Histoire de New-York

Par François Weil

La provinciale (de 1620 à 1820)

L’océane

Initialement, Manhattan peuplée d’indiens sédentaires. Au début du XVIIe siècle, des explorateurs hollandais (notamment Hudson en 1609) cherchent un passage vers l’Asie par le nord et, au passage, initient un commerce avec les amérindiens. Il s’agit essentiellement d’un commerce de fourrures. Un comptoir est établi en 1624 dans la région baptisée Nouvelle Hollande. Les colons qui s’installent sont d’abord dispersés autour de la rivière, puis on construit un QG fortifié au sud de Manhattan en 1626 : c’est la Nouvelle Amsterdam. Manhattan est achetée aux autochtones pour 60 florins. La Nouvelle Hollande se révélant non rentable pour la compagnie des Indes occidentales qui la gère, celle-ci abandonne ses monopoles et permet une ouverture commerciale. La Nouvelle Amsterdam croît, atteignant 1511 habitants en 1664. La ville devient une plaque tournante de nombreux circuits commerciaux entre les Antilles anglaises et le Vieux Continent, avec une réglementation commerciale très libérale.

La rivalité entre l’Angleterre et la Hollande pour la maîtrise du commerce international aboutit à une première guerre entre 1652 et 1654. Lors d’un deuxième conflit, la Nouvelle Amsterdam passe aux anglais le 8 septembre 1664. La Nouvelle Hollande est définitivement abandonnée aux Anglais par le traité de Breda en 1667. La ville est rebaptisée New York en l’honneur de son nouveau possesseur, le Duc d’York, frère de Charles II.

La croissance démographique reste longtemps limitée : seulement 10000 habitants en 1737. Boston et Philadelphie sont alors des villes plus importantes. Boston commerce depuis plus longtemps avec l’Angleterre et Philadelphie bénéficie de la richesse agricole de son arrière-pays. A cause de la présence indienne, NY n’a pas d’arrière-pays et son développement passe obligatoirement par le commerce. C’est l’entrepôt du commerce inter colonial. La ville bénéficie d’un monopole sur le tamisage des farines (important à l’époque). NY s’enrichit également en abritant la piraterie à la fin du XVIIe siècle. Les gouverneurs complaisants donnent des lettres de marques à des pirates pour les faire corsaires. La ville tire profit des prises des pirates. Boston s’appauvrit en participant à des guerres entre la France, l’Angleterre et l’Espagne alors que New York reste neutre. Dans la dernière guerre franco-anglaise, NY sert de QG aux Anglais et s’enrichit en faisant du commerce avec l’armée.

A partir de 1760, émerge une contestation coloniale avec des tensions grandissantes entre le gouvernement et la garnison anglaise, jusqu’à la guerre d’indépendance. Les Anglais occupent la ville jusqu’en 1783, avec une intensification du commerce entre NY et les villes anglaises, ce qui permet à NY de détrôner Boston. Pendant la révolution française, les flottes européennes sont immobilisées et les New-yorkais en profitent pour prendre des parts de marché. Des lignes régulières de paquebots sont lancées, avec Liverpool notamment. L’arrière-pays New-yorkais s’étend : on contrait les iroquois à céder des terres et il y a une forte croissance démographique (immigration) dans la deuxième moitié du XVIIIe. Le gouverneur De Witt Clinton décide la création d’un canal pour relier New York et le lac Erie, inauguré en grande pompe. Au début du XIXe, NY domine toutes les villes américaines.

Le commencement d’une ville

A sa création, la Nouvelle Amsterdam n’est pas vraiment une ville et l’urbanisation ne commence qu’en 1643. En 1653, instauration d’une première charte municipale. Les édiles sont nommés par le DG de la Compagnie. En 1665, les Anglais confirment la charte. Le maire reste nommé par le gouverneur, mais les habitants ont le droit d’élire un échevin. Les institutions de la ville s’établissent sur la pointe sud de Manhattan et un mur est construit pour se protéger des incursions (Wall Street). La ville se met en place dans la deuxième moitié du XVIIe, avec des ponts, des règlementations (ordures, éclairage,…). A la fin du XVIIe, le style anglais commence à se substituer au style hollandais dans les maisons. Le mur de la ville hollandaise est abattu en 1689.

Au XVIIIe siècle, la ville s’étend. Forte spéculation immobilière. Deux incendies importants ss occup anglaise, en 1776 et 1778. La ville est reconstruite en damier. Pointe sud de Manhattan : bâtiments destinés à accueillir le gouvernement (NY est capitale des US pendant qques années). L’endroit est ensuite aménagé en lieu de promenade assez bourgeois (Battery park aujourd’hui). La plupart des maisons sont moitié en briques pr façade et bois pr le reste. En 1780, apparition d’une division entre quartier d’affaires et quartier résidentiel. En 1811, la municipalité propose un plan rectangulaire pr l’ensemble de Manhattan. Définition de blocs de 70 sur 200 à 300m, eux-mêmes divisés en parcelles  Egalitarisme + facilitation de la spéculation

Population initiale = colons : fermiers, marins, esclaves. Au XVIIe, la Nouvelle Amsterdam est un centre de traite des Noirs. Entre 1710 et 1730, 1/5 New-yorkais est esclave. Par la suite, cette proportion diminue par crainte des émeutes. De plus en plus d’immigrants européens.

