Table des matières

La France au XVIe siècle

Par Arlette Jouanna

Le temps de la Renaissance

Première partie : les conditions d’existence

1 - Croissance démographique

Age précoce du premier mariage. Essor de la population (les guerres et famines précédentes ont fait beaucoup de morts : le partage des ressources se faisant désormais entre moins de bouches, chacun est mieux nourri, d’où un provisoire recul de la mortalité).

2 - Le roi et le royaume sous le regard de Dieu

Le Très Chrétien

Sacre :

  1. - serment (protection église, peuple) avec remise de l’épée et des éperons.
  2. - onction (saint chrême et sainte ampoule)
  3. - couronnement (remise insignes, sceptre, main de justice et anneau, qui, avec les éperons et l’épée forment les regalia)

Pouvoir thaumaturgique : « le roi te touche, Dieu te guérit »
Au cours du XVe, baisse de la valeur du sacre car lui donner trop d’importance signifierait une inféodation à l’Eglise et une discontinuité entre la mort du roi et le sacre du nouveau. Ce n’est pas le sacre qui fait le roi, c’est l’hérédité.

Le clergé

Gallicanisme : indépendance temporelle et non spirituelle du clergé français vis-à-vis du pape. En 1438, les évêques sont élus par les chanoines et les abbés par les frères. Ces élections mouvementées nécessitent parfois l’intervention royale. En 1516, le concordat de Bologne supprime ces élections pour les remplacer par une désignation par le roi (accord entre François Ier et Léon X) et l’investiture du pape. Le Parlement tente en vain de résister à cette nouvelle forme de gallicanisme.

Les évêques et archevêques sont souvent des nobles, hommes du monde, diplomates, lettrés, ce qui n’empêchent pas certains d’être pieux. Places très avantageuses des chanoines. Curés parfois ignorants. Mœurs relâchées.

Les fidèles

Confréries d’intercessions, dédiés à un saint (parfois liées à un métier ou à un corps d’armée). La confrérie finance généralement son église et les statues du saint, organise des processions…
Confréries de dévotion : piété et ascèse (ex : les Pénitents, avec des cagoules colorées : pénitents gris, bleus…)
Méfiance des autorités vis-à-vis de ces groupes.
Angoisses des fidèles et apaisements apportés par la religion.

3 - Hiérarchie et noblesse

Les fondements idéologiques de la hiérarchie

Les trois ordres (qui déterminent la représentation aux Etats Généraux) sont peu à peu surpassés par une opposition plus vaste entre noblesse et roture. Épithètes d’honneur pour les notables : honnête homme, honorable, sage…

Vivre noblement ou la vertu de noblesse

Assimilation de la noblesse à la vertu. Bréviaire des nobles. Valorisation du courage à la guerre. Mais peu de nobles ont un service effectif dans l’armée. Autres valeurs : piété, loyauté, libéralité, courtoisie. Les nobles effectuent aussi le service civil du roi (diplomates, juristes), qui tend à concurrence le modèle guerrier.

Interdiction de déroger. Droit de cultiver sa terre ou celle des princes. Interdiction du travail artisanal, sauf verrerie, médecine et avocat (chirurgien ou notaire interdit). Le commerce est également interdit. Il en découle une difficulté d’être la fois pauvre et noble.

La race, le sang et l’honneur

Attachement à l’hérédité, notion de race et d’honneur.

4 - Diversité des groupes nobiliaires

Les grands lignages du royaume

Grands lignages : environ 20. Parmi eux, les princes de sang (lignage royale, Valois et Bourbon, dont Navarre et Condé), les princes étrangers (Guise, Clèves, Luxembourg, Rohan) et d’autres grands lignages comme les Montmorency.
Ces lignages cumulent titres, charges, richesse (vente foncières, dons de la couronne). Ils ont une clientèle composée de fidèles (loyaux à un seul patron) et de clients (qui ont plusieurs patrons). Les services sont mutuels (les grands offrant protection, promotion, argent…)

La noblesse des provinces

La noblesse provinciale se composent de grands propriétaires fonciers (parfois chef d’armée ou autre) et de gentilshommes. Réseaux d’amitié entre nobles, relation réciproque entre égaux (contrairement au clientélisme où il n’y a pas d’égalité entre les personnes, même si l’idée de réciprocité est également présente.

L’anoblissement

Absence de critères précis permettant d’évaluer la noblesse. Anoblissement par possession d’un fief sur une longue durée avec un mode de vie noble. Anoblissement possible en l’absence de témoin de l’origine roturière. Cet anoblissement coutumier est appelé anoblissement par prescription.
1579 : création officielle des lettres de noblesse. Maîtrise de l’anoblissement par le roi. Cela remplace progressivement l’anoblissement par prescription. Certains offices donnent un anoblissement à divers degrés, permettant un anoblissement graduel (plusieurs générations).

5 - Les transformations lentes de la paysannerie

6 - L’essor urbain et l’élan économique

La croissance spectaculaire des villes du royaume

Croissance urbaine due à la pression démographique.
Développement des villes maritimes.
Absence d’extension coloniale de la France (malgré la tentative de Cartier), qui gêne l’expansion économique.

Industries : secteur textile qui n’a pas la finesse italienne dans les draps et les soieries. Métallurgie. Fabrication du papier. Dans l’ensemble, fabrication de produits courants peu chers. Les produits de luxe sont importés.

Réseau bancaire peu développé comparé à l’Italie. La croissance étatique contribue au développement administratif des villes.

Les sociétés urbaines

Elites des villes : les nobles résident rarement en ville à plein temps. Elite plutôt composée de grands marchands, officiers (justice, finances). Petit peuple : artisans, marchands de rue.

Villes et culture

Instruction : création de classe par niveaux. Volonté des villes d’avoir leurs collèges. Prestige des universités.

7 - Les fêlures de la concorde sociale

Le danger des pauvres

Multiplication des mendiants valides. Création de l’Aumône générale : pain contre basses besognes. La révolte de certains contre ces travaux forcés entraîne l’intervention de la police. Sentiments ambigus des pauvres devant la trilogie assistance-travail-police.

Deuxième partie : La construction monarchique

8 - Les structures collégiales et consultatives du pouvoir sous Charles VIII et Louis XII (1483 – 1515)

Charles VIII règne pendant 15 ans et meurt sans successeur. Son cousin Louis (Valois-Orléans) prend la couronne. Louis XII fait annuler son mariage avec Jeanne, fille de Louis XI, pour épouser Anne de Bretagne, la veuve du roi défunt, conservant ainsi la Bretagne. Charles VIII et Louis XII sont considérés comme de bons rois. Louis XII est même surnommé Père du peuple.

Le roi en son conseil

Petite oligarchie à la compétence universelle (y compris tribunal). Sous Charles VIII, une partie du conseil se spécialise dans les procès (Grand conseil). Justice d’exception aux pouvoirs variés. Le roi peut aller contre le Conseil mais suit souvent l’avais de la majorité.

Le conseil peut réunir 30 à 60 personnes auxquelles le roi fait appel en fonction de leurs compétences. Parmi ces personnes on trouve les princes de sang, les grands lignages, des hommes d’Eglise et quelques nobles choisis pour leurs compétences et leur intelligence. Représentation de toutes les couches sociales supérieures.

L’office du roi

La puissance du roi doit être freinée par le Conseil car un seul ne saurait toujours prendre les bonnes décisions sur tout (pensée de Claude de Seyssel). Sous Charles VIII et Louis XII, distinction entre la couronne et la personne du roi, le second servant la première. C’est l’office du roi, sa mission.

Les cours souveraines et les formes ordinaires de la justice

5 parlements sous Charles VIII, 7 sous Louis XII (création Rouen et Aix). Fonction de cour d’appel et délégations temporaires pour événements exceptionnels. Compétence administrative : surveillance des agents de l’Etat, enregistrement des édits royaux. Droit de remontrance. Le Parlement conseille le roi, son obéissance est libre et raisonnée. Les décisions du roi ne seront vraiment obéies que si le Parlement les consent pleinement.

Les cours des finances contrôlent les dons royaux (entre autres). Elles ont également un droit de remontrance.

Messieurs des Finances

Trésoriers de France. Généraux des finances (impôts). Ces deux catégories réunies établissent un Etat général des finances. Techniciens talentueux.

Les assemblées représentatives

- Les Etats généraux : représentation des 3 ordres dont les membres sont élus à partir de 1484. A cette date, formulation par Philippe Pot d’une reconnaissance de la souveraineté du peuple « La royauté est une dignité et non une hérédité ».
- conseils élargis et assemblées de notables
- Etats provinciaux, sorte d’Etats généraux à un plus petit échelon. Votent l’impôt et perçoivent avant l’institution d’officiers royaux à cet effet.
- assemblées ecclésiastiques

9 – Le nouveau style monarchique de François Ier (1515 – 1547)

Un roi qui entend être obéi

Louis XII (Valois Orléans), à la mort d’Anne de Bretagne, épouse Marie Tudor (1514), sœur d’Henri VIII d’Angleterre. Il tente désespérément de lui faire un enfant mais meurt en héritier. François Ier (Valois Angoulême) lui succède.

C’est un homme énergique qui supporte mal qu’on bride sa puissance. Aidé par les théories du chancelier Antoine Duprat, pour qui le roi n’a pas de comptes à rendre. Affaire du concordat de Bologne : pendant deux ans, le parlement refuse de l’enregistrer, puis l’enregistre sous la pression royale mais avec des protestations.

1525 : défaite de Pavie et emprisonnement du roi.
1526 : pour obtenir sa libération, signe un traité qu’il est décidé à ne pas appliquer. Ses fils le remplacent comme otages. Pendant sa captivité, Louise de Savoie règne à Lyon. Le Parlement de Paris, laissé maître de la ville et de la frontière nord, sort de ses pouvoirs et fait remontrance au roi sur toute sa politique.
1527 : François Ier rétablit son autorité par un lit de justice. Manifestation du monopole législatif royal. Le parlement perd tout pouvoir de demander la modification des ordonnances. Peu après, il obtient du Parlement la condamnation du connétable de Bourbon.

Les inflexions de l’image royale

Représentation chrétienne du roi, qui nourrit le bon feu et éteins le mauvais. La salamandre, accompagnée de la devise Nutrisco et extingo correspond à cette idée. Auparavant, lien sacré entre Dieu et la Couronne, le roi n’étant que le porteur de cette sacralité. Evolution vers l’établissement d’un lien direct de la personne du roi et Dieu.

François Ier se veut aussi l’héritier de la puissance romaine : redécouverte du symbolisme païen du pouvoir avec les guerres d’Italie. Le roi fait réaliser une statue équestre à son effigie (la première du genre). Il est représenté en imperator. Comparaison à Hercule. L’entourage du roi, notamment sa mère, pousse à sa glorification.

L’apport des théoriciens

Catalogues des droits régaliens : accroissement de la liste de ces droits sous François Ier.
La puissance absolue de la Couronne, auparavant détachée de l’humble personne du roi, se confond maintenant avec elle. Guillaume Budé, inspiré par l’idée d’un roi-philosophe, y contribue. Présomption de perfection du roi qui saura se limiter seul, sans avoir besoin de lois ou du consentement de ses sujets.

10 - La conjoncture de guerre : l’aventure italienne

Les guerres d’Italie se déroulent entre 1494 et 1559 (date du traité de Cateau-Cambrésis). Ambitions françaises : Naples et Milan

Les premières guerres

Le royaume de Naples est légué à Louis XI par René d’Anjou en 1481, alors même qu’il ne lui appartient plus depuis 1442. Le legs comprend aussi le royaume de Jérusalem. Il est reconnu par le pape. Pour les français, il s’agit donc d’aller reprendre Jérusalem en passant par Naples.

Charles VIII pense s’être assuré la neutralité de l’Empire (Maximilien de Habsbourg) et de l’Espagne (Ferdinand d’Aragon) par traités.
En 1495, les Français entrent dans Naples. Bon accueil des Italiens. Ludovic le More, un des alliés de Charles VIII, en profite pour se faire nommer duc de Milan. A Florence, Savonarole avait prédit l’arrivée des français. Celle-ci est pour les Florentins l’occasion de se débarrasser une première fois des Médicis. A Rome, les Français sont soutenus par les adversaires du pape Alexandre VI Borgia.
Mais les Français lassent rapidement leurs alliés (les Italiens recherchent une sorte d’équilibre et refusent qu’une puissance étrangère prenne trop d’importance) qui se retournent contre eux. Sforza rejoint une ligue réunissant l’Empereur, l’Espagne et Venise. Charles VIII se retire et les garnisons qu’il laisse à Naples sont chassées.

Louis XII s’intéresse plus à Milan, car sa grand-mère paternelle appartient à une dynastie évincée de Milan par Sforza. Il est soutenu par le pape et bénéficie de la neutralité des Etats voisins. Sforza est livré par ses mercenaires impayés. Louis XII est en revanche repoussé lorsqu’il tente de prendre Naples. 1504 : trêve de Blois : les Français conservent Milan.

En 1503, Jules II est élu pape. Il rejoint la ligue pro-française de Cambrai en 1508, utilisant les troupes françaises pour récupérer quelques territoires vénitiens. Il change ensuite de camp pour former une ligue anti-française. Gaston de Foix, habile stratège, permet à la France de remporter une victoire à Ravenne mais meurt pendant la bataille. Les Français sont ensuite repoussés et abandonnent Milan.

François Ier entreprend la reconquête. Allié avec Venise, il remporte la victoire de Marignan. Le duché de Milan est reconquis. Une trêve est signée en 1516.

La lutte contre l’hégémonisme impérial

Cependant la France est encerclée par les possessions du futur Charles Quint. Pour limiter sa puissance, François Ier tente d’être élu empereur. C’est cependant Charles qui est élu en 1519. Il réussit de plus à s’allier à l’Angleterre.

