L’art des Andes
Art précoce et art de Chavín
L’époque lithique (10000-3000 av. JC)
De manière inhabituelle, l’art textile précède dans les Andes l’art de la céramique. La première momification connue date de – 5000.
L’époque précéramique (3000 -1800 av. JC)
L’art textile se développe, aussi bien dans des objets utilitaires (filets de pêche) que dans les créations artistiques qui peuvent présenter des motifs très complexes, alors que le métier à tisser n’est pas encore utilisé. Les formes représentées sont souvent doubles, tendance qui caractérisera durablement l’art andin.
L’architecture de cette période présente d’impressionnants ensembles monumentaux qui traduisent le travail d’une communauté. Ces temples sont régulièrement reconstruits. L’architecture précédente est dans ce cas préservée (comblée par du sable) et l’architecture nouvelle construite sur le temple respectueusement enterré.
L’époque initiale (1800-800 av. JC)
La sculpture présente de nombreuses figures guerrières (avec des trophées : têtes décapitées et autres membres de l’ennemi vaincu) : elle sert en quelque sorte de propagande et témoigne de la place des conflits dans les communautés).
Chávin
Le style de Chavín (900 à 200 av JC, avec une séparation entre deux périodes vers 500 av JC) Chavín fait la synthèse entre l’architecture côtière, dont il conserve les formes en U et celle des montagnes, en gardant les esplanades circulaires en contrebas). Ce style apporte cependant de nombreuses innovations. Ses motifs décoratifs sont complexes, avec des images dynamiques tendant à créer des hallucinations ou à évoquer des transformations.
Chavín de Huantar est un site exceptionnel, point de liaison entre plusieurs zones. Dans le temple ancien, le décor des cours circulaires représente les processions, les célébrants étant présentés sous forme de jaguars et d’humains à crocs. Les jaguars et la plupart des autres personnages présentent des formes hybrides.
Une partie des cultes se déroule hors de la vue du public, dans le dédale interne du temple. Le Lanzón, sculpture la plus importante, est une statue de 4,5 m de haut, scellée dans le sol et qui rejoint la voûte. Cette divinité avait un rôle d’oracle. Alors que la plupart des figures sculptées sont incisées, celle-ci est en bas-relief. Elle a les caractéristiques du style de Chavín (yeux globuleux, nez épaté, griffes à la place des ongles) et tient un de ses bras vers le sol et l’autre vers le ciel, pour englober les royaumes terrestres et célestes. Les contours des dessins sont faits de telle sorte qu’ils semblent appartenir à deux dessins à la fois. Selon le point de vue, on peut percevoir les motifs de manière différente. Les sculptures s’enroulent autour de la colonne, ce qui empêche d’en avoir une vision globale, comme c’est fréquemment le cas.
Dans le même temple, d’autres statues (obélisque de Tello) présentent des caïmans, recouverts de plantes, d’animaux et de visages, entre lesquels s’intercale un jaguar. Ce sont des symboles de fertilité qui témoignent de l’influence de l’Amazonie sur les peuples des Andes. L’Amazonie, avec sa végétation abondante est à leurs yeux synonyme de fertilité. De plus, les chamans y trouvent leurs substances hallucinogènes. Ils comprennent d’autre part l’intérêt d’avoir recours à des images exotiques, plus effrayantes (et accompagnés de récits terrifiants), qui accroissent leurs pouvoirs, puisqu’ils sont censés maîtriser ces êtres.
Entre – 500 et – 200, un nouveau temple vient s’ajouter à l’ancien, qui n’est ni détruit ni enseveli. Une série de têtes sculptées autour du bâtiment montre la transformation des chamans en animaux surnaturels. La décoration du portail évoque la complémentarité et la fertilité (continuité du culte) sous forme d’oiseaux anthropomorphes qui s’enroulent autour de l’architecture du portail, rendant les figures difficilement lisibles (il faut les reconstruire intellectuellement de manière linéaire)
Une stèle au style proche trouvée sur un autre site montre la même complémentarité duale en une seule figure qui peut être interprétée de deux façons selon la façon dont on la considère, grâce à la technique de la rivalité des contours (une ligne déterminant deux motifs et pouvant être lue de deux façons).
Le style de Chavin se retrouve dans des objets, qu’on a découverts parfois très loin du site de Chavin de Huantar, ce qui témoigne de l’influence de ce culte. Le travail de l’or se développe à cette époque. Les textiles reprennent les motifs sculptés des temples. Les céramiques présentent le plus souvent des anses-goulots en étrier (le goulot se divise en deux branches qui rejoignent le vase, formant ainsi une anse en forme d’étrier), avec des motifs sinueux et des têtes à crocs.
Paracas et Nazca
Aucun culte unifié ne remplace celui de Chavin après sa décadence. Sur la côte se dessine un nouveau style, celui de Paracas, dont l’influence perdure de -600 à -175 av JC. Ce style se fond ensuite dans celui de Nazca sur la côte sud, tandis que le style Moche se développe sur la côte nord. L’ensemble sera ensuite absorbé par les Huari.
Les Paracas ensevelissaient leurs morts dans des chambres funéraires en forme de puits, en les enveloppant dans des textiles somptueux. Les cadavres étaient ensevelis en position fœtale, avec des offrandes, dans un ou plusieurs « manto » selon leur importance sociale – l’ensemble du « paquet » est appelé fardo - et disposés dans la tombe en fonction de cette même hiérarchie. Le nombre et la qualité des étoffes enveloppant le mort, ainsi que le choix des offrandes, en dit long sur la personne enterrée.