Après indépendance, constitution d’une communauté Noire libre, avec leurs propres églises protestantes. Deuxième couche sociale ; lower sort : domestiques, dockers, matelots, populasse,.. 3ème couche middling sort : artisans. Principaux partisans de l’indépendance et de l’égalité républicaine. Dernier degré, avec argent, pouvoir et savoir : pasteurs, médecins, administrateurs, proprios, hommes de loi, négociants ; adoption d’un comportement aristo. Après indépendance, une partie part (pro Anglais). Rupture entre négoce et propriété foncière. Emergence de familles de banquiers sans assise foncière. Inégalités très fortes, mais inférieures à celles qu’on trouve en Europe. Prise en charge charitable d’un nb croissant de pauvres. Au XIXe : attitude plus critique % aux comportements individuels. Dès l’origine, gde diversité de langues. Mélange de nations.

Au XVIIe, NY n’est pas une ville intellectuelle. Les brasseries sont au cœur des relations sociales et de la vie publique. Gd pluralisme de pratiques religieuses. Culte anglican privilégié. En même temps, faible taux de pratique religieuse. Début XVIIIe, la presse se développe, avec une relative liberté d’expression. En 1754, création de King’s college (la future université de Columbia) et la NY Society Library. Bcp d’associations pr renforcer le tissu culturel. Néanmoins, intérêt des NYorkais pr argent, et pas pr culture.

Reine du nouveau monde (1820-1890)

Venise atlantique

Début XIX, NY dvpe ses infrastructures de commerce (canaux, lignes de bateaux à vapeur, chemins de fer). Concentration des lignes aboutissant à NY. Construction de Grand Central Station sur la 42nd street, une loi de 1856 interdisant les engins à vapeur plus au sud de Manhattan. Pour liaisons transat, les paquebots à vapeur remplacent les voiliers. Les lignes se multiplient.

Dans un premier tps, NY importe bcp de produits manufacturés. A partir de 1870, la ville développe sa propre industrie et importe seulement des matières premières. NY prend une place importante ds les exportations US, surtout pdt la guerre de Sécession. Farine, coton. Fin XIXe, exporte produits manufacturés. Commerçants se spécialisent progressivement. Broadway se couvre de boutiques et d’enseignes. Apparitions de gds magasins entre 14th et 23th sur Broadway. Mace’s est créé en 1858. Essentiellement des magasins d’articles féminins. Section de Broadway surnommée « Lady’s mile ».

Vers 1820, le port n’a pas de quais permanents : installations en bois. Encombrements, désorganisation. Le port s’étend à l’est et là l’ouest de Manhattan et aussi à Brooklyn. Pr faciliter la circulation des bateaux, on dynamite des écueils à l’entrée. Installation de phares. En 1870, commence réaménagement du port. Tvx terminés pdt la 1ere GM.

Dvpt important des activités financières. 1ères banques d’affaires vers 1860. JP Morgan à la fin du XIXe. Nbreuses banques créées par de juifs allemands. En 1817, fondation du NYSE and Board. Débuts modestes. Montée en puissance et succès à partir de 1880 ; Wall street journal fondé en 1882. Traduction de la nouvelle puissance financière dans architecture : bâtiments néo classiques. Dvpt d’une ceinture industrielle autour de NY, mais aussi à l’intérieur. Dans NY, réparties en µstructures : confection (bcp ouvrières travaillent chez elles, par ex), imprimerie, édition. Construction navale. Enrichissement de la ville : commerce local se développe. La ville dépend moins de l’extérieur. Vers 1860, quartier industriel entre Canal et Houston Street. Le long de Broadway il y a aussi des bâtiments industriels à structure en fonte.

Le 28/10/1886 : inauguration de la statue de la liberté. Poème intitulé “le nouveau colosse” : exaltation du rôle de NY dans l’accueil des migrants. Symbole de l’ambition de la ville.

La ville empire

NY compte 220000 hab en 1830 et 2,5 Mio en 1890.
1825 : ville s’arrête à Canal Street. En 1900, Manhattan est complètement construite. La métropole englobe les quartiers autour de Manhattan. Brooklyn est la banlieue dortoir. Première infrastructures urbaines de transport :
1ère ligne de train de banlieue (1832)
1820 : omnibus hippomobiles puis tramway hippomobiles en 1850
Seconde moitié du XIXe : ouverture de métros aériens
1883 : pont sur l’east river.
A cette époque, ville congestionnée et sale. Trottoirs en piteux état. Chaussée encombrée. Construction de logement ne suit pas croissance de la pop. Bas Manhattan regorge de logements misérables. Dvpt de « tenements » : immeubles de 5 étages, en profondeur, découpés en petits appartements sans aérations, dans lesquels s’entassent les pauvres. Densité de pop la plus élevée au monde. En 1879, une loi impose une fenêtre par pièce.

Hormis transports, d’autres infrastructures se mettent en place. La police municipale est créée en 1844. En 1842, constitution d’un réseau d’adduction d’eau. En 1849, mise en place d’égouts. Largement insuffisants jusqu’à 1870-80. Les porcs servent longtemps de nettoyeurs de la ville. En 1850, création de bains publics. Années 1850’s : discussions autour de créations d’espaces verts. Idée d’un grand parc central s’impose. En 1858, sélection du projet de Calvert Vaux et Frederick Law Olmsted. Création d’une oasis en décor urbain. Grand parc se démocratise à partir de 1870.

A la fin du XIX, 40% des NYorkais sont des immigrés. Bcp d’européens transitent par NY ou s’y installent. Les migrants st svt accueillis par des canailles qui tentent de les abuser. A partir de 1847, plusieurs lois règlementent l’accueil. En 1855, création d’un centre de débarquement pr aider les migrants. Majorité d’allemands et d’irlandais. Communautés sont telles qu’elles se subdivisent en fonction de leurs contrées d’origine (Lander allemands ou comtés irlandais). Augmentation du nb de blancs est telle que le % de Noirs diminue. Ils ne sont plus que 1 à 2 % en 1890.