Six guerres opposent les deux hommes et leurs successeurs : 1521 – 1526. En 1523, le connétable de Bourbon passe sous la bannière de Charles Quint. Défaite de Pavie en 1525, le roi est fait prisonnier. Traité de Madrid (abandon – théorique – Bourgogne, Flandres, Artois, rétablissement du connétable dans ses biens)
1527 – 1529 : formation de la ligue de Cognac avec le pape Clément VII (entre autres). Sac de Rome et mort du connétable de Bourbon. Traité de Cambrai, dit « Paix des Dames » (Louise de Savoie et Marguerite d’Autriche) : François Ier garde la Bourgogne et doit payer 2 millions d’écus pour sa rançon. Il épouse la sœur de Charles Quint, Eléonore.
1536 – 1539 : mort du duc milanais François Sforza et revendication du duché par la France. Combats achevés par la trêve de Nice.
1542 – 1546 : reprise de la guerre autour de la question milanaise. Henri VIII est allié à Charles Quint. Paix de Crépy-en-Laonnois avec l’empereur (cédant le Milanais au dernier fils de François Ier, Charles, qui meurt peu après) puis paix de Ardes avec Henri VIII (qui s’engage à rendre Boulogne)
1552 – 1556 : Henri II conquiert Metz, Toul et Verdun. Charles Quint tente vainement de reprendre Metz défendu par François de Guise et le typhus. Charles Quint passe le pouvoir à son fils Philippe. Trèves de Vaucelles par laquelle la France garde la Corse, le Piémont et la Savoie
1557 – 1559 : reprise des combats autour de la possession de Naples. Dans le même temps, le duc de Savoie assiège Saint-Quentin. Lourde défaite d’Anne de Montmorency (désastre de Saint Quentin, passé dans les proverbes espagnols). En revanche, victoire de Guise à Calais et à Thionville. Le traité de Cateau-Cambrésis met fin aux guerres d’Italie. En Italie, la France ne garde que le marquisat de Saluces et 5 villes (dont Turin et Pignerol). Elle garde aussi les trois évêchés et Calais.

Nouveaux aspects dans ces guerres : - le terrible sac de Rome (mai 1527) qui horrifie l’Europe.
- le déplacement du champ de bataille de l’Italie vers l’Est de la France
- l’alliance avec des infidèles (turcs ou princes luthériens allemands). Alliances et oppositions bizarres
- interférence progressive des questions religieuses

L’art de la guerre

Du point de vue militaire, la cavalerie a tendance à s’alléger. L’infanterie devient plus importante. Il est fait appel à des bandes de mercenaires (éventuellement étrangères). Modification des remparts pour résister à l’artillerie lourde. Le siège devient plus difficile. Dans ce dernier, le rôle des pionniers et des pétardiers qui font sauter les portes est primordial (cf. la prise de Cahors par Henri IV chez Dumas)

C’est le traité de Cateau-Cambrésis qui met fin aux guerres. Elisabeth, fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, épouse Philippe II d’Espagne et Marguerite, la sœur du roi, épouse le duc de Savoie. Consolidation de la frontière nord.
Retombées culturelles des guerres d’Italie.

11 - L’affermissement de l’appareil d’Etat sous François Ier et Henri II

Le conseil

De plus en plus, la présence au Conseil dépend du choix royal et non de la seule naissance. Préférence pour un conseil étroit (conseil des affaires ou conseil secret).
Le conseil élargi, qui prend progressivement l’appellation du Conseil D’Etat s’occupe de justice, de finances et de police. Après 1530, malgré l’existence du Grand Conseil, il tranche aussi les affaires privées portées devant le roi. Une autre branche se spécialise dans les affaires financières et prend le nom de Conseil des finances

Les grands officiers de la couronne (qui doivent allier dignité et compétence) : - le connétable : Charles de Bourbon (1515-1523), Anne de Montmorency (1538 – 1567) puis Henri de Montmorency à partir de 1593. La France reste un temps sans connétable
- le chancelier (chef de la justice – rédige les actes législatifs) : ex : Michel de L’Hopital
- l’amiral de France, chef de la flotte et des affaires maritimes : ex : Gaspard de Coligny
- grand maître de France (s’occupe de la maison du roi) : Anne de Montmorency sous François Ier et Henri II puis François de Guise.
- grand chambellan : François de Guise
- secrétaires d’Etat (dénomination datant de 1558) : quasi-ministres. Plus efficaces et surtout plus dociles que les grands

Apparition de la signature, qui fait concurrence au sceau. Sentiment de servie la chose publique.

Accroissement des recettes et réformes financières

Les recettes : - taille personnelle (sur les personnes) ou réelle (sur les terres)
- taxes spécifiques (les vins, les cloches…)
- décimes (payées par le clergé)
- gabelle et autres taxes indirectes

Forte augmentation, abus à la perception.
Emprunts auprès des banquiers (italiens, allemands). Remboursement difficile. Création de rentes d’Etat pour emprunter aux particuliers

Réformes : - 1523 : création d’un trésorier de l’Epargne centralisant toutes les recettes.
- 1524 : création d’un trésorier des Finances extraordinaires et parties casuelles, qui est subordonné en 1542 au précédent.

Mélange des fonds publics et privés. Les trésoriers paient parfois sur leurs deniers, ils prêtent au roi à titre privé. Celui a parfois le sentiment d’être volé. Enquêtes parfois suivies de fructueuses confiscations.

1542 : remplacement des 4 généralités par 16 recettes générales
1552 : rôle politique moindre des trésoriers, cantonnés à la province
Difficulté d’obtenir un contrôle complet du système.

Les gouverneurs et les origines des intendants

Les 12 gouverneurs sont les représentants du roi. Ils peuvent recourir à la force armée pour faire exécuter les ordres.
Ils s’entourent d’un conseil. Des « experts » sont parfois envoyés en mission par le roi pour les seconder. Ces commissionnaires peuvent être considérés comme des ancêtres des intendants.

L’œuvre législative

Ordonnances et édits : Villers-Cotterêts (1539) rend obligatoire la tenue de registres paroissiaux.
Rédaction des coutumes pour fixer le droit dans le nord de la France. Une fois rédigé, le texte est soumis au roi et acquiert force de loi. La rédaction donne parfois lieu à quelques réformes.
La place des particularismes locaux est encore importante. Pas de réelle volonté centralisatrice. La volonté royale se préoccupe surtout d’améliorer les finances.

12 – Les officiers du roi et la patrimonialité d’une partie de la puissance publique

Multiplication du nombre d’agents au service de l’Etat

Vénalité et hérédité des offices

Inamovibilité des offices. Trois conditions de rupture : mort, démission ou forfaiture.
La rémunération est assurée par des gages auxquels s’ajoutent des sommes prélevées sur les usagers.
Les offices diffèrent des commissions, car ces dernières sont révocables.

La vénalité est d’abord mise en place secrètement. A la fin du XVIe siècle, elle est admise au grand jour. L’argent obtenu est considéré comme une recette casuelle.

Résignation : un officier se démet et désigne son successeur (le roi touche un droit de mutation). En l’absence de successeur désigné, la charge revient au roi qui la revend. Les délais de procédures imposés (2 ou 3 mois) font que cette option est courante (car les officiers ne renoncent à leur charge qu’au dernier moment et peuvent mourir avant l’aboutissement de la mutation).
Survivance : le roi peut vendre une lettre de survivance. L’officier garde ainsi sa charge jusqu’à sa mort et le successeur désigné à l’avance dans la lettre prendra sa suite. Cette procédure évite les aléas de la résignation, mais il arrive que le roi, pour remplir le trésor, révoque toutes les survivances accordées. 1568 : la survivance est accordée de façon plus stable pour 1/3 du montant de l’office.
Tendance à l’hérédité des charges.

A l’achat de l’office, enquête sur vie et mœurs, qui sert à écarter les roturiers, puis les réformés.
Les futurs officiers doivent également passer un examen qui permet de juger de leur compétence (plusieurs épreuves pas nécessairement évidentes). Enfin, prestation de serment

Multiplication des offices

Accroissement des charges pour alimenter le trésor par leur vente. Ex du parlement de Paris dont le nombre de membres croît de façon impressionnante. Création de nouvelles cours. Création des présidiaux, cour intermédiaire entre le Parlement et les baillages/sénéchaussées.

Un quatrième état

De 1527 à 1558, plusieurs assemblées voient leurs membres divisés en quatre groupes : les trois ordres habituels et les officiers. Montaigne s’en indigne. La robe est le symbole de cette catégorie émergente qui a ses propres valeurs : étude, prudence, contrôle soi. Fierté des robins qui veulent être reconnus. On commence à distinguer deux noblesses. La noblesse de robe n’est officiellement reconnue qu’en 1600 (auparavant, elle n’est que coutumière, anoblissement graduel). L’expression n’apparaît d’ailleurs qu’en 1602.
Les robins ont entre eux une parenté intellectuelle par leur culture et leur formation. Mais les différences se creusent en raison des écarts salariaux.

13 – La noblesse et l’affirmation du pouvoir royal

Pacte tacite entre le roi et les nobles

Le roi a besoin des hauts lignages. Ils peuvent mobiliser leur réseau, aider à faire respecter les décisions royales dans les vastes provinces. Echanges de prêts financiers. Les nobles ont besoin des emplois et des honneurs distribués par le roi. Les guerres royales sont pour eux l’occasion de s’illustrer. Le roi est le garant de l’ordre social. Ex : condamnation des mariages clandestins, qui désobéissent à la volonté parentale. Les lignages ont intérêt aux respects de ces règles.
Roi et nobles ont des valeurs communes : François Ier et Henri II sont des rois chevaliers. Le roi a également soin de maintenir des liens avec la noblesse moyenne fin de limiter le pouvoir des grands.

Absence de révolte nobiliaire dans la 1ere moitié du siècle

1485 – 88 : guerre folle. Révolte des nobles contre Pierre et Anne de Beaujeu, régents sous Charles VIII. Volonté des nobles de maintien des traditions et de l’exercice collectif du pouvoir. Réconciliation lorsque le roi atteint l’âge de gouverner.

Affaire du connétable de Bourbon : la famille royale conteste au connétables l’héritage de sa femme, François Ier récupérant les biens de la couronne en l’absence de descendant mâle et Louise de Savoie réclamant les autres biens comme proche parente. François Ier se méfie de ce personnage trop puissant et indépendant. Le connétable se révolte mais ne parvient pas à entraîner d’autres nobles avec lui. En 1523, il passe sous les ordres de Charles Quint, qui est son second suzerain.

Cour et arbitrage entre factions

La cour est itinérante. Lieu où les factions se disputent les faveurs royales et l’exercice du pouvoir. Importance des maîtresses (la duchesse d’Etampes pour François Ier, Diane de Poitiers pour Henri II). Le roi arbitre les conflits entre lignages. On attend de lui qu’il maintienne l’équilibre entre les familles. Manque de fermeté d’Henri II, illustré le duel entre Jarnac (qui représente Etampes, Navarre, Montmorency) et La Châtaigneraye (représentant du clan Diane – Guise, associé au roi). Le roi n’a pas su se mettre au dessus des clans pour arrêter le combat et son champion est défait.

14 – Résurgence des débats sur la puissance absolue sous le règne d’Henri II

La puissance absolue

La puissance absolue n’est d’abord reconnue qu’à Dieu. Puis on l’accorde au pape. A la renaissance, on commence à l’attribuer au roi. Certains théoriciens attribuent au roi deux puissances. Une puissance absolue pour les temps extraordinaires et une puissance ordinaire le reste du temps (dans ce dernier cas, il ne gouverne plus seul).
La puissance du roi est limitée par sa seule bonté et tolérance.

La dénonciation de la servitude volontaire par La Boétie

La Boétie s’étonne de la servitude fiscale et curiale (chaîne des faveurs, distribuées et redistribuées) imposée à tant d’hommes par un seul. Il définit la liberté comme l’obéissance à des lois choisies et à la raison. Son discours n’est pas diffusé.

Monarchie absolue et monarchie mixte

Un régime mixte (monarchie mêlée d’aristocratie et/ou de démocratie) est depuis l’Antiquité considérée comme idéal.
Selon le théoricien Charles Dumoulin, la souveraineté est incarnée par un ensemble composé du roi (monarchie), du conseil (aristocratie) et des états généraux (démocratie).
1550 : discussions passionnées autour des limites à accorder au pouvoir du prince, en réaction à l’émergence d’un pouvoir royal fort.

A la recherche de la France

Valorisation des ancêtres gaulois par réaction au mépris italien et germanique. D’autres choisissent de valoriser les Francs. Les historiens s’intéressent également à l’ancienneté des Etats généraux.

Troisième partie : Renaître, restaurer, réformer

15 – La restitution de toutes les disciplines

La philologie au cœur de l’humanisme

Humanisme : étude des langues et civilisations gréco-romaines. Respect des textes originaux. Découverte et collecte de manuscrits originaux. Intérêt pour l’Egypte antique (ou pseudo-antique).
Nécessité d’apprendre les langues (grec et hébreu, tous les savants parlant déjà latin) pour lire les manuscrits. Organisation de l’enseignement de ces langues. Restitution des textes véritables par la traduction. Mépris des commentaires. L’impression, inventée au siècle précédent, permet la diffusion.

A la recherche de l’humanitas

Admiration pour les hommes de l’Antiquité : Cicéron, Platon, Aristote. Conciliation de leurs pensées avec le christianisme.
Formation de l’homme à partir de trois éléments : la nature, la nourriture (éducation) et l’exercice (effort personnel). Intérêt pour la « fabrication » de l’homme, son éducation. Pour la plupart des penseurs, il faut être bien né pour pouvoir être éduqué. Seul Jean Bodin pense une éducation pour tous (du moins ceux qui paraissent doués), indépendamment de l’origine sociale.