Les textiles, qui sont également utilisés pour d’autres rituels, sont généralement tissés puis brodés. On a retrouvé des tissus d’apprentissage (un motif brodé par un maître puis les essais des élèves à la suite). Deux styles de broderies : le style linéaire, avec seulement quatre couleurs, trace des motifs abstraits, imbriqués, aux modèles inchangés comme leur substrat spirituel. Les pavés de couleurs, plus créatifs ont une palette diversifiée (19 couleurs) : les figures sont variées, faciles à interpréter et tranchent toujours avec le fond. Les deux styles sont complémentaires et souvent associés.
Les premières céramiques révèlent l’influence de Chavin (goulot en étrier), avec des spécificités locales (contours incisés, animaux locaux). Les pots sont peints après cuisson, ce qui confère aux couleurs un caractère plus fragile mais aussi plus éclatant. Les céramiques plus tardives présentent d’autres spécificités : pots à deux goulots divergents reliés par une anse légèrement cintrée, vase aux formes insolites (animales ou autres). Les Paracas produisent aussi des masques en céramique représentant des divinités.
Les céramiques de Nazca reprennent les formes de celles de Paracas (avec quelques innovations en plus). Elles sont peintes à l’engobe (moins fragile) et très colorées. Les motifs naturalistes sont plus nombreux.
La flûte de pan (en argile) fait son apparition à cette époque.
Les textiles (dont certains sont peints) présentent plus fréquemment des motifs naturalistes que ceux de Paracas.
Les gigantesques tracés de Nazca avaient une fonction rituelle mal définie. Etant donné l’impossibilité de les appréhender depuis la terre, ils s’adressaient nécessairement à une audience céleste. Le sol étant noir, les hommes de Nazca effectuait le tracé en mettant à découvert une couche plus claire (et en laissant les pierres enlevées sur le bord, comme un contour). Un travail de géomètre leur permettait dessiner leur sujet.
Les Incas
L’architecture inca
Conquête rapide de l’empire inca et installation d’un pouvoir centralisé sur un très vaste territoire. L’art inca repose sur des standards imposés dans tout l’empire, mais qui comportent une part d’adaptation locale (palette de couleurs, par ex) et de syncrétisme. La domination impériale se traduit surtout dans les constructions en pierre. L’imagerie complexe de certains styles précédents n’est pas reprise, les incas élaborant plutôt un vocabulaire géométrique propre et simple, qui se diffuse aisément sur tout le territoire, cohabitant avec les spécificités locales. Les meilleurs artistes des royaumes conquis sont emmenés comme prisonniers pour travailler à Cuzco. Les métaux précieux et les textiles en vigogne sont réservés à la haute noblesse.
Croyance d’une interchangeabilité entre les hommes et les pierres. Jeu entre les formes organiques préexistantes et la géométrie des constructions, les pierres s’insérant dans la nature et en reproduisant certaines formes. Modelage du paysage, par exemple par la construction de terrasses irriguées, qui permettent de cultiver le maïs à une altitude qui n’était pas permise auparavant. D’autres terrasses étaient décoratives (fleurs à Ollantaytambo ou simplement géométrie de leurs formes à Moray). Ce type de paysage affirme à lui seul la domination inca. Organisation d’un système de canaux à des fins pratiques et rituelles. Les incas font construire le plus grand réseau de routes du monde ancien (33000 km), remplacées par des escaliers dans les zones escarpées.
La construction des murs se fait selon deux procédés : avec du mortier pour les murs de contention et sans mortier pour les constructions royales, où des blocs de plusieurs tonnes sont ajustés par un assemblage complexe. Résistance de ces murs au tremblement de terre. Les faces concaves des pierres du dessus s’emboîtent dans les faces convexes du dessous. Cuzco se situe à la rencontre de trois fleuves. Les incas en maîtrisent deux et s’arrangent pour donner au lieu la forme d’un puma dont Sacsahuaman est la tête.
Cuzco est divisée en deux parties (hanan, moitié dominante et hurin, partie arrière). La partie dominante comprend Sacsahuaman (aspect militaire) et l’autre le coricancha (partie religieuse) d’où partent les 328 ceques. Les ceques relient des huacas comme des nœuds sur un quipu. Les ceques et leurs huacas sont honorées les unes après les autres selon un calendrier rituel. La division en quartier (suyus) reproduit celle de l’empire.
La ville d’Ollantaytambo a quant à elle la forme d’un trapèze, forme géométrique préférée des incas (dans les encadrements de porte, parce que les pierres ainsi taillées résistent mieux aux tremblements de terre ; ailleurs parce que le trapèze, avec ses lignes convergentes, donnent de la profondeur).
Les autres arts : textile, métallurgie, céramique
Le caractère transportable des objets est primordial pour diffuser l’art inca dans tout l’empire. Tous les andins participent au tissage (impôt). Les plus beaux textiles ont un usage laïque lorsqu’ils sont tissés par des hommes et un usage royal et religieux lorsqu’ils sont tissés par des femmes choisis, les acllas. Le nombre de motifs sur un tissu et la disposition de ceux-ci est fonction de l’échelle sociale. Les soldats ont un tunique à damier noir et blanc, avec un triangle rouge sur la partie supérieure.
Les quipus, dont les plus grands mesurent 3 mètres avec 200 cordelettes, peuvent contenir des informations très diverses en jouant sur plusieurs paramètres (emplacement des nœuds, couleur des cordes, types de nœuds…). Ils montrent que les incas connaissaient le zéro et toutes les opérations de l’algèbre.
Imposant travail de métallurgie (comme le jardin du Coricancha)
Les vases en céramique sont des productions de série, avec des ornements géométriques. La standardisation permet de connaître la contenance au premier coup d’œil. Les céramiques servent à la redistribution de la nourriture (maïs).