Il existe à NY de fortes inégalités sociales qui vont en se renforçant. L’industrialisation entraîne une croissance du monde ouvrier aux dépens des artisans. On observe une spécialisation par nationalités. Les couturiers sont plutôt irlandais, les boulangers allemands, … La plupart des ouvriers sont des étrangers. La classe moyenne se compose des artisans qui ont survécu aux bouleversements économiques et d’une part croissante d’employés de bureaux, de vendeurs, etc. Le nb de riches croît mais en 1845 5% des hab. détiennent les 2/3 de la ville. La plupart des grandes fortunes viennent du négoce. Après la guerre de sécession, de nouvelles familles font fortune dans les chemins de fer ou la finance. La haute société se scinde entre anciens et nouveaux riches.

Au cours du XIX, NY se démocratise. Le suffrage est ouvert à tous les hommes blancs en 1834, alors que le suffrage reste censitaire pour les noirs. En 1834 a lieu la première élection du maire au suffrage direct. Le monde politique se démocratise également notamment au conseil municipal. Pendant longtemps républicains et démocrates sont au coude à coude. L’arrivée massive d’immigrants conduit à une domination des démocrates sauf en cas de divisions dans leur rang. Dans les années 1850-70, la corruption des dirigeants est importante. Le clientélisme dure par la suite.

Mannahatta

Au milieu du XIXe siècle, le profil de Manhattan est une forêt de flèches d’églises (230 temples en 1850). Un réveil religieux touche tout le nord-est du pays avec une diffusion des valeurs évangéliques dans la classe moyenne. L’attachement au foyer oriente ces classes vers le choix d’honorables maisons de briques de 2 à 4 étages. Pour eux ils ne saurait être question de mélanger lieu de travail et foyer. Des manuels de savoir-vivre paraissent. Le rôle de la maîtresse de maison est très important et des codes sociaux se mettent en place (salut rendu ou non…).

Ces classes moyennes participent avec ferveur à de nombreuses associations politiques, sociales et religieuses : société New-yorkaise pour l’amélioration de la condition des pauvres (1843), société de tempérance de la ville de New York (1829), école du dimanche. Beaucoup ont pour but la charité et l’éducation morale. Mais peu à peu les exigences de respectabilité prennent le pas sur les préoccupations religieuses. Dans les années 70, les associations ne veulent plus sauver les âmes des prostituées mais s’en prennent à elles.

Dans les milieux huppés, la religion a un aspect plus mondain. Certains lieux de culte sont +/- à la mode, avec des pasteurs ambitieux et éloquents. Le soucis de distinction sociale ostentatoire de cette classe s’oppose à la frugalité et à l’austérité des classes moyennes. A cette époque se construisent de fastueuses demeures, comme celle de Cornelius Vanderbilt. A partir des années 1860, ces demeures se concentrent sur la 5th avenue. Ce mode de vie aristocratique est réservé à des cercles fermés qui organisent leurs bals, leurs réceptions, etc. L’été, la haute société fait le succès de stations balnéaires comme New Port. En 1872 est créé un comité des patriarches qui détermine qui est fréquentable ou pas. Ce milieu est l’objet de moqueries (et probablement d’envies) de la part de la classe moyenne.

La culture ouvrière a d’autres valeurs : virilité, indépendance, solidarité, fêtes, mais aussi violence. Son quartier central est la « bowery », avec ses spectacles, ses combats de boxe, de coqs,… Elle se moque des associations vertueuses. Les ouvriers font preuve d’un certain racisme vis à vis des migrants et des Noirs, jusqu’à ce que les migrants deviennent majoritaires dans ce milieu. Dans la ville, s’opèrent des groupements par nationalités, avec leurs associations de bienfaisance, leurs milices : français, italiens, bavarois, etc. Le catholicisme devient majoritaire à New York, si bien qu’un archidiocèse est créé en 1850.

Dans la première moitié du siècle, plusieurs manifestations constituent des passerelles entre les classes : le 4 juillet, les fêtes civiques (sauf femmes et Noirs), le théâtre (public hétérogène dans une même salle, à Park Theater, par ex.). Peu à peu, une différenciation plus profonde apparaît entre les cultures, de manière douloureuse. En 1849, incidents à l’Astor Theater (théâtre bourgeois) : les ouvriers tentent d’empêcher le rival d’une idole populaire de jouer. L’affrontement fait plusieurs morts. Conflit entre le maire démocrate et le gouverneur républicain de l’état en 1857 : émeutes et affrontements entre police municipale et police métropolitaine. Pendant les émeutes, le gang irlandais des « lapins morts » s’oppose aux policiers métropolitains avant de s’en prendre à son adversaire habituel, le gang des « gars de la bowery », dans un gigantesque affrontement. Durant l’été 1863, pendant la guerre de sécession, une décision de procéder à la conscription par tirage au sort provoque cinq jours de violence. Les symboles des camps républicains sont attaqués et une chasse aux Noirs s’organise.

Parallèlement, les nouveaux riches (finance, chemin de fer), mal acceptés par la haute société plus ancienne, crée ses propres institutions culturelles, elles aussi un peu fermées. Il n’y a plus de lieux culturels communs entre les couches de la société.

Certains New-yorkais ont la volonté de faire de la ville un centre culturel des Etats-Unis. Alors que dans les années 1840, les écrivains se flattaient de leur amateurisme, on voit ensuite apparaître des écrivains professionnels. De nombreux journaux sont fondés, dont le NY Times en 1851. En 1880 est créé un institut de sciences politiques sur le modèle parisien. Columbia devient peu à peu une université prestigieuse.