Encyclopédie des savoirs

- Littérature : renouveau de la poésie. Pléïade (Du Bellay, Ronsard, Dorat, Pontus de Tyard, Jodelle, Baïf et Belleau). Rabelais. Vogue de la nouvelle (Marguerite de Navarre)
- Astrologie (Nostradamus)
- Astronomie (Copernic, longtemps ignoré en France)
- Géographie : découverte du nouveau monde
- Médecine, chirurgie (Ambroise Paré)
- Droit : étude du droit romain
- Histoire : les historiens commencent à faire preuve d’esprit critique et à montrer un souci documentaire.

16 – La Renaissance artistique

Art français et fécondation étrangère

Le rôle des guerres d’Italie est plus limité qu’on ne le pense généralement. Il y a plutôt eu une longue imprégnation par des échanges (avant, pendant et après les guerres). Il y a cependant une accroissement de l’influence italienne en 1500 : rencontres avec des artistes, invitations à s’installer en France. Initialement, les artistes français n’empruntent que des motifs ornementaux. Le gothique flamboyant reste dominant jusqu’au milieu du XVIe siècle. Mariage entre l’architecture française et le décor italien.
Grande liberté créative des artistes français dans les châteaux de la Loire.

Atelier de Fontainebleau

Des artistes italiens sont chargés de la décoration de Fontainebleau (Le Rosso puis le Primatice et Nicolo dell’Abbate). Ils s’adaptent au goût français. Ils réalisent notamment la galerie. Des copies (gravures ou tapisseries) permettent la diffusion de leurs œuvres. Iconographie : scènes mythologiques et figures allégoriques.
Fontaines illustrant les plaisirs de l’eau et de l’amour.
Dans le château, salle de bains où est célébrée la nudité féminine.
Jardins : grottes mises à la mode par les italiens.
Assimilation parfaite des leçons italiennes par les artistes français. Clouet fait la synthèse entre les influences du nord et du sud de l’Europe.

Apogée de la Renaissance artistiques française (1540 – 70)

Architecture : - Pierre Lescot : rénovation du Louvre, notamment façade de la cour carrée
- Philibert de l’Orme (abbé) : chapelle du château de Vincennes, château de Saint Germain en Laye, façade ouest des Tuileries, château d’Anet pour Diane de Poitiers.

Scultpure : - Jean Goujon : collaborateur de Lescot au Louvre
- Germain Pilon : Anet, monument funéraire de Catherine et Henri II (gisants et orants au-dessus, avec aux angles des sculptures du Primatice)

Mécénat privé

Val de Loire : Chenonceau, Azay le Rideau, Villandry sont construits par les grands financiers de la cour.
Montmorency fait construire Ecouen et reconstruit Chantilly
Guise : château de Joinville, chapelle des Guise à Paris, faite par le Primatice et dell’Abbate

Fêtes et musiques

Entrées royales (prise de possession symbolique d’une ville par le roi). Fêtes splendides, défilés.
Divertissement de la cour. Mascarades chantées et dansées. Les gentilshommes participent au spectacle.
Chanson polyphonique. Musique religieuse peu originale.

17 – Les aspirations au renouveau spirituel et leurs premières manifestations en France

Le besoin de renouveau spirituel se fait d’abord sentir au sein de l’Eglise.

Les attentes spirituelles des chrétiens

Individualisation des responsabilités. Crainte du jugement. Précision de la doctrine du purgatoire : un premier jugement individuel y mène avant le grand jugement dernier. Les indulgences permettent de raccourcir le temps du purgatoire. Les calculs établis autour des indulgences (X années pour telle prière à tel saint devant telle relique) peuvent paraître stupide mais ils sont souvent liés à une foi sincère même si elle inintelligente.

Certains ont besoin d’une nourriture plus adaptée que les gestes mécaniques de la prière et des rites. Ils ont l’impression que l’Eglise joue mal son rôle de médiation. Idée de salut par l’ascèse et la réforme intérieure. Courant de stricte obédience dans les monastères. Aux Pays-bas, apparition de la « dévotion moderne », un mouvement laïc prônant ne vie de recueillement et de prière.

Philosophia christi des humanistes

Jacques Lefèvre d’Etaples (1460 – 1536) et Erasme (1469 – 1536) luttent pour la diffusion des textes. Erasme retraduit le Nouveau Testament. Ses ouvrages ont beaucoup de succès. Ils prônent l’exemplarité du Christ, aboutissement de la dignité humaine. Erasme s’adresse aux clercs et aux laïcs. Esprit de tolérance. Il prend position contre Luther, défendant le libre arbitre face à la grâce divine. Profondément attristé par les guerres de religion

Évangélisme du groupe de Meaux

Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux ; malgré son cumul des bénéfices ecclésiastiques, tente des réformes dans les évêchés de son ressort. Il rencontre beaucoup de résistances. Il forme un groupe pour connaître et faire connaître les Évangiles.
Le groupe éveille les soupçons de la faculté de théologie de Paris car ses réflexions présentent quelques points communs avec celles de Luther (essentiellement sur la place de l’Evangile). Seule la protection de Marguerite de Navarre sauve la plupart d’entre eux.

Luther et la rupture

1517 : début du conflit
1521 : excommunication

Angoisse de Luther face à la question du salut, jusqu’à ce qu’il redécouvre la gratuité de l’amour de Dieu. La foi est le signe que le croyant est pénétré de cet amour. Le salut ne peut s’acheter. Luther affiche ses 95 thèses à Wittenburg. Le pare les ressent comme une atteinte à son autorité, alors que Luther ne veut pas rompre avec l’Eglise à ce moment. C’est le refus du pape de l’écouter qui le radicalise.
Ses thèses :
- l’homme ne peut contribuer à son salut qui est un don gratuit de Dieu
- la vérité est dans les textes et non dans les traditions
- seuls deux sacrements sont dans les textes : le baptême et la cène
- pas de purgatoire
- sacerdoce universel.
Les œuvres de Luther pénètrent en France à partir de 1519. La préservation de l’unité semble encore possible mais les premières fractures apparaissent.

18 – L’émergence

Calvin réussit à rassembler les hommes contestant le catholicisme, jusque là dispersés en France. Le mot « réformé » désigne les calvinistes. Le mot « calviniste » est récusé par les réformés qui ne se sentent pas disciples d’un homme (mais plutôt d’une vérité). Le mot « huguenot » souligne plutôt la dimension politique de la réforme. Enfin le mot « protestant » désigne plutôt les princes luthériens protestant contre les décisions de la Diète de Spire en 1529. Le mot « évangéliste » désigne les conciliateurs qui se détournent des rites pour favoriser le texte et la vie intérieure. Ex : Marguerite de Navarre, sœur de François Ier. Ils disparaissent avec la radicalisation des positions de chaque camp.

L’espoir déçu de l’évangélisme français (1525 – 1534)

Pont entre les deux religions, les évangélistes se heurtent à la radicalisation de la faculté de théologie, qui condamne les traductions d’Erasme. Bûchers. Amalgame entre ceux qui croient au salut par la seule foi et ceux qui adoptent toutes les autres positions luthériennes. Toute quête spirituelle personnelle devient suspecte.
Dans le même temps, radicalisation des réformés. Premières manifestations d’iconoclasme (en désaccord avec Luther, qui considère que les images sont une prédiction pour les yeux). Affirmation de l’absence de présence réelle du Christ dans l’hostie (présence uniquement symbolique). Affaire des placards (proclamation de cette doctrine par affichage) en 1534. En réponse, procession expiatoire du roi.

Jean Calvin (1505 – 1564) et le calvinisme

Instruction en théologie et en droit. Les angoisses spirituelles de Calvin provoquent sa conversion progressive, définitive en 1534. Un an plus tard, il fuit à Bâle. Il fait de Genève la capitale de la réforme calviniste. Il y enseigne et soutient la progression de la réforme en France.
La 1ere édition de l’Institution de la religion chrétienne paraît en 1536. Elle est revue et augmentée jusqu’en 1560. Il y expose ses thèses :
- salut par la seule foi. Incapacité de l’homme à faire le bien par lui-même (rejet de la confiance humaniste en l’homme). Théorie de la prédestination (cette théorie prend de l’ampleur chez ses disciples)
- Bible comme seule fondement de la foi, à l’exclusion de tout autre livre.
- présence réelle, de nature spirituelle, du Christ dans l’hostie (pour les catholiques, il y a présence réelle corporelle avec transsubstantiation, c’est-à-dire, changement de la nature du pain et du vin en corps et sang du Christ ; pour Luther, il y a une présence réelle corporelle mais sans transsubstantiation (consubstantiation)). La présence divine est donnée au chrétien par la grâce et non par la consécration des hosties par le prêtre. - pas d’intercession des saints

Organisation de son église avec une hiérarchie composée de quatre catégories : les docteurs, les pasteurs (sacrements), les anciens (discipline) et les diacres (assistance aux pauvres). Les réformés français adaptent ce modèle Calvin prône l’obéissance au pouvoir civil lorsque celui-ci remplit sa mission en donnant des lois justes. Il introduit une notion de résistance légitime mais condamne les actions violentes.

19 – Les réponses catholiques

Le combat des théologiens

Thomas Cajetan et Jean Eck débattent avec Luther.
La faculté de théologie de Paris se fait la gardienne de l’orthodoxie. Les catholiques n’acceptent pas l’abandon du libre arbitre de l’homme, qui peut selon eux, se fermer ou s’ouvrir à la grâce de Dieu et contribuer à son salut. Refus de diminuer les voies d’accès au sacré : intercessions des saints, présence corporelle du Christ avec transsubstantiation…
Crainte de la diversité d’opinions provoquée par l’accès au texte et la suppression des différenciations entre clerc et laïc. Risque d’insoumission. Le concile de Trente reprendra tous ces points.

Le roi et la justice royale

François Ier, dont la piété catholique est incontestable, pense possible de procéder à une réforme modérée de l’Eglise. 1533, il demande l’autorisation de sévir contre l’hérésie, tout en s’alliant deux ans plus tard avec les princes luthériens. Recherche de concorde.
1543 : publication des « articles de la foi » par l’université de théologie avec l’approbation du roi, qui souhaite le maintien de l’unité religieuse du pays. François Ier termine son règne en autorisant la répression des Vaudois dans le Lubéron.

Après quelques hésitations, Henri II poursuit la politique de durcissement de son père. 1547 : instauration d’une chambre ardente au Parlement de Paris, spécialisée dans les questions religieuses.

Crise gallicane de 1551. Le pape Jules III, allié de l’Empire, rouvre le concile de Trente sans demander l’avis de la France, qui, de ce fait, veut ouvrir son propre concile. Rupture avec Rome, menaces d’excommunication de la part du pape. La France semble sur le point d’organiser une Eglise autonome, comme l’Angleterre. Effrayé, le pape cède sur quelques points et les relations diplomatiques reprennent.

Dans la lutte contre l’hérésie, conflits de juridictions entre tribunaux laïcs et tribunaux ecclésiastiques. Il n’y a pas en France de tribunal d’inquisition autonome comme en Espagne. L’hérésie est jugée par les tribunaux laïcs comme un acte de sédition. La dénonciation permet au délateur de récupérer les biens du dénoncé si celui-ci ne parvient pas à se disculper. Augmentation des condamnations au bûcher avec les guerres de religions.
1554 : parution d’un livre des martyrs. Hagiographie protestante. Beaucoup de réformés s’exilent en Suisse.
La fin des guerres d’Italie permet d’accroître la répression.

La France et les débuts du Concile de Trente

Difficultés de réunie un conseil général. D’abord, opposition de Clément VII qui craint une résurgence de la doctrine de la supériorité des conciles. Puis reprise des guerres d’Italie.
Fondation de l’ordre jésuite par Ignace de Loyola en 1534. Officialisation de la Compagnie de Jésus par le pape en 1540. Vœu spécial d’obéissance au pape. Les jésuites jouent un rôle important pendant le concile.
Celui-ci commence en 1545. Interruption en 1549. Reprise en 1551-52 avec boycott français (voir plus haut). Nouvel ajournement. Réouverture en 1562 et conclusion en 1563. Pétrification de l’orthodoxie catholique.

20 – L’éclosion des églises réformées

Répartition sociale des réformés

- bas clergé et ordres réguliers. Également quelques évêques (Odet de Châtillon, un neveu d’Anne de Montmorency ; le comte-évêque de Beauvais)

- chez les nobles, pic de conversion ente les années 50 et 70. Proportion diverse selon les provinces. La Normandie et le Sud-Ouest sont plus touchés. La noblesse donne des chefs militaires à la Réforme. De nombreuses familles sont partagées. Ex : les Montmorency. Anne reste catholique, mais ses neveux Châtillon (Odet et Coligny) passent dans l’autre camp.
2e ex : les Bourbons : Antoine de Bourbon reste finalement catholique mais Louis de Condé se convertit. Le cardinal Charles de Bourbon sera en revanche le roi-marionnette choisi par Guise et sa Ligue.
Les femmes jouent un rôle important dans la conversion des nobles (Jeanne d’Albret, par ex).
Quelques conversions ont une valeur spirituelle sûre (Duplessis-Mornay, Coligny). Pour les autres, l’engagement protestant constitue peut-être une façon de continuer à se battre après l’arrêt des guerres d’Italie ou encore la réponse à l’irritante suprématie des Guise.

- les commerçants sont assez ouverts à la réforme. Quelques officiers royaux et conseillers parlementaires se convertissent également (surtout dans le Midi). On trouve aussi des notaires, avocats, professeurs. Beaucoup d’artisans.

- en revanche, le monde paysan est plutôt rétif. Dans le Sud-Ouest, les paysans suivent souvent la conversion de leur seigneur. Les Vaudois du Lubéron constituent également une notable exception. Mais dans l’ensemble les paysans restent catholique, car la religion traditionnelle répond mieux à leurs attentes. Il y a chez eux un rejet de l’individualisation de la piété et un plus grand attachement aux rites.

