluide de mou et de dur, qui le rend particulièrement apte à garder la mémoire de ce qui l'a affecté. On trouve ensuite une typologie des modes de perception : - rencontres avec le monde extérieur : de ces rencontres naissent des images puis des images d'images (l'imagination). Ceci permet de connaître le monde extérieur, mais pas de façon adéquate. Il ne s'agit pas pour autant d'illusion, d'erreur de la volonté ou de péché. - les notions communes : il y a des propriétés communes entre mon corps et le monde extérieur. Cependant ces notions communes sont souvent masquées par la vivacité de l'imagination. C'est en faisant travailler la raison à partir de ces notions qu'on parvient à des idées adéquates, en progressant de cas en cas.. - la connaissance intuitive par de l'idée de Dieu (de ses attributs) pour comprendre l'essence des choses singulières, en se fondant sur des lois universelles. On parvient à cette connaissance intuitive lorsque la raison a progressé (et non par élan mystique).
La troisième partie se consacre à la nature et l'origine des affects, qui sont de deux natures, actions et passions. Les passions sont subies, elles asservissent. La raison, la connaissance des affects et des causes, permet de se débarrasser de cette servitude. Spinoza distingue trois passions primitives : la désir (tendance à persévérer dans son être), la joie (augmentation de la puissance d'agir) et la tristesse (diminution de la puissance d'agir). En s'objectivant, la joie devient amour et la tristesse devient haine. Les passions naissent également par similitude : si une chose sembable à nous (un autre homme) - pour laquelle initialement nous n'éprouvons rien - éprouve un type d'affect, nous éprouvons de ce fait le même type d'affect. Si A aime une chose C, et que B aime aussi cette chose C, le sentiment de A pour la chose C se renforce. Si B éprouve un sentiment contraire, le sentiment initial de A pour C diminue. Du fait de cette perméabilité, chacun cherche à protéger ses sentiments premiers en recherchant des personnes qui pensent comme lui ou en souhaitant que les autres vivent selon son propre ingenium. Ce principe de similitude est aussi à l'origine de la jalousie. La joie qu'a A à posséder la chose C se transmet à B, qui du même fait souhaiterait déposséder A. L'objectivation des passions se complique donc par ce jeu de similitude, dont l'homme n'est pas nécessairement conscient.
La quatrième partie est consacrée à la servitude (puissance des affects et impuissance de la Raison). Même lorsque la raison commence à combattre les passions, elle est au départ trop faible. “Je vois le meilleur et je fais le pire”. La raison, la connaissance ne suffit pas à libérer l'homme des passions, si naturellement enracinées en lui. Elle permet cependant d'établir des prescriptions, un classement des affects : les mauvais (haine), les tristes utiles à la société (humilité, repentir), les bons (générosité). Spinoza tente aussi de déterminer dans quelle mesure et comment on peut se libérer de l'asservissement des affects.
La cinquième et dernière partie poursuit sur cette lancée. En renonçant à une maîtrise totale des affects, et en se concentrant sur la sphère où il être actif, l'homme découvre un espace de liberté et peut s'adonner à la joie (laetitia) d'aimer Dieu (pas celui des religions). Enfin, par le troisième type de connaissance, l'âme peut s'élever jusqu'à un amour de Dieu qui ne soit plus un affect (gaudium), joie éternelle, parce qu'elle est identité avec Dieu.
Le Traité politique
Spinoza a rédigé cette oeuvre dans les deux dernières années de son existence et n'a pu l'achever. Il y expose une dernière fois, de manière plus radicale, la façon dont il conçoit la nature des hommes, montrant comment la puissance des hommes s'enracinent dans la puissance divine.
Le traité concerne la vie des hommes dans la société civile, mais sans se limiter à la question de la liberté de philosopher comme dans le TTP. Il y décrit notamment trois types d'Etat - monarchie, aristocratie, démocratie - la rédaction s'interrompant au chapitre relatif à la démocratie. Pour son analyse, Spinoza part de ce qui est, et non de ce qui devrait être. Il estime également que la vertu des dirigeants est indifférente à la qualité du Gouvernement (en contradiction avec les théories sur le monarque éclairé, le gouvernement des sages). Des institutions qui dépendent de la qualité de ceux qui dirigent sont de mauvaises institutions. C'est aux institutions de rendre les hommes vertueux.
Alors que le TPP semblait accorder une préférence à la démocratie, le TP considère plutôt le moyen d'assurer la liberté dans chaque forme de gouvernement présentée, en estimant que chacune peut y mener à condition de bien fonctionner.
Les lettres
On a retrouvé 88 lettres. La correspondance était destinée à être lue publiquement dans des cercles d'amis. Les lettres de Spinoza sont en général des réponses qui reprennent l'ordre des questions posées.