Au XIXe siècle, NY fait son entrée dans l’imaginaire américain et étranger. Au début du siècle, elle constitue pour certains un lieu corrompu, menaçant les valeurs de l’Amérique rurale (selon Jefferson, c’est « un cloaque de toutes les dépravations de la nature humaine »). Crainte à l’égard de la populasse de NY. La prostitution est abondante, les pb de logements nombreux. Ils se cristallisent autour du quartier des Five Points, pourtant peu éloigné des quartiers riches.

New York symbolise aussi la croissance spectaculaire des Etats-Unis. Un mythe prend forme, celui d’une ville où tout est possible pour celui qui le veut. New York entre aussi en littérature avec des écrivains comme Melville ou Whitman. La ville devient si étendue qu’elle manque de visibilité. Les plans, dessins et photographies se multiplient. Un premier guide sort en 1818. En 1839 paraît un guide sur les bordels de New York ! A partir de 1860 apparaissent les premiers livres sur l’histoire de la ville. Il existe différents types de romans sur les bas-fonds de la ville, dans le style des mystères de Paris, des romans noirs sur la bowery. En 1848 G. Forster fait paraître « New York en tranches, par un découpeur expérimenté » : déchiffrage urbain et social de la ville par tranches. Un français compare la capacité assimilatrice de Paris vis à vis des étrangers à la conservation de la diversité des minorités à New York.

Modernités métropolitaines (1890-1940)

Le grand New York

Les New-yorkais au tournant du siècle prennent conscience de l’importance de leur ville et se rêvent comme la Rome du nouvel empire américain. Le 1/01/1898, NY « annexe » Brooklyn, attristée par la perte de son autonomie. Manhattan pavoise. New York devient la deuxième ville du monde. Mouvement d’embellissement de la ville, avec la construction de bâtiments néo-classique ou « beaux-arts ». Certains critiquent une esthétique insipide. Les buildings en question sont par exemple : la gare de Grand Central (1903-1913), la Custom House, la nouvelle façade du MET sur la 5th, le Municipal Building. La rénovation touche tous les services municipaux (tribunaux, écoles, …).

Les entreprises privées investissent NY, profitant des infrastructures financières, administratives et intellectuelles et de la circulation des informations. NY compte 298 grandes entreprises dès 1895, loin devant Chicago. Ces entreprises s’implantent dans des immeubles. En l’absence de grandes surfaces au sol, les constructions deviennent de plus en plus hautes. En 1880, Trinity Church domine encore Manhattan. Ensuite, c’est le début de la course à la hauteur. Cass Gilbert définit les buildings comme des machines à rentabiliser le sol. Les gratte-ciels constituent aussi la bannière des sociétés qui les font construire. Cass Gilbert établit une cathédrale du commerce avec le Woolworth building en 1913.

Généralement, les sociétés n’occupent que quelques étages de leurs buildings et louent les autres. Les gratte-ciels se multiplient autour de Grand Central et de la 42th street, et cette zone devient le deuxième centre d’affaires après Wall Street. L’Empire State Building est construit en pleine crise de 1929. Il reste non rentable jusqu’en 1950. Avec le Rockefeller Center, il traduit l’importance de Midtown comme quartier d’affaires. Les nouveaux buildings plongent les autres édifices dans l’ombre. En 1916, une réglementation divise NY en zone d’affaire et résidentielle, avec des hauteurs autorisées différentes, en rapport avec la largeur de la rue. Les étages supérieurs doivent être en retrait pour laisser plus de lumière, ce qui donne lieu à la construction d’immeubles surnommés « ziggourats ».

Les logements ouvriers (« tenements ») posent problème. Ils sont dénoncés par certains membres de la classe moyenne, qui vont jusqu’à habiter parmi eux (« settlements ») pour essayer de diffuser leurs valeurs. Plusieurs réformes sociales pour résoudre ce problème. Des quartiers entiers sont rasés. Des ensembles d’immeubles corrects et peu élevés sont construits dans les « boroughs ».

New York reste le principal centre manufacturier américain, avec 1 million d’ouvriers en 1930. Plusieurs entreprises de recherche s’y installent, plaçant New York à la pointe de l’innovation. Ce sont surtout les petites industries qui prospèrent (confection, imprimerie, luxe). Dans la première moitié du XXe siècle, les emplois industriels migrent de Manhattan vers Brooklyn et le Queens. A Manhattan, les quelques industries restantes se situent dans le sud. Il s’agit pour l’essentiel de confection, notamment dans le Lower East Side, qui constitue l’équivalent du Sentier. Ces activités se déplacent ensuite vers le nord entre la 25th et la 41st street. La confection qui peut être standardisée quitte New York, ou au moins Manhattan, mais la confection féminine sensible à la mode y demeure. Les ateliers sont abrités dans des immeubles de 10 à 30 étages, appelés lofts. Le plus emblématique de ces immeubles est le Garment Center Capitol, conçu par Walter Mason en 1921. Il s’agit de deux bâtiments de 17 et 24 étages où travaillent 20000 ouvriers appartenant à 70 firmes différentes. Dans les autres boroughs les bâtiments sont moins élevés et plus étendus. New York est le premier port du monde en 1900. Brooklyn accueille les arsenaux. Mais l’essentiel du trafic et des docks se trouve sur l’Hudson river. Jusque dans les années 30, les Chelsea piers accueillent les transatlantiques avant de devenir trop petites. En 1921, est constituée la New York Port Authority, qui gère le port en partenariat avec le New Jersey pour réduire les conflits entre les deux états. En 1931, le pont George Washington relie les deux états..