Organisation et répartition géographique

1555 : apparition des premières églises dressées (avec une hiérarchie et un culte régulier) Adaptation des idées de Calvin :
- 1er échelon : église avec son pasteur, ses anciens (notables chargés de la surveillance morale) et ses diacres (catéchèse, assistance). Ils se réunissent en consistoire.
- 2e échelon : colloque. Regroupe les pasteurs de plusieurs églises
- 3e échelon : synode provincial (toutes les églises d’une province)
- 4e échelon : synode général. Le premier a lieu en 1559.

Eglises majoritairement présentes au Sud, de La Rochelle au Dauphiné en passant par Toulouse et le Béarn. La Normandie est également bien représentée. Abandon de la clandestinité à la fin des années 1550.

Le temps des guerres civiles

Première partie : Rejet violent du premier essai de tolérance civile (1559 – 1568)

21 – La crise d’Amboise et l’avènement politique des « moyenneurs »

Après le traité de Cateau-Cambrésis, double mariage : la sœur d’Henri II, Marguerite, épouse le duc de Savoie et Elisabeth fille d’Henri et de Catherine épouse Philippe II d’Espagne. Les réjouissances sont de courte durée puisque Henri II est tué dans un tournoi organisé pour la cérémonie. L’auteur involontaire du crime, Montgomery, deviendra un des chefs réformés.

Monopolisation du pouvoir par les Guise

Les réformés considèrent François II comme mineur et réclament des Etats généraux ainsi qu’un gouvernement des princes de sang (Antoine de Bourbon et Condé). Mais les Guise (le duc François et le cardinal Charles de Lorraine), forts de leur position d’oncles de la reine Marie Stuart, s’imposent avec l’accord plus ou moins contraint de Catherine de Médicis.
Les persécutions de protestants se renforcent. Les réformés contestent la légitimité des Guise. Selon eux, le roi, mineur, ne peut déléguer une autorité qu’il n’a pas. Les Guise ne sont pas princes de sang (malgré la qualité de leur mère, Antoinette de Bourbon).
On leur reproche également de gouverner en rois absolus. Ils prennent un certain nombre de mesures impopulaires pour assainir les finances de l’Etat (en faisant toutefois des exceptions pour leurs clients). Ils parviennent même à mécontenter Montmorency, pourtant catholique.
La tyrannie des « étrangers » est dénoncée.
Les réformés souhaitent qu’Antoine de Bourbon demande des Etats généraux mais celui-ci se dérobe. Il souhaite récupérer une partie de la Navarre que lui ont pris les espagnols et espère que les Guise pourront le soutenir auprès de Philippe II. Condé, qui n’est pas le premier prince de sang, ne peut le remplacer sans une action violente qu’il repousse.

Conjuration d’Amboise

Ni Condé, ni Calvin (soucieux d’une intervention légitime pilotée par Antoine de Bourbon), ni Montmorency (pourtant lassé des Guise), ne soutiennent la conjuration. Leur manque de réactivité lasse. Les conjurés se réunissent sous la direction de La Renaudie. Il s’agit essentiellement de réformés de moyenne noblesse et de mercenaires. Ils se réunissent pour la 1ere fois le 1/01/150. Dès le mois de février, les Guise sont avertis de la formation d’un complot sans en connaître l’origine. Le 22 février, la cour s’installe à Amboise. Du 10 eu 17 mars, de nombreux conjurés sont arrêtés sans opposer de résistance. Le 16 mars, le roi accorde son pardon à ceux qui repartent désarmés et promet une audience à des délégués. Cependant, le 17, les plus violents tentent de prendre Amboise. Ils échouent mais effraient la cour. Les principaux chefs sont exécutés, Guise est nommé lieutenant général du royaume. Le 19, La Renaudie est tué.
Les conjurés voulaient surtout se faire entendre du roi, considéré comme prisonnier des Guise. L’attaque du 17 est maladroite car elle renforce le pouvoir de ces derniers. Elle montre la désorganisation et les divisions du mouvement.
1560 : apparition du mot huguenot, déformation d’eidgenossen (conjurés), faction responsable de l’indépendance de Genève. Le mot a donc un rapport avec l’idée de complot.
Vivacité persistante de la haine contre les Guise.

Les « moyenneurs » et l’assemblée de Fontainebleau

« moyenneur » : insulte de Calvin pour désigner les modérés qui cherchent le compromis.
concorde religieuse : unité catholique avec concessions disciplinaires (ex : mariage des prêtres) et/ou doctrinales faites aux protestants
tolérance civile : acceptation de la coexistence des deux religions pour le maintien de la paix
tolérance religieuse : acceptation définitive de la différence religieuse. Cette dernière formule a peu de partisans.

Les moyenneurs sont partisans de la concorde, souvent des humanistes. Parmi eux on trouve Jean de Monluc (évêque de Valence et fin diplomate), Michel de l’Hôpital, le cardinal de Lorraine (plus modéré, donc, que les autres Guise) et Catherine.
Un concile libre pourrait aboutir à un texte d’accord (un « intérim »). Le 21 mars 1560, François II annonce donc la réunion d’un concile.
La concorde a de nombreux ennemis : les intransigeants des deux camps. Parmi eux le pape et Philippe II (espions, pressions). Pour ne pas indisposer Philippe, Catherine doit louvoyer. La tolérance civile est donc dissimulée.
Mai 1560 : édit de Romorantin. Différenciation entre l’hérésie (poursuivie par les tribunaux ecclésiastiques) et la sédition (tribunaux civils). Les protestants discrets ne sont donc plus inquiétés.
En août une assemblée se réunit à Fontainebleau pour tenter d’élaborer le consensus proposable au concile. De plus, les Guise acceptent la réunion d’Etats généraux.

22 – La concorde impossible

Les nouvelles tentatives des conjurés d’Amboise

Condé est fortement soupçonné d’avoir encouragé la conjuration d’Amboise (il la voyait effectivement d’un œil favorable, sans y participer). Les Bourbons, Condé et Antoine, subissent les remontrances des réformés pour n’avoir pas agi contre les Guise. Antoine reste prudent mais Condé s’engage un peu plus pour encourager différents mouvements de sédition en 1560.
François II ordonne une forte répression et ordonne à Antoine d’amener son frère à la cour. Tous deux viennent à Orléans, où se tiennent les Etats généraux. Condé est arrêté (31/10/60) et peut-être condamné à mort (rôle personnel de François II, selon l’auteur). Mais le roi meurt le 5 décembre 1560 (abcès à l’oreille) et son successeur, Charles IX, n’a que 10 ans.

L’avènement politique de Catherine de Médicis

Forte volonté de léguer à ses fils un héritage intact, guidée par son amour maternel et son sens de la dignité royale. Elle veut conserver l’équilibre entre Antoine de Bourbon (oscillant entre les deux camps), les Guise (farouchement catholique) et Montmorency (catholique avec neveux réformés). Dans un premier temps, elle partage le pouvoir avec Antoine de Bourbon, prince de sang naturellement appelé à la régence. Condé est libéré. Puis elle obtient d’Antoine de Bourbon le pouvoir de gouverner seule en lui donnant la charge de lieutenant général du royaume. Les Guise et Montmorency sont frustrés.

Etats généraux d’Orléans (13/12/60 – 31/01/61)

Modalités d’élection des députés (par ordre, choix des électeurs avec un suffrage ouvert aux chefs de famille pour le Tiers-Etat. Les électeurs choisis participent à une assemblée électorale au niveau du chef-lieu. C’est là que sont choisis les députés).
Les ordres siègent séparément. Chacun d’entre eux présente ses cahiers de doléances
Discours d’ouvertures par Michel de l’Hôpital, prônant la concorde et l’abandon de la violence
Codification et enregistrement du travail des Etats généraux
Absence de résolution du problème de la crise financière. Les députés exigent d’être renvoyés devant leurs mandants pour pouvoir les consulter.
Nouvelle réunion à Pontoise (1er-27/08/61) : le clergé, pressé de toutes parts, accepte d’éponger une partie de la dette de l’Etat. En échange, il est autorisé à réunir des « Assemblées du clergé » pour voter des « dons gratuits » à la couronne et veiller aux intérêts du clergé.
Sans consentement des ordres, le roi impose une taxe sur les vins.
Hardiesse politique des Etats généraux : proposition de temple pour les réformés ; demande de réunions périodiques…

Colloque de Poissy (9/09-14/10/61)

Concile réunissant l’Eglise et les réformés. Les moyenneurs se heurtent aux intransigeances des deux camps. Malgré les efforts de Catherine et du cardinal de Lorraine, c’est un échec. Il reste deux options : la guerre ou la tolérance civile. Catherine choisit la seconde option.

23 – La montée des intransigeances

L’élan triomphant des réformés

Croissance du nombre de réformés. Ils abandonnent progressivement leur clandestinité, bénéficiant de la protection des grands (Coligny, Condé). Jeanne d’Albret instaure officiellement le culte réformé en Béarn (19/07/61). En 1569, elle interdit le culte catholique. Dans leur élan, les réformés rêvent de convertir tout le royaume.
Influence de leurs représentants auprès du roi.
La question de l’obéissance aux édits royaux et au roi lui-même, en cas de loi ou comportement impies, commence à se poser, alors que le calvinisme originel désapprouve la désobéissance.
Les nombreuses conversions de nobles facilitent l’organisation militaire du mouvement.

Déferlement de l’iconoclasme huguenot

1560, Haute-Provence : première vague massive d’iconoclasme. Auparavant, on assistait seulement à quelques actes isolés, puis en petits groupes à partir de 1555. Les destructions se limitent d’abord au Midi. Après 1562 (prise d’armes de Condé), elles s’étendent aux pays de la Loire, Normandie, Angoumois, accompagnant la conquête des villes.
Les vagues d’iconoclasme suivante (1567-70, puis mouvements chroniques jusqu’en 1585) n’ont pas la même ampleur.
Les notables participent activement aux destructions. L’iconoclasme populaire est festif, provocateur, accompagné de pillages. Les notables procèdent avec plus de dignité. Le renversement des idoles est organisé : on dresse des inventaires, on tient une comptabilité. La vente des objets sert à financer la cause. Souci omniprésent de canaliser les troubles à l’ordre social.
Sens de l’iconoclasme : outre l’anticléricalisme et la cupidité des plus pauvres, l’iconoclasme a un sens religieux. Luther trouve aux images un intérêt pédagogique mais Calvin les critique. Crainte de l’idolâtrie. Il s’agit d’un geste de rupture, un façon de proclament l’imposture catholique. Dieu n’est ni dans le pain ni dans les statues. Les briser n’est pas sacrilège.

Mobilisation catholique

L’iconoclasme mobilise plus encore les catholiques. Des prêches apocalyptiques assimilent Calvin à l’antéchrist. Premiers massacres de réformés. Ferveur pénitentielle et expiatoire. Apparition des premières ligues et associations.
Formation d’un triumvirat (avril 1561) entre Anne de Montmorency, François de Guise et Jacques d’Albon de Saint André. Union pour la défense de la religion catholique. Apparition de la notion d’obéissance conditionnelle au roi (s’il reste fidèle au catholicisme). C’est une réaction à la faveur dont Coligny jouit auprès du roi.

24 – Le pari risqué de la tolérance civile et le déclenchement de la guerre

« Tolérer ce scandale pour en éviter un plus grand »

(Etienne Pasquier)

Tolérance couverte et parfois incohérente depuis 1560. Après l’échec du colloque de Poissy, volonté de passer à une tolérance ouverte. François de Guise quitte la cour avec toute sa famille et 700 cavaliers (août 1561) pour ne pas cautionner cette politique. Montmorency se retire également.

Assemblée de Saint Germain (janvier 1562) : Michel de l’Hôpital prône de faire la distinction entre temporel et spirituel pour favoriser la tolérance civile. L’ « édit de janvier » permet le culte réformé de jour, sans armes et en dehors de la ville.
Accueil des réformés, qui ne peuvent avoir de temples, est mitigé. Opposition catholique. Le Parlement accepte difficilement l’enregistrement de l’édit. Les catholiques partisans de la répression contestent le monopole royal de la violence légitime. Beaucoup de moyenneurs persistent à soutenir l’idée de concorde car ils pensent que la tolérance civile ne pourra éviter l’affrontement entre les deux religions.
Le pouvoir royal est trop faible pour défendre cette idée.

Le prévisible accident de Wassy

Antoine de Bourbon, sous l’effet des promesses espagnoles (compensation pour la perte d’un partie de la Navarre) ou d’un élément de l’escadron volant de Catherine (selon Jean Orieux), choisit le camp royal.
Coligny quitte la cour et Guise y revient. Avant son retour, Guise rencontre le duc de Wurtemberg. Selon les protestants, il aurait cherché l’appui ou la neutralité des princes allemands avant le déclenchement de la guerre civile à Wassy. Il est possible qu’il s’agisse plutôt d’une ultime tentative de conciliation organisée par le cardinal de Lorraine.

A Wassy, à côté de Joinville, résidence des Guise, importante communauté protestante. Antoinette de Bourbon, la mère de François, voudrait que son fils rétablisse l’ordre mais celui-ci s’y refuse. Le1er mars 1562, le duc s’arrête à l’église de Wassy avec son frère, le cardinal de Guise et sa femme, Anne d’Este. Une assemblée huguenote se tient à l’intérieur des remparts (contrairement à l’édit de Janvier). Les émissaires du duc, puis le duc lui-même sont accueillis à jets de pierre lorsqu’ils s’approchent. Furieux, les catholiques attaquent et massacres les protestants désarmés. 25 à 30 morts. Guise n’a pas retenu ses troupes. Les Parisiens lui réservent ensuite une entrée triomphale. Pour les protestants, c’est le début de la guerre civile.

Coup de force catholique et prise d’armes de Condé

Guise et son camp organise la sécurité de Paris, engendrant les protestations puis le départ de Condé et de son armée. Le 27 mars 1962, Guise et ses troupes contraignent le roi et Catherine à quitter Fontainebleau pour revenir à Paris.

2 avril 1562 : Condé prend Orléans (pour les catholiques, c’est cet événement qui marque le début de la guerre). Il considère le roi comme prisonnier. Les catholiques ont la caution physique du roi. Les réformés tentent d’avoir sa caution morale. Condé réaffirme la légitimité de l’édit de Janvier et l’illégitimité du triumvirat.
Catherine n’accepte pas la prise d’Orléans (et d’autres villes) par un prince de sang. Cette atteinte à l’autorité royale lui semble plus grave que Wassy. Le camp royal proclame qu’il n’et pas prisonnier et se range du côté catholique.

25 – La première guerre civile (printemps 62 – printemps 63)

L’affrontement

Raz-de-marée huguenot : villes prises ou converties dans le Dauphiné, le Languedoc, le Rouergue, les Cévennes, l’Angoumois, le Poitou, la Normandie et quelques villes dans la vallée de la Loire. Résistance de Toulouse et des endroits où des ligues catholiques s’étaient organisées.
Les victoires protestantes sont fragiles dans la moitié nord. Condé fait appel aux princes allemands et à Elisabeth Iere, à laquelle il livre Le Havre comme gage, dans l’intention de l’échanger ensuite contre Calais.

Les triumvirs et Antoine de Bourbon font appel à Philippe II. Antoine meurt en faisant le siège de Rouen mais la ville est prise.
Bataille de Dreux entre Condé (qui tente une jonction avec les secours anglais) et Montmorency (1er affrontement rangé). Défaite protestante. Mais l’un des triumvirs (Jacques d’Albon de Saint André) est tué et Montmorency est fait prisonnier. Condé est également fait prisonnier par Guise, qui le traite avec considération.

Guise tente de reconquérir Orléans lorsqu’il est assassiné par Poltrot de Méré (blessé le 18 février, il meurt le 24). S’agit-il d’une vengeance personnelle (Poltrot est parent de la La Renaudie) ? de l’élimination d’un homme qui passe pour un obstacle à la paix dont les protestants ont besoin pour reconstituer leurs forces ? Coligny a-t-il ordonné l’assassinat, comme l’en accuse Poltrot (dans l’espoir, peut-être, de voir sa peine allégée) ? Il le nie mais a tout de même employé Poltrot comme espion. Pour les Guise, sa culpabilité ne fait aucun doute. Ils doivent cependant se contenter, dans un premier temps, de l’écartèlement de Poltrot.

Edit d’Amboise (19 mars 1563) : tolérance civile plus limitée que celle de l’édit de Janvier. Culte autorisé dans une ville par baillage. Interdiction à Paris. Droit de culte des seigneurs dans leurs maisons.
Condé participe auprès du roi à la reprise du Havre.

Les modalités de la violence

Formation de l’armée huguenote par le biais de réseaux d’amitié et de volontaires. Financement par la confiscation des biens catholiques.
Massacres réciproques. Massacres perpétrés par les catholiques à Sens et à Tours. Mutilation des cadavres. Les enfants participent à cette colère « divine ». Les excès commis par les soldats touchent tantôt les catholiques, tantôt les réformés. Blaise de Monluc (catho) et le baron des Adrets (protestants) se distinguent par leur férocité. Le second passe dans le camp catholique après 1563.
Quelques écrivains engagent leur plume (Ronsard pour les catholiques, Sébastien Castellion pour la tolérance religieuse).

Ebranlement de l’autorité monarchique

Tentation du tyrannicide chez les huguenots. Les chefs redoutent le désordre mais ont du mal à canaliser leurs troupes. Discrédit naissant de la monarchie. Plusieurs sacrilèges sont commis envers la royauté lors de la prise de certaines villes.
Grèves fiscales (elles aussi rejetés par les pasteurs).
Organisation politique des huguenots languedociens pendant la guerre. Leur système reste soumis à la couronne mais pas nécessairement à la personne du roi. Sorte de monarchie confédérale organisée en « pays ».

26 – L’effort de restauration de l’autorité monarchique

Catherine de Médicis et Michel de l’Hôpital

Catherine est détestée par les catholiques à partir de 1562 et par les protestants à partir de 1565. Caractéristiques : un optimisme qui refait vite surface, capacité à louvoyer. Consciente de sa position de faiblesse, elle cherche avant tout à conserver l’intégrité du royaume et l’autorité royale. Dans le domaine religieux, elle recherche la concorde. Personnellement, elle a un goût marqué pour l’astrologie. Elle multiplie les voyages et les correspondances pour obtenir la conciliation entre les partis. Son rôle au Conseil est important. Elle est la première à ouvrir les courriers et contrôle les lettres du roi.

Le chancelier Michel de l’Hôpital rêve de concorde plus que de tolérance religieuse. Son entourage est plutôt réformé mais il doit sa promotion au cardinal de Lorraine. Gallican. Il est obligé d’adopter un style autoritaire (face au Parlement, par exemple). En 1568, Catherine ne pourra plus le défendre contre la montée des catholiques intransigeants qui ne le supportent pas.

Proclamation de la majorité du roi

Difficultés pour déterminer l’âge de la majorité d’après une ordonnance ambiguë de Charles V. Le 17 août 1963, Charles IX est déclaré majeur devant le parlement de Rouen, par un lit de justice. Il a alors 13 ans. Réaffirmation par le chancelier du monopole royal sur le pouvoir législatif et du rôle strictement judiciaire des parlements. Protestations (vaines) des parlementaires parisiens.

Le tour de France royal (1564-66)

Volonté de contrôler l’application de l’édit d’Amboise et de montrer le roi à ses sujets pour rétablir l’autorité royale. Enorme cortège (15 000 personnes). Entrevue de Bayonne entre Catherine et sa fille Elisabeth, venue en remplacement de son mari Philippe II, accompagnée du duc d’Albe. Exigences très fortes de ce dernier, auxquelles Catherine ne cède pas. L’entrevue fait cependant peur aux huguenots qui y voient un début de collaboration hostile.
Traité de Troyes avec l’Angleterre : retour définitif de Calais à la France (1564) [Calais sera cependant repris par les espagnols, traité de Vervins avec Henri IV, en 1598].
Reprise en main des parlements et des villes. Catherine essaie de créer des clientèles. Le roi tente d’affermie son autorité par la multiplication de serments de fidélité. Rôle fédérateur des fêtes et des entrées.
Souci d’enracinement dynastique. Catherine rebaptise deux de ses enfants : le futur Henri III (né Alexandre) et le cadet, Hercule, rebaptisé François (vu son physique, c’était judicieux !).

Les mesures prises

Ordonnance de Moulins (1566) : les parlements ne peuvent plus refuser l’enregistrement et l’application des ordonnances (en théorie).
Edit de Paris (1564) : fixation du début de l’année au 1er janvier et plus à Pâques.
Aliénation d’une partie des biens du clergé pour renflouer les caisses, avec l’aval a posteriori du pape. Recours fréquent à cet expédient.
Constructions : chapelle des Valois à Saint Denis - travaux aux Tuileries

27 – Difficile coexistence et rechute dans la guerre

Réaction de rejet chez les catholiques

Commissaires royaux sont en province envoyés pour faire appliquer l’édit d’Amboise et rencontrent de nombreuses difficultés. Les parlements ratifient l’édit avec réticence.
Violentes prédications catholiques. De nouvelles ligues se forment, dont certaines sont fortement structurées. Charles IX commence par les interdire avant de les unifier sous sa direction.
Incident : les Guise (dont le cardinal de Lorraine, revenu du concile de Trente converti en catholique intransigeant) se voient interdire de pénétrer armés dans Paris par le gouverneur François de Montmorency (fils d’Anne). Scandale.

Réforme et contre-réforme de l’Eglise catholique

Le concile de Trente ne travaille pas à une conciliation avec les réformés, comme l’aurait voulu Catherine de Médicis, mais à définir les dogmes catholiques, en répondant aux points contestés par les protestants.
Le cardinale de Lorraine veut l’application par la France des décrets conciliaires. Or la réception des décrets est incompatible avec l’édit d’Amboise. Ils ne sont donc pas adoptés.
L’esprit de Trente se répand malgré tout grâce aux jésuites, pourtant mal tolérés par les gallicans en raison de leur obéissance directe au Pape) et par l’Université (à cause de leurs collèges qui font concurrence).

Les débats et les craintes des réformés

Querelles internes des réformés. Jean Morély conteste l’organisation des églises en demandant un plus grand pouvoir pour l’assemblée des fidèles (dont sont exclus, entre autres, femmes et enfants). Opposition avec le pouvoir de Genève, incarné par Théodore de Bèze depuis la mort de Calvin. Morely est excommunié et s’exile en Angleterre.
Incidents entre catholiques et protestants. Certains réformés reviennent au catholicisme par peur.
Catherine lève une armée pour assurer la protection de la frontière nord tandis que Philippe II combat aux Pays-Bas. Elle conserve cette armée le danger passé, suscitant la méfiance des réformés.

La 2e guerre civile (septembre 1567 – mars 1668)

Influence du cardinal de Lorraine sur le futur Henri d’Anjou. Crainte d’une vengeance des Guise pour l’assassinat de François. Ces éléments poussent Condé à agir. Il tente de s’emparer de la personne du roi (comme les Guise l’avaient fait la fois précédente), sans y parvenir. Échec catastrophique.
Début de la 2e guerre. Pour délivrer Paris du siège huguenot, Anne de Montmorency tente une sortie. C’est la bataille de Saint-Denis, au cours de laquelle il trouve la mort. Le commandement de l’armée passe à Henri d’Anjou.
Les négociations aboutissent à la paix de Longjumeau (23 mars 1568). L’édit d’Amboise est rétabli.
Les catholiques intransigeants provoquent la chute de Michel de l’Hôpital.

Deuxième partie : Internationalisation et politisation des enjeux (1568 – 1577)

28 – Les huguenots et les gueux ; la 3e guerre (1568 – 1570)

Révolte des Pays-Bas et exécutions de 1568

Les Pays-Bas tombent en 1555 dans l’héritage de Philipe II. Ils sont formés de 17 provinces formant une sorte d’Etat confédéral avec des chartes limitants les pouvoirs des souverains. Philippe II bouscule ces principes pour asseoir son autorité et extirper l’hérésie. De plus, il paraît bien lointain à ses nouveaux sujets.
Les premiers à opposer une résistance sont des nobles. Ils viennent présenter une charte à la gouvernante des Pays-Bas Marguerite de Parme (demi-sœur du roi). Traités de gueux, ils font de l’insulte un cri de ralliement. Leur action est suivie d’une vague d’iconoclasme.
Philippe II envoie le duc d’Albe pour organiser la répression. 12 000 hommes sont jugés (dont 9000 absents), 1000 sont suppliciés, dont quelques chefs pourtant catholiques, alors même que Philippe II présente cette répression politique comme une lutte contre l’hérésie.
Les réformés français se sentent menacés, craignant une alliance qui aurait été conclu entre Catherine et Albe à Bayonne.

L’alliance des huguenots et des gueux

Dilemme français (qui perdurera jusqu’à Richelieu) : faut-il soutenir les Pays-Bas pour nuire aux Espagnols, au risque de se heurter à leur redoutable armée et à la contestation des catholiques français qui pourraient l’interpréter comme un soutien aux protestants
En 1568, Catherine craint l’Espagne. Elle empêche donc les réformés de porter secours aux gueux. Ils se forment cependant une alliance entre les réformés et les gueux, qui provoquera l’intervention de Guillaume d’Orange lors de la 3e guerre.
Dans le même temps, Philippe II presse Catherine d’en finir avec les réformés. Les Guise veulent que la France affronte l’Angleterre pour délivrer Marie Stuart, prisonnière d’Elisabeth. De même, le pape Pie V tente de faire pression sur la monarchie française. Enfin, malgré leur interdiction, les ligues catholiques renaissent. Le roi prend à nouveau la tête du mouvement pour tenter de le canaliser.

La troisième guerre civile (août 1568 – août 1570)

Condé et Coligny, dénonçant une tentative d’attentat contre eux, fuient et se réfugient à La Rochelle. Pas de méfiance directe envers le roi mais crainte vis-à-vis de son entourage. Cette fuite marque le début de la troisième guerre civile. La Rochelle devient le quartier général des protestants. Radicalisation des deux camps :
- publication d’édits royaux interdisant le culte et privant les réformés de leurs charges.
- réclamation par les protestants d’Etats généraux. Contestation de l’autorité royale telle qu’elle est exercée (pas en elle-même). Avertissements lancés à Charles IX (encore bien considéré). Dénonciation du pouvoir absolu.

Chacun des deux camps a recours à des aides étrangères, financières ou en hommes.
13 mars 69 : bataille de Jarnac. Condé, blessé, est assassiné par un homme d’Henri d’Anjou. C’est à lui qu’est attribué le mérite de cette défaite protestante, malgré le rôle prépondérant de Tavannes. Cela joue pour beaucoup dans l’image positive dont il va bénéficier dans un premier temps. En 69, les réformés perdent un autre chef, d’Andelot.
25 juin 69 : bataille de La Roche-Abeille : victoire protestante suivie de massacres.
3 octobre 69 : Montoncour. Deuxième victoire attribuée à Henri d’Anjou, suivie de massacres. Cycle de représailles.
Coligny entreprend une marche dévastatrice dans le Midi, mollement poursuivi par Damville (un Montmorency, pourtant ancien catholique intransigeant).

Les partisans de la modération opèrent un retour. Début des négociations en 69. Les Guise sont disgraciés (frasques de Margot avec le bel Henri).
Edit de Saint Germain (8 août 1570) : les réformés obtiennent quatre places de sûreté pour 2 ans : La Rochelle, Cognac, La Charité et Montauban (cf. téléfilm Saint Germain ou la négociation, Gérard Corbiau). Culte autorisé sous conditions. Les protestants récupèrent les charges confisquées. Les négociations, menées pour le camp royal par le boiteux Biron et Henri de Malassise, aboutissent à une paix qualifiée en conséquence de « boiteuse et mal assise ». Dialogue empoisonné par les soupçons réciproques.