En 1890, il y a 2,5 millions d’habitants. En 1940, 7,5 millions. La population de Manhattan augmente peu, mais celles de Brooklyn, du Bronx et du Queens explosent. En 1914, un comité consultatif sur le plan urbain est mis en place pour étudier l’évolution urbanistique de la ville et faire des suggestions pour la période 1925-1965. Les propositions prônent la tertiarisation complète de Manhattan, qui se voit entouré d’une ceinture d’industries dans les autres quartiers et d’une seconde ceinture réservée à l’agriculture. Ces plans ne prévoient pas de développements suburbains et projettent la construction de deux ceintures ferroviaires plus ou moins publiques. Ce plan échoue parce que les milieux ferroviaires refusent les réseaux publics et parce que les milieux immobiliers souhaitent un développement des banlieues. On assiste effectivement à une croissance des banlieues accompagnée par la constitution d’un important réseau routier. La ceinture industrielle qui devait être dynamique se détériore au contraire à partir de 1930.

Les transports interurbains se développent. De 1890 à 1920 les trolleys devenus électriques ont beaucoup de succès. Le chemin de fer aérien connaît son apogée vers 1920. Un projet de métro lancé en 1880 aboutit à une première ligne en 1904. Jusqu’en 1930 trois compagnies gèrent les transports. En juin 1940 le maire Fiorello LaGuardia décide de les unifier. Après 1920 l’automobile commence à prendre une place importante. De nouveaux ponts, tunnels, voies rapides… Les banlieues deviennent plus accessibles et s’étendent. Certaines banlieues sont destinées à une population spécifique (wasp). En 1939-40, New York abrite une exposition internationale sur le site de Flushing Meadows. On y présente les modèles urbains de demain, bien irrigués de routes et de voitures.

La cité promise ?

Les nationalités présentes à New York se diversifient au XXe siècle. Irlandais et allemands dominent à la fin du XIXe siècle. Mais les italiens et les juifs d’Europe orientale arrivent en masse entre 1920 et 1930. Ville de toutes les promesses, New York fait rêver beaucoup d’Européens. Néanmoins, en 1921-24 on instaure des quotas par nationalité. La ville attire aussi des non européens. La croissance du nombre de chinois est limitée par une loi de 1882, qui leur interdit l’accès au pays. Les portoricains immigrent massivement. Entre 1920 et 1930, New York accueille également la Grande Migration des Noirs venant du Sud des Etats-Unis, avec l’espoir de trouver ici une moindre discrimination. Il y a 36000 Noirs en 1890, soit 2% et 460000 en 1940 (6%).

Les irlandais et allemands (immigration ancienne) quittent progressivement leurs quartiers et remontent plus au nord dans Manhattan, ou vont s’installer à Brooklyn. Les italiens prennent la place des irlandais et le juifs s’installent dans le Lower East Side à la place des allemands. Vers 1900 de nouveaux changements interviennent : les juifs se répartissent à New York en fonction de leurs moyens. Au départ dispersés, les Noirs se regroupent à Harlem et Brooklyn. Le ghetto de Harlem se constitue en plusieurs étapes. Au départ, maisons de campagne pour riches. Avec arrivée du chemin de fer, devient une banlieue. A partir de 1880 East Harlem accueille des logements ouvriers et des migrants. A l’ouest viennent s’installer les allemands enrichis. A partir de 1890, on trouve de nombreux juifs dans le sud de Harlem. En 1910, arrivée importante de Noirs dans le nord de Harlem, suite à une crise immobilière : trop de logements à cet endroit. A partir de 1915, l’équilibre entre les différentes ethnies est rompu au profit des Noirs dont l’arrivée n’est pas limitée par des quotas, contrairement aux flux européens. En 1917, l’économie de guerre détourne l’argent des programmes immobiliers. Il y a de plus une forte demande de main d’œuvre pour les industries de guerre. Hausse des loyers. Les propriétaires se permettent de ne plus entretenir leurs biens : dégradation du quartier. En 1921, les constructions redémarrent. Les blancs suffisamment riches quittent ces immeubles dégradés. Seuls les Noirs restent. Le racisme les empêchent d’accéder à d’autres quartiers. Les loyers restent élevés à cause de la grande concentration de Noirs. Les appartements sont surpeuplés, la dégradation s’accentue.

Evolutions au sein de la classe ouvrière. Certaines branches s’organisent en syndicats puissants. Les juifs et les italiens deviennent la composante majeure de la classe ouvrière (bcp de juifs dans la confection). La classe moyenne est surtout composée d’employés de bureau et d’employeurs immigrés. L’élite économique (banquiers, avocats) est divisée selon l’origine et la religion de ses acteurs. Dans le secteur de la confection, les conditions difficiles génèrent des tensions. Mouvements de grève dans la confection féminine en 1909-1910. Soutenus par l’opinion, elles aboutissent à des améliorations. Jusqu’à la dépression, l’histoire sociale reste agitée et les syndicats montent en puissance.

Pour apaiser les tensions dans la ville, plusieurs types de réformateurs apparaissent :
- les Réformateurs évangéliques, qui luttent vainement contre l’alcoolisme et la prostitution. La prohibition n’empêche pas la consommation d’alcool mais provoque une réorganisation de la pègre. Son abandon en 1933 entraîne une nouvelle reconversion des mafieux.
- Réformateurs politiques tentent d’améliorer les conditions de vie (système de distribution d’eau, asphalte, éclairage, nettoyage des rues, etc.) Ces mesures profitent essentiellement aux classes moyennes blanches. La lutte contre la pauvreté est surtout l’œuvre d’associations privées. Avec la dépression la pauvreté explose. On trouve des bidonvilles, rebaptisés ‘Hooverville’, jusque dans Central Park. Sous l’impulsion de Roosevelt, gouverneur de l’état, puis président, l’aide publique se substitue à l’aide privée. En 1933, suite aux nbx scandales discréditant le système démocrate en place, LaGuardia, maire républicain est élu. Il réunit les réformateurs, les républicains, les ouvriers, les immigrés. Sa bonne entente avec le pouvoir fédéral permet de mettre en place une action sociale municipale et de grands programmes de travaux publics. Pendant toute cette période, recherche permanente de compromis pour rendre supportable et maîtrisable la croissance de la ville.