29 – Le retour à la tolérance civile et son sabotage (1570 – 1573)

L’apparente victoire de la paix civile

La paix dure deux ans. Les modérés sont de retour au pouvoir, avec François de Montmorency comme figure de proue. La France cherche à échapper à l’ingérence espagnole en nouant des alliances avec des protestants. Projets de mariage entre Margot et Henri de Navarre ainsi qu’entre Henri d’Anjou et Elisabeth I. Soit par dégoût vis-à-vis de la fiancée, soit en raison des pressions catholiques, Henri d’Anjou renonce à ce mariage. On propose alors à la reine d’Angleterre François d’Alençon (sa grenouille). A cela s’ajoutent de multiples traités de paix avec les princes allemands.
Charles IX épouse Elisabeth d’Autriche, fille de l’empereur Maximilien II de Habsbourg. Il reprend à son compte la politique des modérés (jalousie envers Henri, devenu le héros des catholiques durant la dernière guerre. Néanmoins Coligny ne reste pas à la cour, où il ne reparaît qu’en 1572. Il n’a donc guère le temps d’exercer sur Charles IX l’influence qu’on lui prête généralement.
Tentative d’apaisement des esprits par l’art et la littérature. Ballets, spectacles. Rôle important de Catherine dans ces créations.

Orange et Nassau soulèvent les Pays-bas et réclament l’aide de Coligny (en échange de l’aide fournie dans la précédente guerre civile). Coligny tente d’entraîner la cour. Mais Charles IX refuse d’entrer dans un conflit ouvert avec l’Espagne. Dans un premier temps, il accepte de fournir une aide en sous-main mais y renonce lorsque les huguenots tentent de se réclamer ouvertement de lui. Coligny envisage alors une action privée (avec l’assentiment secret du roi).

Les catholiques, de leur côté, sont mécontents de la paix de Saint-Germain. Ils acceptent mal que le pouvoir emploie la force (contre eux) pour faire respecter l’édit. Mécontentement du Parlement et de la milice parisienne. Fortes pressions espagnoles, relayées par les Guise, leurs clients et leurs parents (le cardinal de Lorraine tente d’empêcher le pape de donner sa dispense pour le mariage de Margot et Navarre).

La Saint-Barthélémy

18 août 1572 : mariage de Margot et de Navarre sans dispense papale. Climat lourd. Le marié n’assiste pas à la messe. Les parisiens sont scandalisés parce mariage. Le contexte économique et climatique est mauvais (hausse des prix du blé, chaleur écrasante).

22 août : tentative d’assassinat de Coligny par Maurevert, qui tire d’une maison appartenant à un proche des Guise. Catherine n’a probablement aucune responsabilité dans cet assassinat (forte volonté de conciliation). Les Guise sont-ils poussés à agir par l’Espagne. S’agit-il d’une simple vendetta ? Les réformés prennent peur, malgré les promesses du roi de faire justice.

Revirement royal : Charles IX et Catherine (l’un poussé par l’autre, selon Orieux) prennent la décision d’éliminer les chefs protestants les plus dangereux, dont Coligny. Plusieurs thèses expliquent cette décision :
- Charles IX cède aux pressions des Guise et de l’Espagne par crainte d’une guerre
- il craint une sédition protestante
Le roi utilise a posteriori les deux explications (d’abord la première puis la seconde, qui devient la thèse officielle). Les deux ont probablement influencé la décision.

Les assassinats limités (nuit du 23 au 24) dégénèrent en tuerie générale. Pour certains historiens, il s’agit d’une fureur sacrée des parisiens qui veulent tout purifier par le sang. Pour d’autres, cette boucherie est contrôlée par les Guise et le Parlement : il s’agit d’une fronde contre le roi, avec dans ce cadre une action méthodique des bourgeois de la capitale. Lorsque le roi ordonne l’arrêt du massacre le 24, il n’est pas obéi. Philippe II et le pape se réjouissent de cette brillante initiative. La Saint-Barthélémy se répand en province.

La quatrième guerre civile (octobre 1572 – juillet 1573)

Résistance des huguenots qui s’organisent dans le Midi malgré la mort de leurs chefs.
Siège de la Rochelle. Approvisionnement de la ville par la mer (piratage des navires espagnols). Plusieurs protestants participent au siège dans les rangs de l’armée royale (notamment Navarre et Henri de Condé, contraints d’abjurer à la Saint-Barthélémy). Ils se rapprochent de François d’Alençon.
Le siège est meurtrier et difficile. Le roi est incapable de le financer pendant plus d’un an.
D’autre part, grâce à l’habileté de Monluc, qui a dû batailler pour faire avaler la version officielle de la Saint-Barthélémy, Henri d’Anjou obtient la couronne de Pologne. Il doit donc partir pour son royaume, ce qui rend la négociation incontournable.
Autres sièges marquants durant cette guerre : Sancerre et Sommières (Languedoc)

Edit de Boulogne (11 juillet 1573) : liberté de conscience pour les protestants assortie de fortes limitations de la liberté de culte (sauf à La Rochelle, Montauban et Nîmes). Le Midi protestant accepte difficilement cette paix.

30 – Le combat des monarchomaques pour la souveraineté du peuple

Les traités des monarchomaques

Monarchomaques est un surnom donné à ces théoriciens par les ennemis.

François Hotman : auteur de Francogallia, paru en 1573 avec un succès immédiat. Il considère que le gouvernement de la France suit une évolution négative. Après avoir abattu la tyrannie romaine, les francs-gaulois tenaient des assemblée générales pour élire et contrôler le roi. Admiration pour ce modèle. Rejet de l’influence italienne (des italiens de la cour, de Machiavel, de l’ultramontanisme).

Théodore de Bèze : auteur du Droit des magistrats sur les sujets, également paru en 1973.

Plusieurs autres traités, dont De la puissance légitime du Prince sur le peuple, et du peuple sur le Prince (probablement écrit par Duplessis-Mornay)

L’ennemie, la puissance absolue

Selon tous ces auteurs, il y a peu de distance entre la puissance absolue et la tyrannie. Un pouvoir trop personnel est lié à l’humeur du souverain. Ils reprochent au roi sa dissimulation machiavélique et l’instabilité de ses décisions. Ils insistent sur la distinction entre le roi et la Couronne et jugent le conseil du roi trop étroit. Pour eux les lois du royaume ne doivent pas être les lois du seul roi : elles doivent être conçues par plusieurs conseillers.

Le remède : le retour à la monarchie originelle

Les monarchomaques ont une idée assez partisane d’une monarchie originelle, qui aurait disparu sous Louis XI. Ils défendent l’idée d’une souveraineté du peuple, le peuple n’étant pas le petit peuple mais une communauté organisée qui s’exprime à travers les Etats généraux. Les monarchomaques ne sont pas des démocrates. Le rôle des assemblées est d’élire le roi et de faire les lois (entre autres).
Il y a un contrat entre le peuple et le roi. Le second veille au profit du premier tandis que le premier obéit au second. Le peuple peut désobéir si le roi ne remplit pas ce contrat.

La résistance au tyran

Plusieurs types de tyran :
- tyrans d’usurpation : personne parvenue illégalement au pouvoir. Certains rangent Catherine dans cette catégorie.
- tyrans d’exercice : accès légitime au pouvoir mais exercice tyrannique.

Existence d’une « théorie de la réduction automatique du tyran à l’état de personne privée », que tout le monde peut alors tuer, en cas d’impiété de celui-ci. Les monarchomaques considèrent cette théorie comme dangereuse. Ils se méfient des dérapages possibles et des illuminés qui pourraient se croire envoyés par Dieu pour tuer le roi.
Pour eux, la résistance légale passe par la médiation de personne ayant une autorité (magistrats, nobles, qui ont une autorité du fait même de leur noblesse). Résistance justifiée en cas d’infraction aux lois divines mais aussi aux lois fondamentales du royaume.

Si le roi résiste aux avertissement, possibilité de sédition juste (ex de la guerre du Bien public menée contre Louis XI). Certains préfèrent les termes de « guerre juste » à celui de sédition, trop tendancieux.

31 – L’union des Malcontents contre la tyrannie : la 5e guerre (1574 – 1576)

Le malcontentement nobiliaire

Problème de l’inégal accès aux honneurs distribués par le roi. Le jeune âge de François II et Charles IX ne donne pas confiance dans leurs arbitrages. Les guerres de religion entraînent des mouvements rapides de grâce – disgrâce.
D’autre part, certaines décorations perdent de la valeur – comme le collier de l’ordre de saint Michel – car elles sont trop distribuées.
Une partie des offices est également distribuée sans l’entremise des grands seigneurs, ce qui ne leur permet pas d’entretenir leur clientèle propre.

Opposition entre deux noblesses : celle qui exerce le service civil du roi et celle qui reste consacré au service militaire. La première catégorie s’accroît. Beaucoup ne comprennent pas que la compétence acquise soit préférée à la noblesse innée. On reproche au roi les faveurs données à des gens qui n’ont pas combattu. L’héroïsme est exalté, plus encore s’il est suscité par un motif futile (duels). Les hommes d’action affectent d’être ignorants pour se distinguer des hommes de plume. Ils cherchent à reconnaître leurs ancêtres parmi des francs guerriers.
Division des familles nobles par les choix religieux. Beaucoup éprouvent de la lassitude à combattre leurs frères et amis.

La prise d’armes des Malcontents

Avec le départ d’Henri III pour la Pologne, Alençon se met à rêver de couronne. Il est entouré de modérés, qui considèrent comme un modèle les Polonais venus chercher Henri III. François de Montmorency est de retour au conseil (il l’avait quitté juste avant la Saint-Barthélemy). Alençon est nommé à la tête de ce dernier. On lui confie aussi le commandement des armées.

Cependant, Catherine et le roi restent méfiants à son égard (il est en quelque sorte prisonnier à la cour avec Navarre). Sous la pression des catholiques intransigeants, François de Montmorency doit à nouveau quitter le conseil, ce qui mécontente réformés et modérés.
Plusieurs soulèvements dans les provinces : Montgomery prépare un débarquement en Normandie ; en Languedoc, Damville passe dans le camp des révoltés.

Conjurations à la cour pour faire évader Navarre et Alençon. Le roi pardonne la première tentative mais pas la seconde, faisant arrêter La Molle et Coconnat (deux gentilshommes d’Alençon et de sa sœur), ainsi que François de Montmorency, qui n’y est pourtant pour rien. Les deux premiers sont exécutés. Cette démarche rassure l’Espagne, qui craint les visées du parti modéré sur les Pays-Bas.

Damville (frère de François de Montmorency) s’allie aux huguenots, tout en restant pour sa part catholique. Il veut ainsi protéger sa maison. Il est de plus persuadé de la nécessité de cohabiter avec les protestants.

Charles IX meurt le 30 mai 1574. Evasion rocambolesque d’Henri III qui échappe aux Polonais et revient en France après un passage de plusieurs mois par l’Italie. Henri de Condé, Alençon et Navarre s’échappent tour à tour de la cour.

Les justifications de la prise d’armes

Thèse d’un complot contre la noblesse, ourdi par les Italiens de la cour. Les Malcontents plaident pour une souveraineté partagée, une monarchie mixte laissant plus de place aux Etats généraux (sans leur donner autant d’importance que les monarchomaques) et au Conseil (composé de tous les grands lignages, et pas d’un seul). Le roi validerait les décisions collectivement prises.

Dans le Midi : un combat pour une structure fédérale

Consolidation des états provinciaux. Création de Provinces-Unies du Midi, qui se veulent incluses dans le royaume. Structure confédérale. Appel à la coexistence des religions au sein de ces structures.

La fin de la guerre et la victoire des Malcontents

Henri III est sacré le 13 février 1575 et épouse Louise de Vaudémont, parente des Guise.
Alençon réussit à réunir tout le monde sur son nom. Henri III cède à cette pression. Il signe la « paix de Monsieur » (édit de Beaulieu). Le culte réformé est permis partout sauf à Paris. Les Etats généraux sont convoqués. Distribution de terre entre les grands seigneurs (Alençon devient duc d’Anjou).

32 – La rapide désintégration des conquêtes des Malcontents

Les prodromes d’une ligue unifiée

Réaction catholique à l’édit de Beaulieu. Angoulême, Péronne et Bourges, qui devaient être remises au duc d’Anjou et à Condé refusent de se soumettre. Péronne devient un centre actif des ligueurs. Les ligueurs plébiscitent déjà Henri de Guise, qui a reçu sa balafre à Dormans, sa 1ere grande victoire. Les Guise restent encore prudents mais encouragent la thèse selon laquelle ils descendent des carolingiens.
Apparition de manifestes ligueurs, dont certains sont politiquement assez hardis.
En 1576, Henri III se proclame chef de la ligue pour la canaliser.

Les Etats généraux de Blois (décembre 1576 – mars 1577)

Les manœuvres de la ligue lui donnent beaucoup d’élus. Les élections de réformés sont rares. Division des Malcontents en raison de la réconciliation entre Henri III et Anjou. Globalement, Malcontents et réformés ne reconnaissent pas la validité de ces Etats.
Revendications multiples et hardies des députés : demande de l’instauration d’une monarchie mixte, d’un Conseil élargi, d’une meilleure prise en compte des décisions des Etats…
Cependant, des divisions apparaissent sur l’opportunité de diminuer la souveraineté royale. La thèse de l’inviolabilité des lois promulguées par les Etats effraie certains députés qui craignent une utilisation catholique de ce principe pour anéantir la tolérance civile. Du fait de ces interrogations, les résultats politiques de Blois.
Désaccord entre Henri III et les Etats sur les questions fiscales. Les seconds refusent, malgré les pressions et la corruption, d’accorder des subsides au roi pour faire la guerre. Il n’obtient qu’un petit budget.

La 6e guerre (décembre 1576 – septembre 1577)

La domination des Etats par les catholiques provoque une prise d’armes des protestants, pourtant affaiblis par la défection d’Anjou, à qui Henri III confie le commandement (théorique) de l’armée royale.
Les officiers royaux saccagent Issoire et La Charité après le siège.
Damville rompt également avec les réformés.
Henri III, désargenté, doit arrêter rapidement la guerre, malgré son relatif succès.
Paix de Bergerac (17 septembre 1577) et édit de Poitiers. Le culte réformé est autorisé de façon plus restreinte que dans l’édit de Beaulieu. Les huguenots obtiennent huit places de sûreté pendant six ans. Les ligues sont interdites. Texte modéré.

33 – Les réactions de défense de la souveraineté royale

La lente conversion des Politiques à un pouvoir fort

Un « Politique » désigne un homme qui connaît l’art de gouverner. A partir de 1560, le mot devient péjoratif, proche d’athée. En fait, les Politiques sont des hommes qui ont une approche politique et non confessionnelle des problèmes.
Précision après la Saint-Barthélemy : distinction entre les Malcontents (nobles voulant recouvrer leur influence) et Politiques (juristes).
Au début, les Politiques ont de la sympathie pour l’idée de monarchie mixte. Mais devant la guerre civile et ses horreurs, ils se résignent à lui préférer un pouvoir fort. Désapprobation du désordre et rejet de l’idée d’un devoir de révolte. Souci du respect de l’autorité royale.

La gestation de la notion d’Etat

Apparition de la notion de raison d’Etat (qui ne prendre ce nom qu’en 1589) pour justifier des sanctions sévères et immédiates (sans attendre une enquête). Influence de machiavel, qui scandalise par la séparation qu’il opère entre la politique et le religieux/moral.

Définition de la souveraineté par jean Bodin

Une des œuvres principales : les Six Livres de la République (1576)
Jean Bodin (vers 1529 – 1596) est un homme de loi qui n’est pas parvenu à de hautes charges. Son parcours religieux est chaotique : religieux défroqué, il passe à la Réforme, puis à la Ligue. Il sert le duc d’Alençon de 1580 à 1584.
Sa définition de la souveraineté : « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République » (par république, il entend le gouvernement). La puissance souveraine ne peut être conditionnelle, ni soumise aux lois humaines. Ses seules limites sont les lois divines et naturelles (par ex, la loi salique, l’inaliénabilité du domaine royal… : un corpus constitutionnel réduit et clos).
Le rôle des Etats généraux est consultatif. Cependant, l’impôt nécessite l’accord des sujets, sauf nécessité urgente (sur ce point, Bodin reste assez traditionnel).
Globalement, il rend l’idée de monarchie absolue moins péjorative en l’éloignant de l’idée de tyrannie.
Il refuse de la monarchie mixte mais prône une juste répartition des charges selon la « justice harmonique », c’est-à-dire en s’assurant de la complémentarité des personnes au pouvoir – tous les vices et toutes les vertus - chacun ayant son utilité. Bodin est un des fondateurs de la science politique.

34 – Heurts et malheurs des temps

La hausse des prix

Dès années 1560 apparaît une inquiétude relative à la hausse de prix. Elle commence en fait avant 1520 et est particulièrement marquée pour les produits agricoles. Un rapport d’un maître des comptes attribue la huasse à la dépréciation de la livre tournois. Néanmoins, la hausse n’est pas uniquement nominale. Jean Bodin invoque quant à lui l’augmentation de la masse monétaire et la croissance de la population. Il faut aussi tenir compte d’un enchaînement de mauvaises récoltes pendant la seconde moitié du siècle.

Les vicissitudes de l’économie

La hausse des prix défavorise les manufacturiers car la somme qu’ils doivent consacrer à nourrir la main-d’œuvre augmente.
Vive concurrence des drapiers anglais, des soieries italiennes. Peu de protectionnisme royal. Le pastel est concurrencé par l’indigo américain.
La guerre aggrave tout (reîtres en Champagne), d’autant qu’elle s’accompagne d’épidémies de peste.
Les villes portuaires s’en sortent mieux. Les foires des villes de l’intérieur (Lyon, par ex) sont plus durement touchées.

Les transformations de la société

Hausse des prélèvements fiscaux.
Les gros propriétaires et fermiers s’enrichissent grâce à la hausse des prix (ils vendent leurs excédents à de petits paysans), ainsi que certains intermédiaires. Recherche de placements sûrs : rente, offices, terres. Les investissements productifs sont délaissés. Attrait des offices : salaire, considération et avantages liés aux postes. Les édits de survivance de 1568 consolident l’hérédité des charges.
Mise en circulation de terres par l’aliénation des biens du clergé. Elles sont achetées par les nobles et les grands bourgeois.
Attitudes des gentilshommes : les gros propriétaires font fortune. Les petits éprouvent de grandes difficultés. Certains profitent de la guerre pour piller et rançonner les voyageurs. D’autres se targuent de leur expérience guerrière pour réclamer l’anoblissement.

Troisième partie : La reconstruction monarchique au péril de la Ligue (1577 – 1598)

35 – La reprise en main du royaume par Henri III (1577 – 1584)

L’affermissement de l’autorité royale

Henri III se distingue par sa beauté et sa majesté. Il fait preuve d’une extrême lucidité sur les avantages et inconvénients de toute situation ce qui paralyse parfois sa capacité de décision. Très religieux (à partir de 1582, nombreuses manifestations de foi par des processions spectaculaires, des retraites, des mortifications) et catholique. Éloquent. Goûts raffinés.

Il est entouré de serviteurs de qualité comme Villeroy, Bellièvre, Cheverny. Le Conseil est divisé en sections (justice, finances). Les officiers royaux prennent de plus en plus de place dans l’appareil étatique.
1579 : ordonnance de Blois supprimant l’anoblissement coutumier et condamnant la vénalité des charges… Limitation du pouvoir des gouverneurs. D’autres ordonnances suivent, pas toujours appliquées.

Voyage pacificateur de la reine mère d’août 1578 à novembre 1579. Margot est ramenée à son mari, à Nérac. Traversée du Languedoc. Rencontre avec Nostradamus à Salon-de-Provence. Le voyage permet de mesurer l’ampleur des antagonismes (notamment en Provence, dans le Dauphiné…).

Méfiance entre Henri III et la grande noblesse. Le roi préfère s’appuyer sur une noblesse moyenne qui lui doit son élévation : les mignons. Première génération : Saint-Luc, Caylus, Maugiron, d’O, Livarot. Deuxième génération (1580) : les archi-mignons Anne de Joyeuse et d’Epernon. Les soupçons d’homosexualité sont difficilement vérifiables. Ils sont en grande partie liés à l’incompréhension contemporaine envers le raffinement et la propreté corporelle qu’impose Henri III à ses hommes, qui passent pour efféminés malgré leur bravoure.
1578 : création de l’ordre du Saint Esprit, dont les promus forment une sorte de milice chrétienne dirigée par le roi.

Envoi d’officiers royaux auprès des gouverneurs. Les gouvernements les plus difficiles sont confiés aux archi-mignons. Mais le cumul de bienfaits par ces derniers irrite la haute noblesse.

L’éclat de la cour

Précision concernant les rangs, l’étiquette. Cela instaure une distance symbolique entre le roi et ses sujets.
La cour est un foyer d’art et de culture. Eclat de Margot, revenue de Nérac dès 1582. Faste des noces d’Anne de Joyeuse.
Relations difficiles avec les Guise. Exemple symbolique : duel des mignons entre trois guisards (Entrages, Ribérac et Schomberg) et trois mignons (Livarot, Caylus et Maugiron). Entragues et Livarot sont les seuls survivants.
Le roi connaît également des difficultés relationnelles avec son frère et Damville.

Les réformes financières et économiques

1577 : réforme monétaire. Remplacement de la livre par une pièce d’or, l’écu au soleil. Cependant la dévalorisation monétaire se poursuit. Retour à la livre en 1602.
Résistance fiscale des provinces. Les précepteurs se rémunèrent copieusement.
Grosse contribution de l’Eglise. Aliénation de parties du domaine royale. Vente d’offices (non application de la lutte contre la vénalité).
Efforts de réforme en profondeur réalisés par une assemblée de notables (1583-84). Les premiers résultats seront anéantis par de nouveaux troubles.

Autre réforme en 1582 : adoption du calendrier grégorien. On passe directement du 9 au 20 décembre

Les relations avec les protestants de l’intérieur et de l’extérieur

79 : traité de Nérac confirmant l’édit de Poitiers. Raffinement de la cour de Nérac sous l’influence de Margot. Mais le traité n’est pas respecté. Ne pouvant accéder au gouvernement de Picardie, Henri de Condé prend La Fère, déclenchant la 7e guerre civile (novembre 1579 – novembre 1580), surnommé guerre des amoureux (médisance envers Margot). Navarre montre son talent militaire lors de la prise de Cahors (cf. Dumas). Mais ailleurs, il rencontre des défaites (tous les réformés ne se sont pas engagés dans la bataille). Après des négociations menées par le duc d’Anjou, le traité de Nérac est de nouveau confirmé à Fleix.

Durant la même période (1579), les états calvinistes des Pays-Bas (au nord) forment l’Union d’Utrecht. Guillaume d’Orange en offre la couronne à Anjou (pour sa réputation de tolérance et surtout pour obtenir l’appui de la France contre l’Espagne). Anjou accepte cette monarchie contractuelle.
1581 : les Provinces Unies proclament leur indépendance. Anjou se heurte au gouverneur espagnol Alexandre Farnèse. En 1583, son attaque d’Anvers est une catastrophe.
Le 10 juin 1584, il meurt. La succession d’Henri III, sans enfant, devient un problème crucial.

36 – Réforme catholique et naissance de la Sainte Ligue

La ferveur catholique

Après la mort de François d’Anjou, le successeur le plus direct d’Henri III est Henri de Navarre. La Ligue naît pour empêcher cet avènement. Ferveur royale : Henri III encourage les confréries de dévotion. Lui-même est affilié à une confrérie de Pénitents blancs. Processions royales mais aussi populaires. 1583 : organisation de grandes processions blanches (avec vêtements blancs). Il s’agit d’une démarche d’expiation et d’une volonté de réconciliation avec Dieu après les malheurs des années passées.

Réforme du clergé. Exemple de Charles Borromée, qui vient d’être canonisé. Mise en œuvre des décrets du concile de Trente. Cependant, les abus persistent. La lutte contre l’hérésie est menée par les jésuites, dont l’enseignement est ouvert à tous les milieux. Les capucins participent aussi à la réforme : il s’agit d’un rameau de l’ordre franciscain, fondé en 1525 (Italie) et qui rencontre un grand succès. C’est chez eux qu’entre Henri du Bouchage, frère de Joyeuse. Lutte contre la sorcellerie.
Rêves de croisade qui se finissent en rêves de croisade contre les protestants. Le chef de cette croisade est tout désigné : Henri de Guise.

Le réveil du mouvement ligueur

Les ligues n’ont pas disparu après la dernière tentative de récupération royale. Philippe II cherche à affaiblir le royaume. Après avoir fourni quelques aides à Navarre, il se tourne vers Guise, plus convenable en raison de sa confession, auquel il vers régulièrement de l’argent à partir de 1578. En 1584, les Guise fondent une ligue. Ils signent avec l’Espagne le traité de Joinville, se promettant une aide mutuelle. Le cardinal de Bourbon, un autre partent d’Henri III, est reconnu par eux comme l’héritier du trône. De nombreux nobles (comte de Brissac, duc de Nevers…) se joignent à eux.
Déclaration faite à Péronne : affirmation de la liberté de la noblesse et de l’indépendance du parlement, demande de réunion des Etats, dénonciation des mignons. Les motifs des nobles ligueurs sont à la fois religieux et politiques. La grande noblesse est lésée par les mignons. Leurs griefs rappellent ceux des Malcontents. Réformés et catholiques modérés font paraître un texte presque semblable.

Fin 1584 : naissance à Paris de la Sainte Union, une ligue roturière (animée entre autres par le prédicateur Jean Prévost, le parlementaire Bussy-Leclerc). Elle regroupe des officiers modestes, des procureurs, des marchands… Constitution du Conseil des Seize (16 quartiers de Paris). Le lien avec les Guise et la ligue nobiliaire est assuré par Mayneville. Les origines de cette ligue, outre les mobiles religieux, sont à chercher dans le manque de mobilité sociale qui pénalise les catégories suscitées.

Les débuts de la 8e guerre

Les Guise enrôlent ne armée dès mars 1585. De son côté, Henri III s’entoure des 45. Il manque néanmoins d’argent pour faire face à la Ligue et doit signer le traité de Nemours (7 juillet 1585). Henri IV y est déchu de ses droits de succession et les places fortes offertes aux protestants sont reprises. Le 9 septembre 1585, une bulle du pape Sixte-Quint écarte de la succession Henri IV et Condé. Cette ingérence est mal perçue, même par les catholiques, qui restent gallicans.
1586 : Henri de Navarre adresse à plusieurs villes une lettre où il affiche sa tolérance et sa volonté de rassembler. Il y proclame son amour de la France et de Dieu, et invite à dépasser les choix confessionnels.
Le futur Henri IV se préoccupe également de faire respecter l’autorité royale demandant notamment aux monarchomaques (Hotman) de mettre un bémol à leurs théories. Les protestants prennent les armes en réponse au traité de Nemours. Elizabeth leur envoie une aide financière. A Coutras, ils écrasent l’armée royale, menée par le vaillant mais peu habile Anne de Joyeuse. Guise remporte en revanche des victoires dans l’Est, qui confirment son rôle de leader catholique.