Les lumières de la ville

Une nouvelle culture populaire émerge qu’on retrouve dans les spectacles de Broadway ou dans les parcs d’attractions comme ceux de Coney Island. Coney Island a d’abord mauvaise réputation (prostitution, jeux) avant de devenir un lieu plus familial, distrayant et respectable. Nombreuses salles de danse, où viennent les femmes des milieux populaires et les ouvrières immigrées.

En 1905 le Times s’installe à Longacre square, rebaptisé Times Square. Le journal estime que cette place doit devenir un centre civique. En fait, elle devient un haut lieu du commerce et de l’industrie culturelle conçue comme telle. Le quartier se développe rapidement. En 1929, Broadway abrite une centaine de troupes et 71 théâtres. La plupart des spectacles sont dépourvus d’innovations artistiques mais certains se distinguent, comme Porgy and Bess. Quelques lieux réservés à une clientèle plus riche s’y implantent aussi : restaurants, salons. La prohibition provoque l’apparition de bars clandestins, les speakeasises. C’est aussi un lieu de relative liberté sexuelle : les homosexuels et les libertins s’affichent dans les bars de Times Square. Dans les années 30, la Dépression et la fin de la prohibition sonnent la fin des années folles. L’homosexualité est réprimée, Times sq devient plus respectable. A proximité s’implante l’industrie musicale, surnommée Tin Pan Alley : Gershwin, Duke Ellington.

New York est La Mecque du journalisme. A la fin du XIXe siècle, deux journaux à sensations sont en compétition, le New York Journal et le World. Détrônés en 1920 par des tabloïds comme le Daily News et le Mirror. Le New York Times s’emploie au contraire à devenir un journal de référence. Grands magazines, comme Vogue, Life, ou le Reader’s Digest. Réseaux de radio : CBC, NBC qu s’imposent à l’échelle nationale. New York conserve une certaine importance dans le cinéma jusqu’à la guerre. La ville elle-même devient un thème cinématographique et de nombreux acteurs en sont issus.

Dans la première moitié du XXe siècle, le base-ball connaît un essor formidable. Les années 1900 à 1920 sont dominées par les Giants. Les années 1920-1930, par les Yankees. Cette époque est aussi marquée par les Dodgers de Brooklyn, dont les résultats sont fluctuants.

Les différentes nationalités qu’on trouve dans la ville composent une mosaïque métropolitaine. Chaque communauté a ses organisations d’entraide, ses lieux de culte, ses journaux, ses associations sportives et culturelles. Poussée anti-allemande en 1917 et une baisse de la présence culturelle allemande ensuite. Les allemands qui ne veulent pas être confondus avec la frange extrémiste qui soutient Hitler préfèrent s’éloigner de leur culture d’origine.

New York émerge peu à peu comme capitale intellectuelle. Les débats politiques du début du siècle sont les suivants :
- droit de vote des femmes ( les suffragettes, après une mobilisation de 17 ans remportent un référendum dans l’état de New York qui préfigure le 19ème amendement de la constitution),
- succès des idées socialistes, notamment auprès des immigrés juifs d’Europe de l’est., - mouvement communiste actif
- idées laïques et libérales

Parmi les mouvements intellectuels, on trouve le cosmopolitisme. Sans les faire disparaître, il tend à transcender les particularismes. Hostilité au provincialisme. Certains penseurs continuent à considérer Londres comme la capitale intellectuelle des Etats-Unis. Ce mouvement qui affiche sa foi dans le progrès séduit les intellectuels juifs.

Par ailleurs, les universités New-yorkaises acquièrent un grand poids intellectuel et civique. Columbia fait autorité dans le domaine scientifique. Créé en 1923, le conseil de la recherche en sciences sociales redonnent ses lettres de noblesse à l’anthropologie. Les recherches font l’objet de publications de qualité dans le New Yorker.

La culture New-yorkaise réagit contre le corset victorien et la domination européenne, notamment anglaise. Réaction contre les institutions prestigieuses (comme le MET, Carnegie Hall) de la part des artistes bohêmes de Greenwich Village. Ces derniers refusent les conventions et revendiquent une liberté sexuelle et politique. Au début du siècle, deux tendances picturales se distinguent. Le groupe des 8 cherche à traduire artistiquement les odeurs et les bruits de la ville. Tendance cubiste semi-abstraite. L’art moderne connaît un succès croissant, notamment grâce à l’action de l’artiste et mécène Gertrude Whitney. Le MoMA est créé en 1929, le Guggenheim en 1939. L’art américain s’émancipe en même temps par la littérature, avec des auteurs comme Dos Passos ou Fitzgerald qui font aussi de la ville un thème central de leurs œuvres.

Harlem connaît dans les années 20 et 30 une renaissance. Celle-ci part d’abord d’une tentative d’identifier la culture Noire comme une culture propre et respectable, et de montrer son influence sur la culture américaine. La lutte contre le racisme est parfois pacifique (marches silencieuses de 1917) et d’autres fois plus violentes (émeutes en 1935, 1943). Avec les sœurs de Harlem, les cabarets et les clubs servent d’intermédiaire entre Blancs et Noirs. Le jazz s’implante à New York et devient un phénomène culturel. Le ragtime, interaction entre la musique blanche et noire connaît également un grand succès, influençant des artistes comme Gershwin ou Fred Astaire. New York assure le rayonnement de ce style au début du siècle. Le blues, qui a des origines plus rurales connaît la même histoire à partir de 1920. De nombreux écrivains s’installent à Harlem dans les années 20. Néanmoins ce mouvement de lutte contre le racisme et de reconnaissance de la contribution des noirs à la culture américaine s’arrête en 1930 à cause de la grande Dépression. Harlem cesse d’être à la mode.