37 – Le coup de majesté de 1588 et le régicide de 1589

Les barricades parisiennes de mai 1588

Forte impopularité du duc d’Epernon qui permet aux reîtres allemands une retraite honorable. Epernon assure les relations avec les protestants (Joyeuse jouait le même rôle auprès des Guise, cf son mariage avec Marguerite de Lorraine). C’est un optimiste et un homme d’action qui fait contrepoids à l’irrésolution du roi. Il est chef des armées et gouverneurs de plusieurs provinces.
Guise se sent floué de ne pas récupérer les charges de Joyeuse, notamment en raison de sa mauvaise situation financière. Il renforce ses liens avec la ligue parisienne. Il souhaite évincer Epernon et positionner Charles de Bourbon comme héritier du trône (pour y placer ensuite sa propre lignée ?). L’Espagne l’encourage à tenter un coup de force. Il est servi par l’impopularité du roi.
La ligue parisienne reste indépendante de la ligue nobiliaire. Elle propose elle aussi Charles de Bourbon comme successeur. Elle cherche à faire une confédération réunissant les ligues de toutes les villes. L’agitation est suffisamment importante pour qu’Henri III ne réussisse pas à arrêter deux prêcheurs acharnés contre lui. Les crises de cherté et l’opposition du parlement ne lui facilitent pas la tâche.
Les Guise décident d’exiger l’adoption officielle des décrets du concile de Trente et le retrait d’Epernon. Le duc d’Aumale s’empare de nombreuses villes de Picardie et s’oppose au gouverneur nommé par le roi. Enfin, le 9 mai 1588, Guise entre dans Paris malgré l’interdiction du roi. Celui-ci, par peur, commet la maladresse de faire entrer des Suisses (12 mai) dans la ville. En réaction, les parisiens dressent des barricades (1eres barricades du genre) et massacrent quelques suisses. Le roi est obligé de demander à Guise de calmer la foule pour sauver ses soldats, ce que le Balafré consent à faire. Le 13 ami, le roi fuit pour ne pas rester enfermé dans Paris à la merci des Guise.
Le 15 juillet 1588 est signé un édit d’Union : Henri III y renouvelle le serment fait lors de son sacre d’extirper l’hérésie. Il proclame son union avec la Ligue. Epernon est disgracié et Guise est nommé lieutenant général du royaume

Les seconds Etats de Blois et l’assassinat des Guise

Le roi réunit les Etats généraux. Sa situation financière est déplorable. Cependant le désastre de l’Invincible Armada l’encourage à reprendre les choses en main, en commençant par changer son entourage politique.
Les députés envoyés aux Etats généraux sont très majoritairement ligueurs pour le tiers (Chapelle-Marteau qui appartient aux Seize et Etienne Bernard se distinguent) et le clergé (avec les cardinaux Charles de Bourbon et Louis de Guise). La noblesse est plus partagée.
Le roi accepte de faire de l’édit d’Union une loi fondamentale (ce qui contredit une autre loi fondamentale, la loi salique, en excluant Navarre de la succession). Dans le même temps, il cherche comment se débarrasser de Guise, dont il surestime l’influence sur les ligueurs et les Etats généraux, qui lui refusent tout subside malgré ses concessions. Le 23 décembre 1588, Guise est assassiné au château de Blois par les 45. Le lendemain, son frère, le cardinal, est assassiné à son tour. Ce double assassinat, ajouté à l’arrestation de quelques députés, est surnommé « coup de majesté ». Catherine désapprouve ce dénouement sanglant. La douleur et la maladie provoquent son décès, le 5 janvier 1589.

Le régicide

La ligue nobiliaire est affaiblie mais pas la ligue parisienne, qui proclame le duc d’Aumale gouverneur de Paris. La faculté de théologie délie les parisiens de leur obéissance au roi. Les Seize arrêtent les parlementaires trop tièdes. Ambiance de deuil et d’expiation.
Le roi quant à lui constitue une armée. Beaucoup de nobles répondent à son appel. Trop faible isolé, Henri III doit s’allier à Navarre (alliance de Plessis-lès-Tours, en avril 89). Tous deux entament un siège de Paris.
Dans la capitale, le roi est considéré comme un tyran. La duchesse de Montpensier, sœur des Guise défunts, profère toujours des menaces. Légitimation théorique de l’assassinat. Jacques Clément, moine dominicain (branche jacobine) parvient à assassiner le roi (1er août 1589). Les parisiens en font un héros et un martyr. Henri III a demandé avant de mourir la reconnaissance d’Henri IV comme son successeur, mais tous les nobles ne l’acceptent pas.

38 – « Zélés » contre « Politiques » (1589 – 1594)

Les zélés sont les ligueurs. Les politiques sont ceux qui opèrent une distinction entre la religion et l’Etat, en refusant la soumission du temporel au spirituel.

La ligue parisienne après la mort d’Henri III

Mayenne et les ligueurs reconnaissent le cardinal de Bourbon, alors prisonnier, comme roi de France, au mépris de la loi salique. Mais ce dernier meurt le 9 mai 1590.

Mayenne et Henri IV s’affrontent à Arques (près de Dieppe) en septembre 1589. Malgré son infériorité numérique, Navarre est victorieux. Il remporte une seconde victoire à Ivry, le 14 mars 1590.
Le siège de paris, de mai à août 1590, produit à la fois une famine et un regain de ferveur sacrificielle (masochisme des ligueurs). Alexandre Farnèse, duc de parme et gouverneur des Pays-Bas apporte son soutien à Mayenne. Henri IV doit lever le siège mais maintient un blocus.

Dans Paris, la chasse aux modérés (les Politiques) se poursuit. Atmosphère de délation, justice expéditive. Ex : pendaison du premier président du parlement, Barnabé Brisson. Terreur. Excommunications en masse. Le nombre de morts dans Paris reste cependant limité. De retour à Paris, Mayenne remet de l’ordre et fait arrêter les responsables de l’assassinat de Brisson, ce qui marque une rupture entre la ligue nobiliaire et la ligue parisienne. La direction des affaires, jusque là assurée par une majorité de marchands, passe plutôt aux magistrats.

La ligue des provinces (des villes)

Une bonne partie du nord de la France est dominée par la Ligue ainsi que quelques enclaves au sud. Grande ferveur des villes ligueuses. Multiplication des confréries de dévotion.
La lutte entre ligueurs et politiques ne peut être réduite à une question de zèle religieux. On distingue plusieurs modèles :
- le modèle bourguignon : facteur religieux + frustration sociale (envers les hauts magistrats et même l’élite marchande) + mobiles politiques (autonomie urbaine). Paris appartient à ce modèle.
- le modèle rouennais : absence de caractère autonomiste. Opposition entre conseillers (Parlement) nouveaux (plus proches du roi, plus loyalistes) et anciens, les seconds tolérant mal les premiers.
- le modèle Riom/Clermont : rivalités locales Ex : Carcassonne, la cité est ligueuse et le bourg est loyaliste

Les atouts d’Henri IV

La majorité de la France est fidèle au roi. Il reçoit l’aide d’Elisabeth Iere et des mercenaires allemands. Des publicistes talentueux comme Duplessis-Mornay lui offre sa plume.
Beaucoup de nobles sont attentistes. Dans certaines régions, on les surnomme les rieurs (pourquoi ?). Leur engagement dans la ligue est faible (sauf en Picardie et en Bretagne). Certains nobles commencent à penser qu’une monarchie forte est mieux à même d’assurer la protection de leur privilèges. Les Etats généraux leur paraissent trop manipulables et fragiles. Certaines espèrent la conversion d’Henri IV. D’autres restent favorables à un Tiers Parti, avec le nouveau cardinal de Bourbon comme roi.
Quant aux politiques, ils font preuve d’un patriotisme (contrairement aux ligueurs). Ils rejettent les désordres entraînés par les guerres successives. Les Etats généraux de Paris sont convoqués par Mayenne pour élire un nouveau roi. Mais les députés sont indisposés par les ambitions espagnoles. Ils finissent par réaffirmer la loi salique, pourtant favorable à Henri IV.
Enfin, Henri IV se convertit le 25 juillet 1593. Il a longtemps voulu ménager les huguenots et sa conscience mais il doit céder aux pressions catholiques pour parer la menace espagnole. Le sacre a lieu à Reims le 27 février 1594.

39 – La dépression des années 1585 – 1595

Les cavaliers de l’Apocalypse

Bêtes sauvages, guerres, famines et épidémies de peste accablent la France entre 1580 et 90. Les guerres civiles comportent peu de grands affrontements mais la population est très exposée, exploitée par les uns et les autres pour nourrir les troupes. Les récoltes sont régulièrement ravagées, les pillages et les viols se succèdent. De plus les soldats colportent les épidémies.
Les disettes sont accrues par le désordre monétaire. Les épidémies de peste, quasi annuelles, sont parfois très meurtrières. Les loups pullulent et s’attaquent aux hommes faute de bétail. Les prélèvements fiscaux sont particulièrement élevés. L’ensemble contribue à une baisse démographique.

Chute de la production

Baisse des productions agricoles et manufacturières. Raréfaction de la main-d’œuvre, désorganisation des circuits de vente. Les foires sont touchées par l’insécurité. Débâcle bancaire. Exemple du déclin de Lyon, touchée par le repli des italiens et par les guerres, ainsi que par le déplacement du centre de gravité de l’Europe vers le Nord (Pays-Bas, Angleterre).

Colères paysannes

Révolte des paysans contre les méfaits des troupes, en Normandie (plutôt contre le roi), en Bourgogne (plutôt contre la Ligue), en Bretagne (contre les deux), dans le Limousin, le Périgord et l’Agenais (révolte des croquants contre la Ligue). Il s’agit de révoltes contre les soldats pillards, qui prennent ensuite une nuance antinobiliaire et parfois antiurbaine. Réactions sans clémence des nobles. Les révoltés sont généralement massacrés. Leurs efforts sont de toute façon insuffisants pour protéger le plat pays contre les effets de la guerre.

40 – La résignation à la tolérance (1594 – 1598)

Le ralliement des ligueurs

Toutes les villes ligueuses se rallient progressivement, souvent en échange d’une amnistie et d’avantages. Paris capitule en mars 1594. La faculté de théologie reconnaît Henri IV. Résistance de Laon et de Marseille, ainsi que de la Bourgogne. Les troupes espagnoles s’éclipsent.

Henri IV est encore sous le coup de l’excommunication papale et les espagnols font pression sur Clément VIII pour qu’il ne la lève pas. Certains se croient donc autorisés à tuer le roi (plusieurs tentatives). Les accusations se portent sur les Jésuites, car les meurtriers sont leurs disciples. Le parlement de Paris ordonne leur expulsion et Henri IV est contraint de la ratifier sous les pressions gallicanes. Colère des catholiques zélés (les jésuites ne pourront officiellement se rétablir en France qu’en 1603). Le gallicanisme rend le rapprochement avec le pape difficile.
Le 17 septembre 1595, l’excommunication est finalement levée en échange de l’application (officielle) des décrets du concile de Trente.

La plupart des nobles ligueurs se rallient après la conversion. Le roi leur paraît digne d’être servi (contrairement à son prédécesseur). Même Charles de Guise, fils d’Henri, est sous le charme (pas seulement à cause des avantages reçus par sa famille). Tous pensent qu’un roi fort peut assurer une distribution correcte des honneurs. Le pacte monarchique est renoué. Des sommes importantes sont offertes pour faire face aux dépenses engagées dans la Ligue et acheter le ralliement de certains (d’Epernon (qui a toujours joué un jeu très personnel), Mayenne… Pas de vengeance. Les alliés sont récompensés par des titres (Henri de Montmorency est nommé connétable).

La guerre contre l’Espagne

Le 17 janvier 1595, Henri IV déclare la guerre à l’Espagne. Il veut unir les Français contre un ennemi commun, alors que le guerre civile n’est pas complètement terminée. Il s’allie avec l’Angleterre et les Provinces-Unies pour contrer els avancées espagnoles. Cette alliance est victorieuse. Dans le même temps, le dernier résistant, Mercoeur, est vaincu en Bretagne. Philippe II, désargenté, signe avec Henri IV le traité de Vervins (2 mai 1598) : cette paix séparée mécontente les alliés de la France.

Le combat des réformés

Les huguenots sont effrayés par la conversion du roi. Détournés de la lutte armée, ils tentent de combattre le péché par l’éducation et la réforme des mœurs (austérité, rejet des divertissements, de la coquetterie). L’interdiction de la danse est durement ressentie par le peuple. Toutes les pulsions humaines sont condamnées, ainsi que toute tentative de rapprochement avec le catholicisme. Le nombre de réformés décroît un peu.
Les huguenots font pression sur le roi, certains menaçant de se révolter si leur protection n’est pas mieux assuré. L’Edit de Nantes (30 avril 1598) leur donne une relative satisfaction en permettant le culte partout où il a déjà été permis (à un moment ou à un autre) ainsi que dans quelques lieux supplémentaires. Le culte est permis à huis clos à Paris. Les protestants ont accès aux charges. Les parlements l’enregistrent difficilement (celui de Rouen attend jusqu’en 1609).

Premiers jalons pour le redressement du royaume

Réunion d’une assemblée de notables élus, dans distinction des ordres. Ils prennent des mesures fiscales. Rosny, futur duc de Sully, devient surintendant des finances fin 1598.
E 1594 est fondée l’académie d’équitation pour assurer – outre une formation équestre – la formation des nobles afin de les rendre aptes à exercer correctement les charges.
Essor des mouvements mercantilistes.

Conclusions

Coexistence difficile des deux religions. Difficultés pour les réformés, surtout dans le Nord.
Coexistence paradoxale entre un Etat absolu catholique et le dualisme religieux, qui aboutira à la révocation de l’Edit de Nantes.
Contrôle de l’accès à la noblesse par le roi.
Profiteur de guerre décriés mais enrichis.
Victoire idéologique de la monarchie absolue.

 
histoire/renaissance/france_16.txt · Dernière modification: 2007/08/10 22:46 (édition externe)     Haut de page