Lorsque Paris tombe aux mains des allemands en 1940 la domination culturelle de New York est rehaussée, d’autant plus qu’elle accueille un flot d’immigrés prestigieux. Le rayonnement de la ville est le symbole de la domination américaine croissante.

Capitale du siècle américain (1940-2000)

Le phénix

Après la guerre, Paris, Londres et Berlin sont trop affaiblies pour résister à New York. L’installation de l’ONU dans la ville (grâce à un don de terrain des Rockefeller) symbolise la vocation planétaire de New York.

New York compte un million d’ouvriers en 1950, 900000 en 1960. La confection quitte peu à peu la ville. Les avis pessimistes sur la désindustrialisation de la métropole ne sont pas écoutés. Un sentiment d’abondance domine jusqu’à l’exposition internationale de 1964-65 qui fait écho à celle de 1939-40. Mais entre 1968 et 1977, 600000 emplois sont perdus. Les chantiers navals, fierté de Brooklyn, ferment. En 1956 la ville abritait 136 des 500 premières entreprises américaines, contre seulement 80 en 1977. Alors que les dépenses sociales de la ville croissent, le soutien de l’état fédéral fait défaut. Après la crise de 1973 la municipalité est au bord de la faillite. Un accord avec l’état en 1975 sauve la situation. Une reprise en main vigoureuse et un assainissement des finances permet de retrouver l’équilibre dès 1981. Depuis les années 1990, une activité industrielle très spécialisée se stabilise dans la ville. Mais le renouveau économique est surtout dû aux services. De nombreux bureaux sont construits ou rénovés. Les gratte-ciels adoptent le style moderniste international, ou un style minimaliste, comme la Lever House. David Rockefeller veut remodeler le bas Manhattan. Certaines de ses idées échouent, mais il impose la construction d’un World Trade Center. Les deux tours, ouvertes en 1970, sont inaugurées en 1973.

Les entreprises New-yorkaises de services financiers croissent, notamment grâce à la dérégulation financière des années 1980, qui attirent à NY des capitaux jadis hébergés dans les paradis fiscaux. C’est également dans la métropole que se concentrent les métiers de la communication. Beaucoup d’activités routinières peuvent être délocalisées, mais les activités novatrices et spécialisées demeurent et se développent. A New York croît également une économie liée à la santé. La ville comprend de nombreux hôpitaux, des facultés réputées, des laboratoires de recherche de pointe. Le fret aérien et portuaire reste important tandis que le tourisme s’accroît.

Les banlieues s’étendent massivement. Elles sont reliées à NY par des voies rapides. La circulation dans la métropole est cauchemardesque.
Sous l’impulsion de Robert Moses, chef du comité municipal au logement, des quartiers insalubres de Manhattan sont rénovés. Des logements sociaux sont privatisés pour permettre la construction de grands ensembles, notamment dans le Lower East Side et Washington Square. A partir des années 1960, des critiques apparaissent, dénonçant la destruction des vies de quartier et la dégradation rapide des grands ensembles. Moses renonce à ses projets pour l’ouest et le sud de Manhattan avant de quitter ses fonctions. Des différenciations s’opèrent dans le paysage urbain. Certains quartiers se délabrent, tout comme les infrastructures urbaines (métro). Des portions de voiries s’effondrent en 1973. Au même moment, les premières initiatives visant à protéger le patrimoine urbain apparaissent, avec la conversion, dans Soho d’immeubles industriels en logements de luxe.

En 1940 et 1990 la population stagne entre 7 et 8 millions d’habitants. Beaucoup de blancs quittent la ville, remplacés par des portoricains et des noirs (1940-1970) puis par des asiatiques et des latinos. Les Noirs représentent 20% de la population en 1970. Depuis le vote d’une loi moins restrictive sur l’immigration en 1965, New York retrouve sa diversité d’immigrants d’antan. Dans l’imaginaire des arrivants, elle reste la ville où tout est possible. C’est une ville de minorités. En 1990, il y avait 43% de blancs, 26% de Noirs, 24,5% de latinos et 6,5% d’asiatiques. Ces derniers s’installent souvent directement dans des quartiers autres que Manhattan ou en banlieue.

On constate un affaiblissement de la classe ouvrière. Tandis que les emplois les plus rémunérateurs restent occupés par les Blancs. Les tensions raciales sont fortes (émeutes en 1964), cependant, les programmes fédéraux de Johnson et l’attitude conciliante du maire empêchent un prolongement des débordements. Conflits aussi entre immigrés. Cependant, hors de quelques violences ponctuelles, une intégration respectueuse des identités de chacun est réalisée.

Dans le domaine politique, on constate aussi des changements. Après trois mandats successifs de LaGuardia, les démocrates retrouvent la mairie à la fin de la seconde guerre mondiale. L’alliance entre irlandais et juifs qui soutenait le parti est peu à peu remplacée par une alliance entre noirs, portoricains et juifs. C’est une alliance à l’idéologie libérale qui soutient parfois les candidats républicains ou verts, comme John Lindsay. Peu à peu, des divergences entre Noirs et Juifs apparaissent, les Juifs évoluant vers les conservateurs. En 1977, Edward Koch, démocrate conservateur, est élu pour redresser la ville. Après trois mandats, il est remplacé par un maire Noir, David Dinkins. Entre 1993 et 1997, le poste est occupé par Rudolf Juliani. Les majorités varient en réponse aux tensions, entre conservateurs et libéraux et entre les races.

New York New York

Un jour à New York, comédie musicale de Leonard Bernstein, symbolise l’attraction que New York exerce sur les esprits. Dans les années 1940, Greenwich Village abrite Pollock, Motherwell, Rothko, … Tous ont un mode d’expression individuel, mais ont subi les mêmes influences, celles des artistes européens exilés pendant la guerre. Tous ont également bénéficié des aides artistiques du New Deal. Leur langage abstrait connaît un succès rapide.

Dans le domaine musical, les jazzmen invitent le be-bop : Charlie Parker, Dizzie Gillespie, Monk, … La 52nd street devient la rue du jazz au début des années 1950. Miles Davis et John Coltrane y débutent.

En littérature, les écrivains juifs peignent l’exclusion et la différence ; les écrivains noirs revendiquent la reconnaissance de leur culture. Emerge également une littérature contestataire, après l’attrape cœur de Salinger, mais aussi les Beats, comme Kerouac, qui critiquent le conformisme et le matérialisme de la société, tout en affichant un goût pour les expériences extrêmes. Ils s’installent dans le Village. Cette littérature s’inscrit dans un mouvement plus large tendant à retrouver la spontanéité dans l’art. L’actor’s studio est fondé en 1947. Au milieu des années 1950, une nouvelle génération de peintres (Rauschenberg) émerge en réaction à l’expressionnisme abstrait de Pollock et consorts.

La vie intellectuelle est marquée par plusieurs faits :
- abandon des idéaux communistes qui avaient eu du succès dans les années 1920,
- quasi disparition de l’antisémitisme après l’Holocauste (l’université s’ouvre aux Juifs),
- un consensus se dégage sur les vertus américaines et leurs rôles dans la défense du monde libre

Tout en se démarquant légèrement du Maccartisme, les intellectuels anticommunistes en arrivent à considérer le communisme comme une conspiration antiaméricaine. De nombreux enseignants sont licenciés pour refus de témoigner sur leurs liens avec le parti. Peu de libéraux dénoncent vraiment MacCarty. Hannah Arendt dénonce les méthodes employées. A gauche, on critique le conformisme et le libéralisme.

A partir des années 1960, New York perd son monopole intellectuel. Les intellectuels New-yorkais comprennent mal les remises en cause de l’autorité et beaucoup évoluent vers les milieux conservateurs. L’esprit contestataire est relayé par de nouveaux organes de presse, comme le Village Voice (1955) de Norman Mailer. Celui-ci se fait l’écho de mouvements de droits civiques, étudiants de la nouvelle gauche. Cet esprit contestataire se traduit par une lutte contre la ségrégation, des protestations anti Vietnam, de fortes mobilisations sur le campus de Columbia, soutenues par Mailer et Susan Sontag. A la même époque émerge la culture folk, avec Bob Dylan, Lou Reed, Leonard Cohen, Joan Base, dont l’apogée est le festival de Woodstock, au nord de l’état de New York. La ville est aussi un haut lieu du mouvement féministe, avec les New York radical women, ou les Witchs (Women International Terrorist Conspiracy from Hell). L’activisme gay, quant à lui, est freiné à partir des années 1980 par l’apparition du SIDA, qui conduit à une plus grande stigmatisation, tout en développant les solidarités. Manhattan reste une cité de jeunes et de célibataires tandis que les familles partent vers les banlieues.

Les arts plastiques sont eux aussi contestataires. Le pop art se moque du consumérisme (Warhol travaille à NY de 1963 à 1967). Les artistes noirs luttent toujours pour leur reconnaissance. Soho abrite les expérimentations artistiques de Basquiat ou Keith Haring. Les avant gardes connaissent un succès immédiat qui provoquent un embourgeoisement de Soho. Les artistes quittent alors le quartier et sont remplacés par les Yuppies. Les écrivains explorent quant à eux les transformations de la métropole. On observe un double mouvement d’effacement et de maintien des communautés. A Brooklyn, l’identité du quartier s’estompe, symbolisée par le départ des Dodgers en 1957, et la destruction du stade d’Ebbets Fields en 1950. Tandis que certaines cultures sont absorbées par la ville, d’autres restent fortes et conflictuelles, avec parfois des changements de localisation. Les nouveaux groupes s’organisent : les portoricains créent un congreso del pueblo, les antillais ont leur défilé à Brooklyn, leurs clubs de sport, leurs organes de presse, etc. La présence chinoise s’amplifie également. On retrouve une diversité démographique égale à celle du début du XXe siècle.

L’hégémonie de New York dans l’industrie culturelle est brièvement renforcée avec l’apparition de la TV (NBC, ABC, CBS). Cependant, dès le milieu des années 1950, les chaînes se rapprochent d’Hollywood. Dans les années 1960, seules les séries spécifiquement New-yorkaises et certains shows restent à NY. La perte d’hégémonie atteint d’autres domaines. Les parcs d’attraction de Coney Island sont concurrencés par Disney. D’autres villes développent une industrie du disque (Memphis pour le rock). Cependant, New York a été de nouveau au cœur de l’industrie du disque dans les années 1960-70 avec le folk et le disco. La ville abrite aujourd’hui les sièges des principales majors. Néanmoins, la ville doit désormais compter avec des rivales comme Los Angeles.

 
histoire/pays/new-york/histoire.txt · Dernière modification: 2007/06/19 17:32 (édition externe)     Haut de page